On ne peut raconter la ville de Sceaux sans s’attarder sur le quartier des Blagis. Ses particularités ont conduit la municipalité à lancer une démarche « Parlons ensemble des Blagis » en 2021. Le rapport d’analyse des besoins sociaux réalisé fin 2020 et le rapport social plus récent du CSCB fournissent de précieuses informations.
Définition du quartier
La démarche de la Ville avait suscité une question récurrente : de quoi parle-t-on quand on parle des Blagis ? Ce terme « Blagis » peut en effet correspondre à des territoires très variés. On en a parlé ici.
Comme il faut bien choisir, la Gazette a pris le parti de s’appuyer sur le découpage IRIS qui identifie un quartier « Blagis » parmi 8 à Sceaux. Un choix qui permet de disposer de nombreuses statistiques sur le quartier.

Dans le découpage IRIS, le quartier des Blagis est limité à l’est par la D77 (Avenue Georges Clemenceau), au nord par la D75 (avenue Jean Perrin) puis la D74 (avenue de Bourg-la-Reine). La D75 constitue la limite avec Fontenay-aux-Roses, la D74, la limite avec Bagneux. Au sud, c’est la rue des Aulnes qui constitue la limite. A l’ouest, la limite coupe la rue Léon Blum puis rejoint une partie de l’allée Jean Baral pour déboucher sur l’avenue Jean Perrin.
La résidence des Bas-Coudrais est donc entièrement dans ce quartier, dont elle constitue la plus grande partie : 700 logements, gérés par Hauts-de-Seine Habitat, 5 hectares de parc. A l’est, le quartier inclut la rue de Bagneux, la place des Ailantes et l’école des Blagis ainsi que le théâtre des Gémeaux. On y trouve aussi une part de logements sociaux, gérés par Sceaux-Bourg-la-Reine habitat.
La résidence des Bas-Coudrais
La résidence des Bas-Coudrais, qui compte près de 700 logements a été construite au milieu des années 50. Les bâtiments n’occupent qu’un tiers de 8 hectares de la résidence ; celle-ci a toujours un parc magnifique.
Jusqu’en 2009, les Bas-Coudrais appartiennent au groupe Icade, une entreprise sociale de l’habitat (ESH), dont le capital est issu du 1% logement et qui est gérée par les partenaires sociaux. Les entreprises qui avaient investi là leur cotisation pour le 1% y logeaient une partie de leur personnel. On y trouvait donc des salariés d’EDF, d’Aéroports de Paris, de la préfecture….
La ville de Sceaux compte toujours très peu de logements les plus accessibles aux plus pauvres (type PLAI). La moitié du parc est accessible à des personnes ayant un revenu supérieur au revenu médian. Le parc cible en priorité les classes moyennes, même si on y trouve très probablement des situations très diverses.
En 2009, Icade vend l’essentiel de la résidence à Hauts de Seine Habitat, pour un montant de 87 M€ d’après le Parisien. Hauts de Seine est un Office Public de l’Habitat, c’est-à-dire un organisme dont le capital vient des collectivités locales. A partir de 2009, les nouveaux arrivants sont donc assez différents des locataires en place. On y a notamment logé des familles issues des Paradis en rénovation tout proche ou des familles monoparentales en difficulté, en particulier des familles d’origines étrangères diverses. L’association des locataires de la Résidence n’arrive pas à intégrer ces nouveaux arrivants, qui ne se retrouvent peut-être pas dans les actions de l’association.
Comprendre les Blagis
Une loi de 1995 prévoit que les CCAS (Centre communal d’action sociale) procèdent annuellement à une analyse des besoins sociaux. Une étude du Secours catholique publiée en 2014 montre que moins de la moitié des villes d’Île-de-France réalisent cette analyse parce qu’elles la trouvent chère et complexe. La pratique de la Ville de Sceaux est de faire réaliser cette étude à chaque début de mandat, soit tous les 6 ans. Un intervalle qui n’est pas très différent de ce qui est demandé aux centres sociaux par la CAF (tous les 5 ans).
La Ville de Sceaux a procédé à cette analyse en 2014 et fin 2020. L’étude a été réalisée en 2020 par le cabinet-conseil Ithéa, à partir des données de l’Insee et d’entretiens avec des agents de la Ville. Le rapport a été présenté aux partenaires associatifs du CCAS, à savoir la Croix-Rouge, le Secours catholique et les conférences Saint Vincent de Paul des paroisses Saint-Jean-Baptiste de Sceaux et Saint-Stanislas des Blagis. Il ne semble pas qu’il ait été présenté au conseil municipal, mais le conseil d’administration du CCAS compte 8 membres élus par le Conseil à la proportionnelle (scrutin de liste).
Les rapports de 2014 et de 2020 s’attardent tous les deux, de manières différentes, sur les Blagis, les besoins sociaux y étant plus importants que dans d’autres quartiers. On s’attardera ici sur le plus récent, en observant que les données de l’Insee utilisées datent de 2017.
Le CSCB (centre social et culturel des Blagis) a renouvelé son projet social pour la période 2024-2028, ce qui l’a amené à faire une étude des besoins locaux. L’évaluation s’est déroulée de novembre 2022 à février 2023, et le diagnostic de février à avril 2023. Le rapport d’analyse des besoins du CCAS a été utilisé et de très nombreuses personnes se sont exprimées.
Élections

Le découpage de Sceaux en bureau de vote nous donne une autre approche du quartier. La résidence des Bas-Coudrais et le centre commercial composent l’essentiel du bureau n°7. La moitié nord-ouest du bureau 13 appartient également au quartier. L’autre moitié fait partie du quartier Musiciens-Roosevelt, un quartier où le revenu médian est un peu supérieur à celui de la moyenne de la ville (et cela doit être encore plus vrai pour la partie Musiciens, qui fait partie du bureau 13). Le bureau 6 se situe juste au sud des bureaux 7 et 13, et le RER constitue sa limite sud.
Lors du 2e tour des législatives en 2022 (comme à toutes les élections), le bureau 7 s’est doublement distingué du reste de la ville. D’abord par le taux de participation particulièrement bas : 41,8%, contre 57,5% sur l’ensemble de la ville. Ensuite par un vote nettement plus favorable au candidat de gauche Brice Gaillard : 61,6% contre 35,6%.
Le bureau 13 connaît au contraire une participation légèrement supérieure à celle de la ville : 59,3%. Mais c’est le bureau de vote le plus favorable à la gauche, après le 7 et loin derrière celui-ci : 40,3%. On peut raisonnablement penser que ce vote plus favorable à la gauche vient préférentiellement de la partie du bureau qui appartient au quartier des Blagis. Le bureau 6 a pratiquement les mêmes résultats que le bureau 13.
Démographie
Si Sceaux comptait en 2017 un jeune de moins de 20 ans pour une personne de plus de 60 ans, ce taux était deux fois plus élevé dans le quartier des Blagis. Entre 2006 et 2017, la part des moins de 3 ans a fortement baissé à Sceaux, passant de 4% à 2,9%. Sur la même période, leur nombre a augmenté d’environ 50% dans le quartier des Blagis.

En regardant la pyramide d’âge des arrivants, on comprend qu’il s’agit essentiellement de familles avec enfants. Une remarque de l’ancien directeur de l’école primaire des Blagis sous-entend que les enfants arrivant aux Blagis sont plus jeunes que ceux qui arrivent dans le quartier des Musiciens (locataires vs propriétaires).
À noter que la proportion de familles monoparentales est nettement plus importante aux Blagis qu’en moyenne sur la commune (33% contre 17% pour Sceaux). Une famille scéenne monoparentale sur quatre (25%) habite dans le quartier des Blagis, alors que le quartier représente 13% de la population scéenne.
Les familles nombreuses (ayant 3 enfants ou plus) sont également plus nombreuses aux Blagis (20%) que sur l’ensemble de la ville (10%).
Il faut souligner la qualité de l’école des Blagis et le fait que les jeunes du quartier sont sur le secteur du collège et du lycée Lakanal.
Revenus et précarité
Le quartier des Blagis concentre une forte part des ménages précaires scéens : la part des ménages dont le revenu est constitué à plus de 50% d’aides sociales est de près de 22% contre 5% pour la commune. C’est le quartier où la part de ménages au RSA est la plus forte.
Attention, il n’y a pas que des pauvres : la part des ménages imposés est de 47% (contre 70% pour la commune).
Le taux de chômage des jeunes (33% aux Blagis) est largement plus élevé que sur l’ensemble de Sceaux (22%). Le taux des enfants et des jeunes bénéficiaires de la CMU-C est également plus élevé.
Insécurité
La démarche « Parlons ensemble des Blagis » comme plus tard la réunion « Parlons ensemble de Sceaux » l’ont montré : la question de l’insécurité est majeure pour les habitants du quartier. Comment éviter que le centre commercial soit un point de deal, que les deux roues roulent à fond dans les rues ?
Il faut préciser que la drogue aux alentours n’est pas chose nouvelle, mais que les pratiques des dealers la rendaient peu visibles. Ces pratiques ont changé, le deal se fait aujourd’hui au grand jour
La municipalité a lancé un programme en octobre 2021. Ensuite, un programme intercommunal quartier 2030 a été décidé en 2024. Le centre commercial va être rénové. Est-ce que cela va faire un choc salutaire ?
CSCB

Le centre social et culturel des Blagis est idéalement situé, à deux pas du centre commercial et en bordure de la résidence des Bas-Coudrais. Il a connu une période faste avec le rallye pédestre. Le CSCB a vu le nombre de ses adhérents décroître régulièrement depuis 2013. La chute a été ensuite brutale au moment du Covid, accentuée par deux départs successifs de dirigeants. La stabilisation de l’équipe et la construction du projet 2024-2028 ont été l’occasion d’un renouveau. La bibliothèque a été rénovée à l’aide d’une subvention exceptionnelle de la mairie. Le nombre des adhérents est en hausse, mais n’a pas retrouvé le niveau précédent. 69% des adhérents habitent Sceaux, sans qu’il soit précisé de quel quartier.
En revoyant son projet social pour la période 2024-2028, le CSCB a conclu qu’il ne trouverait pas son nombre d’adhérents antérieur sans changement de ses propositions. Depuis une quinzaine d’années, il y a en effet eu un changement profond de populations dans la résidence des Bas-Coudrais, comme évoqué plus haut.
Le CSCB a conclu qu’il lui fallait aller vers ces nouveaux habitants, avec le choix de favoriser les initiatives des habitants. Des actions en ce sens sont en cours et la Gazette compte bien en rendre compte.
Quelle dynamique pour les Blagis ?
On l’a compris, une partie importante de la population des Blagis a des caractéristiques très différentes de des moyennes à Sceaux : nettement plus de jeunes, de familles monoparentales, de personnes au RSA, des revenus plus bas. La principale chance pour ces jeunes se trouve dans le monde scolaire, avec l’école des Blagis puis la Cité scolaire Lakanal. Dans le CSCB aussi.
Il y a manifestement une attente que des initiatives collectives émanent de la population du quartier. Encore faudrait-il comprendre dans quel domaine les habitants sont prêts à prendre des initiatives collectives.
Les autres articles de la série :
- Si Sceaux m’était conté, préambule
- Si Sceaux m’était conté 1 : infrastructures
- Si Sceaux m’était conté 2 : renouvellement de la population
- Si Sceaux m’était conté 3 : ses habitants
- Si Sceaux m’était conté : vie quotidienne
- Si Sceaux m’était conté : place du politique
- Si Sceaux m’était conté : une population diverse
Les articles de la Gazette sur le quartier des Blagis
De quoi parle-t-on?
École des Blagis
- Réduire l’îlot de chaleur de l’école des Blagis
- Apprentissage innovant à la maternelle des Blagis
- Avec de jeunes « journalistes » aux Blagis
- Aux Blagis, la classe
- Avec Stéphane Bloret, le nouveau directeur de l’école des Blagis
- Le départ en retraite d’un directeur d’exception
- De la manufacture à la maternelle
- Une peintre à l’école primaire, ou l‘enfance de l’art
- Maîtriser la lecture à Sceaux
- Scolarité en temps de pandémie
CSCB
- Assemblée Générale du CSCB
- Nouvel élan au CSCB
- Souvenirs du rallye pédestre
- Le CSCB en plein mouvement
- Associations scéennes : l’exemple du CSCB
- S’approprier le CSCB
Parlons ensemble
- Parlons ensemble, étape des Blagis
- Conseil municipal au quartier des Blagis
- Les Blagis, bis repetita
- Blagis: Mettre des mots sur des maux
- Blagis: le débat continue en rondeur
- Blagis: longue soirée
- Parlons ensemble des Blagis – suite
- Parlons des Blagis… C’est en ce moment…
Histoire
- Quand les Blagis eurent un pied dans la tombe
- Si les Blagis m’étaient contés
- Avec Corinne Jager et Isabelle Lisandre pour (re)connaître les Blagis
- Réécrire l’histoire, samedi 1er février
- Le plaisir éducatif du Café histoire
Habitants
- En revenant aux Blagis
- J’habite les Blagis … et j’en parle
- On écrit sur les murs
- On réécrit sur les murs
- Marie-France et Daniel Lucas
Vie locale
- Tout nouveau, bien parti : le fab lab des Blagis
- La bonne cause des Blagis
- Contrat d’engagement pour les Blagis
- Faire vivre le quartier des Blagis
- Solidaribus aux Blagis
- Fresques Blagis Szumanski
- Braderie aux Blagis sous les auspices de la Croix-Rouge
- Les Blagis : un nouvel espoir ?
- Que va devenir le bureau de poste des Blagis ?
- Les Blagis : mort à 20 ans d’un coup de couteau
- Réponse à la photo mystère n° 16
- Ancrage local aux Gémeaux
- Le Paladin, un an après
- Concertation citoyenne quartiers 2030
- Vandalisme à Sceaux
- Le Paladin, mode d’emploi