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Territoires multiples des Blagis

La réunion du 1er juin de la démarche « Parlons Ensemble des Blagis » a illustré une caractéristique présente depuis le début, mais toujours restée implicite, à savoir le périmètre de ce qu’on appelle les Blagis. On a selon les personnes, des définitions territoriales extrêmement variables. On a des emboîtements qui rappellent les poupées russes et suscitent la réflexion. Les sous-entendus sont nombreux, ce qui témoigne de la force symbolique du quartier. Une bonne raison pour tenter, sans prétendre épuiser le sujet, d’y voir plus clair. En montrant la complexité mais sans vouloir conclure sur UNE définition.

Un peu de géographie

Le RER crée une limite géographique forte, malgré quelques ponts routiers ou piétonniers. Il y a la partie de la ville située au sud du RER et celle située au Nord.

Au cœur des Blagis, on trouve plusieurs bâtiments ou groupes de bâtiments, qui ont chacun une implantation géographique et une zone d’influence propre :

  • La zone commerciale des Blagis, avec en son cœur de supermarché Auchan, dont le responsable était présent : la zone de chalandise des commerces présents s’étend dans Sceaux, mais aussi sur les villes limitrophes, Bagneux et Fontenay-aux-Roses certainement, Bourg-la-Reine peut-être.
  • En face, l’Église St Stanislas des Blagis, qui accueille manifestement des paroissiens de plusieurs villes. La seule instance à ne pas être représentée officiellement ce soir-là.
  • La résidence des Bas-Coudrais, avec la diversité de ses bâtiments, rattachée depuis une dizaine d’année à Hauts de Seine Habitat. La direction de proximité de cet O.P.H. se trouve à Bagneux. L’attribution des logements se fait normalement dans une logique départementale.
  • Le CCSB installé à deux pas de la zone commerciale, mais dont les adhérents se recrutent dans tout Sceaux, et probablement aussi dans les villes limitrophes.
  • L’école primaire des Blagis (ainsi que l’école maternelle attenante) qui recrute sur quatre quartiers : la Marne, les Bas-Coudrais, les Haut-Coudrais et les Musiciens.
  • Un peu plus loin, le théâtre des Gémeaux, scène nationale, dont les spectateurs viennent probablement d’une bonne partie de l’Ile-de-France

Dans ses déclarations finales à la restitution, le maire a renforcé cette impression de multiplicité des territoires avec les décisions qu’il a exposées lors de la rencontre.  

  • Le Forum du sport s’adressera, depuis le gymnase des Blagis, à toute la population scéenne, quand on peut supposer que la fête des Blagis s’adressera à la clientèle habituelle du CSCB
  • Les annonces sur les éducateurs et les transports renvoient à l’intégration des Blagis dans une réalité départementale et francilienne
  • La lettre sur la sécurité est signée par les quatre maires concernés, de Sceaux, Fontenay, Bagneux et Bourg-la-Reine et s’adresse au préfet
  • La question du bureau de Poste se gère avec une entreprise nationale et, semble-t-il aussi, le préfet.

Étonnamment jamais cité, le lycée professionnel Florian est pourtant bien situé au nord du RER.

En conclusion, des discours qui renvoient à trois niveaux selon les cas : celui de la seule résidence des bas Coudrais, celui de la partie Nord du RER de la ville de Sceaux, celui d’un territoire plus vaste, comprenant des quartiers de Fontenay et de Bagneux, voire de Bourg-la Reine. Les sentiments d’appartenance de ces territoires sont eux aussi multiples. On peut être attaché au fonctionnement du CSCB et préférer faire ses courses à Bourg-la reine, ou au contraire aimer fréquenter la zone commerciale des Blagis mais ne pas être inscrit au CSCB !

Un peu d’histoire

L’association Sceaux Coudrais a publié en 2016 sur son blog un article écrit par Geneviève Papin, géographe, membre de Sceaux-Blagis, intitulé « Que reste-t-il de la commune libre des Blagis ». On y apprend que des habitants des Blagis ont dépassé les limites communales pour élire (au moins symboliquement) leur propre maire, pour un fonctionnement collectif qui durera de 1946 à 1953, avant la construction en 1955 du grand ensemble des Bas-Coudrais. Le registre de cette association, que la Gazette a pu consulté, montre que lors de l’Assemblée Générale qui s’est tenue le 28 juin 1947, a eu lieu l’élection d’une équipe par les présents, qui ne sont pas dénombrés mais qui étaient probablement autour de la soixantaine (la personne ayant recueilli le plus de voix en a obtenu 50). Par leurs différentes actions, ces élus ont su marquer l’histoire, au delà de leur nombre limité.

Frédéric Delamare, le directeur de l’école, a fait sa maternelle aux Blagis, à une époque où l’école était intercommunale.

Comme le racontait il y a dix ans un article du Monde, la résidence des Bas-Coudrais est un ensemble de 700 logements sociaux, répartis sur un quadrilatère de huit hectares, construits dans la seconde moitié des années cinquante par une filiale de la Caisse des Dépôts et consignation (la SCIC). Avec soin : quatre architectes (Chaillier, Fournier, L’hernaut, Andrault) pour dessiner les plans, et un grand prix de Rome, Eugène Baudoin, pour conduire les travaux.

Deux ans auparavant, la résidence fait l’actualité du journal l’Humanité : elle passe du 1% patronal (avec Icade) à ce qu’on appelle aujourd’hui les Offices Publics de l’Habitat, en l’occurrence celui des Hauts-de-Seine. La logique du 1% patronal est de réserver en priorité les logements au personnel des entreprises qui ont financé, ce qui par construction favorise les actifs en emploi.

On notera que l’article du Monde comme celui de l’Humanité pointent déjà des difficultés d’entretien.

Il y a une quinzaine d’années, un dispositif de coordination des différents acteurs (associations de quartier, C.A.F. crèche, CSCB, Éducation nationale…) a été mis en place. Il bénéficiait de crédits de l’Etat et du conseil général et permettait des actions très diverses : actions sur le temps scolaire, aides à la parentalité, prises en charge individuelles, tutorat (grâce à des bénévoles), vacances apprenantes (avant l’heure !), activités sportives, bourses… Cela s’est arrêté il y a 4 ans, mais le besoin est toujours là !

Il existe d’autres aspects des Blagis sur lesquels nous reviendrons dans un prochain article.
A suivre

  1. Jean-Claude Herrenschmidt Jean-Claude Herrenschmidt 17 juin 2021

    Le commentaire de Jean-Pierre GREGOIRE, que je partage, m’inspire la remarque suivante à propos de ce qu’il écrit : « …suivant les thèmes abordés, il y a des périmètres différents et des échelles à articuler. »
    J’en suis bien d’accord.
    C’est la raison pour laquelle je me suis retourné vers Georges Siffredi pour lui demander d’étudier toutes les questions posées par le quartier des Blagis dans le cadre de Vallée Sud-Grand Paris. Les maires des 4 communes concernées par ce quartier, que j’avais également sollicités, n’ont montré aucun empressement à travailler ensemble. Au contraire. Ou alors, c’est bien discret.
    La démarche « Parlons ensemble des Blagis » reste une initiative de la Ville de Sceaux, n’a jamais débordé les limites de la commune (enquête préalable, témoignages, réunions en visioconférence) et, lors de la réunion de restitution, c’est la première adjointe Chantal Brault qui s’y est collée pour affirmer avec force et conviction que les Blagis, c’est Sceaux. Point.
    Je sens bien que je suis désagréable, mais toutes ces manœuvres territoriales m’indisposent puissamment.

  2. Gérard Bardier Gérard Bardier Auteur de l’article | 15 juin 2021

    Je partage tout à fait votre avis, mais je crains aussi que mes réflexes d’ancien consultant ne biaisent mon point de vue

    • Jean-Pierre Grégoire Jean-Pierre Grégoire 22 juin 2021

      Votre réaction me donne l’occasion de préciser mon point vue qui peut paraître trop idéaliste ou théorique. Comment aujourd’hui organiser des débats constructifs avec la montée de l’individualisme et des radicalités ? Comment parler sereinement, par exemple, de la sécurité ?
      Dans ce contexte difficile, la commune a choisi de procéder de la manière suivante : expression des habitants, avec restitution sous forme de vidéos qui montrent la diversité des représentations sur le quartier. Je passe rapidement sur l’organisation caricaturale des ateliers, avec une distribution de 70 propositions et une élaboration au pas de charge de fiches d’action (il fallait produire à tout prix, et qu’importe la façon). Après cette «phase d’écoute», le Maire, monarque éclairé, pourra travailler avec les institutions concernées et annoncer le résultat de son action qui répondra totalement, à n’en pas douter, aux «attentes des habitants». Sur la sécurité, il a déjà annoncé le recours à des médiateurs (une excellente chose), il a diffusé une lettre au Préfet signée également par 3 autres maires (qui pointe le désengagement de l’État) et il ne manquera pas d’annoncer prochainement le renforcement de l’action de la police municipale sur le quartier (un point positif). Avec mauvais esprit, on peut dire qu’il aurait pu faire la même chose sans la démarche «parlons ensemble», mais c’est mieux quand des habitants s’expriment. Alors pourquoi faire la fine bouche, surtout si quelques mesures positives sont prises à la fin ?
      Je crois que l’on peut défendre une autre façon de procéder. D’abord, il y a une crise indéniable de la représentation et une défiance envers la politique. Par contre, la demande de participation, à laquelle tout le monde se réfère, est beaucoup plus difficile à interpréter. Elle dépasse, à mon point de vue, la seule demande d’expression. Nous passons du temps à donner notre avis, mais nous manquons cruellement de vrais échanges. Il y a aujourd’hui des élus et des associations qui tentent de travailler autrement, en organisant une participation citoyenne plus exigeante. Cela nécessite de mobiliser des habitants volontaires, d’organiser de vrais échanges entre ces habitants et des experts ou des institutions, pour bien comprendre les enjeux et la logique des autres, de produire des actions qui s’éloignent des inévitables «y’a qu’à faut qu’on». C’est un apprentissage collectif qui demande du temps et des méthodes de travail. Il faut en permanence clarifier les enjeux et les objectifs. Nous sommes très loin de la réalisation de vidéos. Au final, cela peut s’avérer ingrat et décevant, Il n’y a aucune certitude de résultats pérennes, mais nous sommes loin des simulacres de participation qui renforcent la défiance des habitants. Il faut miser sur un enrichissement de l’engagement citoyen.
      Je constate d’ailleurs que la commune de Sceaux peut aller parfois dans ce sens. Le comité consultatif des transitions reprend quelques uns de ces principes. Les débats sont menés par une élue qui sait animer un groupe (pas besoin de journaliste pour faire semblant d’être impartial). Le recours à Whaller, une plateforme collaborative, évite d’utiliser cet envahissant et dangereux Facebook. Des témoignages extérieurs viennent éclairer les participants. Des travaux en sous groupe, sur des thèmes choisis par les participants sont préparés.
      En misant tout sur la seule communication et en utilisant de grosses ficelles, je crains que la commune ne loupe son rendez-vous avec les Blagis. J’espère seulement que les habitants qui se sont mobilisés, notamment les jeunes, poursuivront leur engagement pour ce quartier dans des formes qui restent à expérimenter.

      • Maurice Zytnicki Maurice Zytnicki 23 juin 2021

        Votre analyse, Jean-Pierre, est vraiment très intéressante. Elle donne matière à débat utile et je crois qu’il faudrait lui accorder une place dans le corps du blog, ce qui la mettrait mieux en évidence.
        Sachez que nous accueillons des contributions lorsqu’elles s’inscrivent dans un esprit constructif de réflexion collective. C’est tout à fait le cas de la vôtre. Le point de contact est alors ici:
        https://sceaux-lagazette.fr/index.php/contact/

      • Maurice Zytnicki Maurice Zytnicki 23 juin 2021

        Votre analyse, Jean-Pierre, est vraiment très intéressante. Elle donne matière à débat utile et je crois qu’il faudrait lui accorder une place dans le corps du blog, ce qui la mettrait mieux en évidence.
        Sachez que nous accueillons des contributions lorsqu’elles s’inscrivent dans un esprit constructif de réflexion collective. C’est tout à fait le cas de la vôtre. Le point de contact est alors ici:
        https://sceaux-lagazette.fr/index.php/contact/

  3. GREGOIRE Jean-Pierre GREGOIRE Jean-Pierre 15 juin 2021

    L’article sur les territoires des Blagis est utile au débat. Tous les acteurs qui travaillent à construire un projet territorial, se confrontent à la recherche illusoire du périmètre unique et pertinent. Or suivant les thèmes abordés, il y a des périmètres différents et des échelles à articuler.
    Il me semble néanmoins que l’interrogation récurrente sur le périmètre des Blagis est à imputer à autre chose. Le malaise vient que dans les films et les présentations, chaque critique est contrebalancée par une opinion positive. Les témoins qui vivent mal certaines situations peuvent avoir l’impression que leurs propos sont ainsi affaiblis, parce que systématiquement noyés dans un ensemble plus vaste d’opinions. C’est à mon avis, l’effet pervers d’une communication trop maîtrisée, trop calibrée qui ne fait pas suffisamment de place aux débats contradictoires, voire aux confrontations nécessaires. Dans toute « démarche », il y a «des marches» à franchir progressivement. En passant directement de la première marche (expression des habitants) à la dernière marche (élaboration des actions), on ne favorise pas suffisamment le partage des enjeux et du diagnostic. La réflexion en cours saute allègrement quelques marches indispensables, au risque de trébucher. Défaut de méthode ou calcul politique ? Ceci est un autre débat.
    Jean-Pierre GREGOIRE

    • Maurice Zytnicki Maurice Zytnicki 22 juin 2021

      Vous parlez d’une recherche illusoire du périmètre unique et pertinent. Il est vrai que les témoignages présentent de telles différences qu’une unité semble hors de portée. On a senti lors des rencontres que deux sociologies bien distinctes y sont voisines. Votre réflexion m’inspire une question : qu’auraient donné des confrontations franches ? Auraient-elles pu converger ? Et sinon, un constat d’échec n’aurait-il pas eu un effet plus négatif que celui produit par une « communication trop maîtrisée »? Je vous suis quand vous soulignez les marches manquantes, mais trébucher me paraît un risque moindre que celui de la vacuité (le coup d’épée dans l’eau). Ces marches dont vous parlez fort justement ne doivent-elles pas être plutôt gravies dans le cadre associatif, mais surtout « off record » ?

  4. Gérard Bardier Gérard Bardier Auteur de l’article | 14 juin 2021

    Ce que disent le Monde et l’Humanité impliquent qu’il y avait déjà des problèmes d’entretien à l’époque, pas que cela n’a pas empiré depuis. A cet égard le témoignage d’un habitant de longue date du quartier est évidemment à prendre en considération!

  5. Jean-Claude Herrenschmidt Jean-Claude Herrenschmidt 12 juin 2021

    Dire que les articles de l’Humanité (28 mai 2009) du Monde (4 juillet 2011), dans l’ordre chronologique, pointent des difficultés d’entretien est un peu rapide.
    J’encourage vivement les lecteurs à aller lire ces références pour se faire une idée. La situation actuelle du quartier des Blagis, que j’habite et que j’identifie territorialement à son emprise sur les 4 communes citées dans le présent article de la Gazette, est aujourd’hui beaucoup plus préoccupante qu’il y a 10 ans.
    Et c’est bien de cela qu’il faut parler.
    J’ai participé le 10 juin à un des ateliers organisé à la suite des rencontres « Parlons ensemble des Blagis ».
    Je reste perplexe.
    Toute cette dynamique lancée par la Ville de Sceaux va-t-elle se limiter à proposer des mesures cosmétiques (sans doute en faut-il pour parer au plus pressé), ou bien déboucher sur une vraie vision de rénovation urbaine pensée sur la durée longue, 2021-2050 (en harmonie avec les objectifs de la COP 21), et organisée sur le territoire de Vallée-Sud Grand-Paris (https://www.valleesud.fr/fr) ?

    Ceci étant dit, la Gazette est un bien précieux qu’il faut encourager.
    Merci.

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