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Évaluer les dangers de la radioactivité

Le nucléaire peut éradiquer toute vie sur Terre pour certains antinucléaires quand c’est le mode de production d’énergie qui fait le moins de victimes pour d’autres. Difficile de trouver un consensus quand les positions apparaissent à ce point divergentes.

La divergence commence pour évaluer le danger de la radioactivité. On ne sera pas étonné de la retrouver dans l’appréciation des résultats d’un accident majeur. Deux articles aborderont donc successivement ces deux points.

Radioactivité et dangers

Le 20 avril dernier, la communication d’EELV dans la région PACA publiait un communiqué à propos d’un convoi exceptionnel d’Areva tombé en panne dans une commune de la région. Évoquant une rumeur qui parlait d’un chargement radioactif de trois tonnes, EELV réclamait la transparence des autorités sur le sujet : « il est urgent de savoir s’il y a un risque de contamination radioactive dans le secteur ». En réponse RTE Méditerranée expliquait qu’il s’agissait du transport d’un transformateur fabriqué par AREVA, mais nullement d’un équipement nucléaire. Les commentaires sous le tweet d’EELV PACA étaient assez sévères.

On notera ici la dernière phrase du communiqué :

Lorsqu’un pays comme la France est dépendant de l’uranium, la radioactivité peut-être partout et pas seulement dans les centrales nucléaires ou dans les régions possédants des centrales. Ce risque est présent dans tout l’Hexagone sans exception et de façon quotidienne.

Il faut bien relire le communiqué pour comprendre l’affirmation : cette présence de la radioactivité serait liée au fait que la France dépend de l’uranium.

Cette phrase souligne un fait surprenant : une partie des anti nucléaires croient (ou font semblant de croire ?) que sans l’industrie nucléaire il n’y aurait pas de radioactivité partout. Dans cette logique, ils peuvent s’affoler de la moindre émission radio active qui ne change le niveau de radioactivité que de l’épaisseur du trait.

Comment mesurer la radioactivité ?

La radioactivité est due à la désintégration d’un atome. Cette transformation peut émettre trois types de rayonnements différents : alpha (=2 neutrons+ 2 protons), bêta (électrons ou positons) ou gamma (photons). Les rayons gamma sont plus dangereux que les rayons bêta, eux-mêmes plus dangereux que les rayons alpha.

L’émission de radioactivité se mesure en Becquerel. La dose reçue par une personne se mesure en Gray. Le Sievert mesure la dose efficace reçue pondérée de sa dangerosité et des organes touchés.

Le Becquerel (Bq) est une unité très petite. Les rejets de Tchernobyl ont été estimés à 12 milliards de milliards de Becquerel.

Le Sievert(Sv) est au contraire une unité importante : on parlera donc souvent de milli sievert (mSv) ou de microsievert (µSv).

D’où vient la radioactivité ?

Il faut donc le rappeler : la radioactivité est partout. Le corps humain par exemple est radioactif. Dans le corps d’un homme de 70kg se produisent environ 7000 désintégrations par seconde.

Il y a deux sources de radioactivité naturelle : les rayons cosmiques et les minéraux radioactifs présents dans le sol.

Les rayons cosmiques proviennent de l’espace intersidéral. Ils sont atténués par l’atmosphère, ce qui fait qu’on reçoit d’autant plus de radioactivité par cette source qu’on est en altitude.

Les rayons cosmiques sont responsables de la formation de carbone14 à partir de l’azote de l’air.

Le sol contient un certain nombre de minéraux radioactifs, dont bien sûr l’uranium, mais aussi le thorium et le potassium 40. Le potassium est un constituant important de la croûte terrestre. Il comprend 0,01% de potassium 40, lequel a une demi-vie de plus d’un milliard d’années. C’est le potassium 40 qui explique l’essentiel de la radioactivité du corps humain et des aliments, le carbone 14 constituant le complément.

Le charbon comprend une proportion d’éléments radioactifs plus importants que la moyenne du sol. Lors de sa combustion, ces éléments restent dans les cendres. Celles-ci sont donc nettement plus radioactives.

Les éléments radioactifs de la croute terrestre sont à l’origine du radon (un des résultats de la désintégration de l’uranium ou du thorium). Ce gaz inodore et incolore a la caractéristique de pouvoir s’accumuler dans les maisons (ou les mines), en particulier celles faites de pierres en granite.

Le niveau de radioactivité

Source : IRSN

L’exposition moyenne des Français est évaluée à 4,5mSv/an. L’image ci-contre donne la répartition des sources de radioactivité.

L’ensemble du nucléaire civil et militaire représente environ 3 pour mille du total, cent fois moins que les expositions médicales. Cette radioactivité est en diminution après les augmentations liées aux essais militaires dans l’atmosphère puis à Tchernobyl.

On notera ici qu’il s’agit d’une moyenne : on comprend bien que tout le monde ne subit pas les mêmes examens médicaux.

Mais la radioactivité du sol (rayonnement tellurique) est également très variable. Elle varie selon la nature du sol. Elle est ainsi cinq à vingt fois plus élevée dans les massifs granitiques (en Bretagne par exemple) que sur des terrains sédimentaires. Une tonne de sol sédimentaire contient à peu près 3g d’uranium (et aussi 5g de potassium 40 et 10g de thorium), mais une tonne de sol granitique contient 20g d’uranium. Au Kerala (Etat de l’Inde), le niveau de radioactivité tellurique est d’environ 50mSV, sans effet apparent sur les humains. A Ramsar (Iran), le Radon contenu dans des sources thermales produirait une radioactivité naturelle de 260mSV.

Source : IRSN

Quant au rayonnement cosmique, il dépend comme on l’a vu de l’altitude. L’importance du rayonnement cosmique augmente avec l’altitude : il double tous les 1500 m. À une altitude de 12km, soit l’altitude de croisière typique d’un avion de ligne commercial, votre exposition au rayonnement est de 40 à 50 fois plus importante que l’exposition au niveau de la mer.

Les seuils de danger

L’IRSN note à 100mSv « la dose à partir de laquelle l’augmentation des cancers a pu être démontrée scientifiquement. » Le cas des zones situé sous ce seuil (comme le Kerala) laisse à penser qu’il n’y aurait pas d’effet en dessous. Il n’y a pas de consensus scientifique sur la raison de ce niveau de seuil. Une hypothèse émise assez récemment serait que le corps se débarrasse d’une cellule abimée par la radioactivité en l’éliminant et la remplaçant simplement. Si les cellules détériorées sont trop nombreuses pour la solution de l’élimination, le corps tente de les réparer. Le processus de réparation a parfois des ratés qui se traduisent par des cancers.

Le seuil de 100 mSV est évidemment un arrondi. Des publications situent le seuil entre 100 et 200mSV. Il apparait donc logique que l’IRSN choisisse par prudence d’afficher une valeur de 100mSv.

Les seuils définis pour protéger le public et les professionnels du nucléaire civil (ceux des centrales et des appareils médicaux) sont définis largement en dessous de ce seuil de 100mSV. Il s’agit, on le comprend, de doses qui s’ajoutent aux doses reçues naturellement par tout un chacun.

La législation française définit une limite de 1mSv comme dose admissible pour le public. Elle est de 20mSV pour des travailleurs du nucléaire.

Quel risque ?

La radioactivité n’est dangereuse qu’au-dessus d’une dose d’au moins 100mSv. Heureusement, car elle est partout autour de nous. La radioactivité issue des activités de production d’énergie est très faible par rapport aux autres sources.

Exposition et ingestion

Si une personne se trouve exposée à une source radioactivité, elle reçoit des radiations tout le temps où elle est exposée mais pas plus. Si elle ingère une source radioactive (sous la forme de poussière par exemple), elle recevra des radiations tant qu’elle n’aura pas expulsé la poussière (en expirant ou par les voies naturelles).

La situation devient problématique si la substance se fixe dans le corps ; ce qui élimine déjà tous les gaz rares (une composante importante du nuage de Tchernobyl) qui ne peuvent subir de réactions chimiques. Mais dans la pratique, l’élément problématique est l’Iode 31 qui peut se fixer dans la thyroïde et y provoquer des cancers. L’iode 31 est un élément à vie courte (8 jours). Sa présence est divisée par mille en 80 jours et par un million en moins de deux semestres. En cas d’accident nucléaire, pour éviter la fixation dans la thyroïde de cet élément, il est recommandé d’ingérer une pastille d’iode normal. Cela va saturer l’organe et empêcher l’iode 31 de s’y incruster. 

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  1. Jean-Claude Herrenschmidt Jean-Claude Herrenschmidt 10 juin 2023

    Si ne m’abuse, la fusion nucléaire est également à l’origine de rayonnements ionisants dangereux pour la santé.
    Le soleil est une formidable machine à fusion nucléaire.
    Il en sort une quantité considérable de particules et de rayonnements électromagnétiques de haute et très haute énergie. Heureusement pour nous les gaz qui sont dans l’atmosphère terrestre, l’ozone en particulier, et le champ magnétique terrestre qui concours à la formation de ce qu’on a appelé la ceinture de Van Allen, en absorbent la plus grande partie.
    Mais il en passe. En particulier les UV qui sont de redoutables rayonnements.
    Tout le monde le sait car tout le monde a fait l’expérience des coups de soleil.
    Or j’observe que beaucoup de mes semblables ne répugnent pas à se mettre au soleil et se faire bronzer malgré les mises en garde de tous ceux qui en connaissent les effets cancérogènes.
    Et ces mêmes personnes sont souvent parmi les premières à pousser les hauts cris dès que quelques millisieverts risquent de pointer leur nez quelque part loin de chez eux.
    Comprenne qui pourra.

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