Mercredi 14 février les maires de Bagneux, Bourg-la-Reine, Fontenay-aux-Roses et Sceaux invitaient les citoyens à une concertation au CAEL. Objectif affiché : lancer une réflexion en commun pour l’avenir du quartier intercommunal des Blagis. Pendant 2 heures, environ 150 personnes se sont exprimées dans le cadre du déroulement proposé. Le maire de Bourg-la-Reine, Patrick Donath a ouvert la réunion. Nadège Baptista, préfète à l’égalité des chances dans les Hauts-de-Seine, l’a conclue.
En synthèse
Le quartier intercommunal des Blagis a été désigné quartier prioritaire. Un contrat de ville va permettre de lui accorder des aides spécifiques. Celles-ci seront choisies à l’issue d’une concertation citoyenne qui a démarré le 14 février. Le contrat d’engagement devant être signé au plus tard le 31 mars 2024, il n’y aura sans doute pas grand-chose d’autre…
Un rapport de la Cour des comptes en 2018 montre toute la difficulté à améliorer la situation des quartiers aidés, malgré les montants importants utilisés. Selon ce rapport, ces quartiers ne manquent pas particulièrement d’équipements publics, mais se sentent abandonnés.
Localement, on peut citer quelques exemples. Les habitants des Bas-Coudrais à Sceaux se plaignent de la saleté de leur quartier. L’évolution du fonctionnement du Paladin est assez mal vécue. Des parents d’élèves des écoles de la Roue (A et B) à Fontenay-aux-Roses alertent sur le risque de fermeture de plusieurs classes l’an prochain.
Parmi les présents le 14 février on note la présence de nombreux élus, professionnels du social, responsables d’associations, mais peu de simples citoyens. Tout l’enjeu est pourtant que ce soit eux qui prennent en main l’opportunité du contrat de ville. Pas simple.
De manière très étonnante, aucun calendrier des travaux et de la participation n’est présenté. La Gazette a obtenu l’information sur la date butoir du 31 mars (ainsi que d’autres informations) auprès du cabinet du maire de Bourg-la-Reine. Il faut comprendre que la séance du 14 février est considérée comme suffisante pour affirmer qu’il y a eu concertation. Du moins la concertation initiale, la mise en œuvre sera l’occasion d’autres concertations.
A lire le site Quartiers 2030, qui dépend du Secrétariat d’État chargé de la Ville, on découvre que la phase de concertation avait lieu au dernier trimestre 2023. Ici, les municipalités n’ont reçu qu’au 31 décembre 2023 l’accord sur l’inclusion du quartier des Blagis parmi les sites Quartiers 2030. La démarche est donc maintenant très contrainte.
Déroulement de la réunion
La réunion se tenant au CAEL (Centre Animation Expression & Loisirs) de Bourg-la-Reine, le maire, Patrick Donath ouvre logiquement la séance. Il est entouré de Marie-Hélène Aimable, Laurent Vastel et Philippe Laurent, maires des trois autres villes concernées. Il explique que le nombre de personnes pouvant bénéficier des mesures des quartiers prioritaires est trop faible dans chaque ville, mais suffisant si le projet est intercommunal. C’est le seul cas en Ile-de-France. Ainsi la démarche Quartiers 2030 doit permettre de donner les moyens humains et financiers en plus. Le but de cette séance du 14 février, rappelle-t-il, est d’écouter les personnes présentes.
Nadège Baptista, préfète à l’Égalité des chances, décrit ensuite l’objectif des contrats Quartiers 2030 qui est d’associer les habitants à la définition des priorités dans le cadre des contrats de ville renouvelés en 2024. Puis elle insiste sur l’importance de cette construction ensemble pour créer une dynamique locale.
Guillaume Dejardin, directeur de la structure de conseil qui accompagne la démarche, répartit ensuite les participants en 7 groupes pour la partie ateliers.
Les ateliers sont animés par divers responsables au sein des 4 mairies. Un premier travail consiste à pointer sur la carte les points forts et faibles de l’ensemble. Puis les échanges portent plus spécifiquement sur trois thèmes : cadre de vie et sécurité, réussite éducative et parentalité, jeunesse et insertion professionnelle.
Lors du retour en plénière, Guillaume Dejardin fait un rapide (et forcément incomplet) retour sur quelques idées émises en atelier sur chacun des trois thèmes.
Nadège Baptista conclut la réunion en indiquant qu’un compte-rendu de cette concertation sera fait par le délégué de la préfète. Il reprendra la synthèse des ateliers.
Quelle suite de la concertation ?
Aucune nouvelle étape de la concertation n’est évoquée le 14 février. On ne voit guère ce qui peut être réalisé d’autre d’ici le 31 mars. Les maires peuvent normalement s’appuyer sur les réflexions existantes de ceux qui agissent sur le terrain. Le CSCB et le CAEL viennent de réaliser une démarche importante pour leurs projets stratégiques, il serait sans doute utile de s’en inspirer…
Le ministère avait organisé une concertation en ligne, qui se terminait le 31 octobre 2023. On a compté 6218 réponses complètes au questionnaire, sur toute la France ! Dans les Hauts-de-Seine, qui comptent 19 projets, il y a eu 49 réponses au total, dont 25 issues de cadres.
Plus de 6000 réponses, cela permet déjà d’avoir quelques idées au niveau France. Mais c’est très largement insuffisant si on veut ajuster les contrats de chacun des 1514 quartiers aux réalités locales. Et bien entendu, cela ne se traduit par aucune mobilisation des acteurs locaux.
D’après les informations de la Gazette, il existe un comité de pilotage avec les 4 maires et leurs collaborateurs et un comité technique au niveau intercommunal. Ces instances restent à consolider. Étant donné les délais contraints, la réunion de ces instances malmène quelque peu les agendas.
Qui est concerné ?
Le territoire désigné sous le vocable de Blagis comprend des zones situées à Bagneux, Bourg-la-Reine, Fontenay-aux-Roses et Sceaux. Il s’agit du seul quartier prioritaire à caractère intercommunal dans les Hauts-de-Seine.
La loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014, dite loi Lamy, a introduit une nouvelle géographie prioritaire fondée sur le critère unique du revenu des habitants.
Ce critère prend en compte le revenu dans les communes d’appartenance. Appliqué ici, on arrive à la carte ci-contre :
La carte a surpris certains. Ils se sont par exemple étonnés de l’absence presque totale de la résidence des Bas-Coudrais, composante pourtant majeure des Blagis. Les quartiers retenus comptent environ 2000 habitants au total.
Sur l’ensemble du pays, le critère retenu s’est traduit par l’identification de 1514 quartiers prioritaires comptant ensemble environ 5,5 millions d’habitants. Soit une moyenne d’environ 3 600 habitants par quartier prioritaire.
Pourquoi pas les Bas-Coudrais ? Rappelons qu’il y a trois types de HLM définis par le taux d’aide à la construction et les publics cibles :
- Le PLAI (prêt locatif aidé d’intégration) est accessible aux moins favorisés. Les aides plus importantes lors de la construction permettent les loyers les plus faibles
- Le PLUS (prêt locatif à usage social) est réservé aux demandeurs dont le plafond de revenu est médian
- Le PLS (prêt locatif social) est accessible à des personnes plus aisées.
Les plafonds de ressources pour accéder au logement social dépendent du type d’HLM. Hauts-de-Seine Habitat, qui gère la résidence des Bas-Coudrais, possède 886 logements à Sceaux. 16 seulement sont en PLAI et 95 en PLUS ou équivalent, le reste est en PLS. Pour plus de détails, voir cet article de la Gazette.
Quelles actions pour les Blagis ?
L’invitation à la réunion du 14 février avait fait l’objet d’une information sur les sites de chaque ville. Sur celui de Bourg-la-Reine, on pouvait lire les thèmes à aborder :
- La réussite éducative et l’aide à la parentalité,
- Le cadre de vie, la prévention et la sécurité,
- La jeunesse et l’insertion,
- La mixité sociale et le relogement
Le dernier thème n’a finalement pas été abordé. C’est probablement une bonne chose. La principale critique des politiques antérieures est qu’on a dépensé trop d’argent pour la destruction et la construction d’immeubles et pas assez pour le fonctionnement.
Parmi les participants, on pouvait entendre des propositions très concrètes. Pour l’un d’entre eux, « 80% du problème des Bas-Coudrais disparaissent si on enlève la saleté ». Un autre évoque la récente réforme du Paladin : le fonctionnement à la demande n’est absolument pas adapté à la population du quartier. Un troisième évoque la nécessaire coordination entre les acteurs sur place. Plusieurs parents d’élèves des écoles Roue A et B ont plaidé pour leurs classes.
Le plus probable est la conclusion d’un contrat d’engagement organisé autour des trois axes utilisés lors de la réunion du 14 février. Soit cadre de vie et sécurité, réussite éducative et parentalité, jeunesse et insertion professionnelle.
Par la suite, il sera possible pour les associations présentes sur le terrain de déposer des dossiers pouvant rentrer dans ces axes. Une plateforme en ligne facilitera ce dépôt. Le CSCB se prépare déjà en ce sens, à partir du dossier stratégique récemment élaboré de manière concertée.
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Pour aller plus loin, quelques mots sur la politique de la ville, à partir d’un rapport de la Cour des Comptes.
Quel cadre d’action ?
L’idée de politique de la ville est apparue dans les années 1980. Un ministère de la ville a été créé en 1990. Depuis, les dispositifs se sont succédé : Zones urbaines sensibles (ZUS), zones de redynamisation urbaine (ZRU), zones franches urbaines (ZFU), programme national de rénovation urbaine (PNRU).
En 2018, la Cour des comptes a étudié le résultat de ces actions.
Depuis 40 ans, la politique de la ville a pour objectif de réduire les écarts entre les quartiers dits « prioritaires » et les autres, en améliorant les conditions de vie de leurs habitants. L’État y consacre environ 10 Md€ chaque année, auxquels s’ajoutent les financements de la rénovation urbaine et les dépenses, difficilement mesurables, des collectivités territoriales.
En s’appuyant sur une enquête nationale et l’étude approfondie de la situation de huit quartiers prioritaires, la Cour et quatre chambres régionales des comptes ont procédé à l’évaluation d’un des objectifs clefs de cette politique publique : l’attractivité des quartiers prioritaires autour de trois dimensions de la vie quotidienne : le logement, l’éducation et l’activité économique.
En dépit des moyens financiers et humains déployés, cette attractivité a peu progressé en dix ans. Pour y remédier, la Cour formule quatre orientations générales et 13 recommandations.
Si les quartiers prioritaires paraissent fréquemment bien dotés en équipements publics (installations sportives, centres sociaux, structures culturelles, annexes de services communaux, etc. ), malgré un certain manque de diversité, en matière sportive notamment, il existe un décalage entre cette réalité et la perception qu’en ont les habitants Le constat est différent en matière de services mal identifiés, peu quantifiés, difficiles à « objectiver », les moyens déployés au titre des services publics dits « de droit commun » par l’État comme par les autres collectivités publiques, en matière de sécurité, de propreté, d’aide à la petite enfance ou de transport, ne paraissent pas répondre aux besoins constatés, et les tentatives d’adaptation demeurent minoritaires et peu efficaces.
Recommandations :
Rendre plus effective la décentralisation de la politique de la ville en permettant une différenciation accrue autour de « projets de quartiers »
Préciser le sens et la portée des objectifs de mixité sociale et fonctionnelle des quartiers et les arrimer à une stratégie pluriannuelle explicite en matière d’évolution du parc social, d’attribution des logements et d’affectation des locaux d’activité
Dans le cadre des projets de quartiers, mieux articuler le renouvellement urbain avec l’accompagnement social, éducatif, économique des habitants
Renforcer l’articulation des actions financées par les crédits de la politique de ville avec les politiques publiques générales pour répondre davantage aux besoins spécifiques des QPV et de leurs habitants
[…] Gazette en a déjà rendu compte, la démarche de concertation concernant les quartiers 2030 a démarré très tard pour les Blagis. […]
Je lis :
« Le territoire désigné sous le vocable de Blagis comprend des zones situées à Bagneux, Bourg-la-Reine, Fontenay-aux-Roses et Sceaux. Il s’agit du seul quartier prioritaire à caractère intercommunal dans les Hauts-de-Seine. »
Ce « quartier prioritaire à caractère intercommunal dans les Hauts-de-Seine » est sur le territoire de Vallée Sud-Grand Paris. Celui-ci n’était pas représenté !
Va comprendre…
[…] En effet, le 14 février 2024, s’est tenue au CAEL de Bourg-la-Reine une réunion concernant le quartier des Blagis. Suite aux émeutes que nous avons vécues ou suivies l’année passée, avec inquiétude et effroi pour certains, le quartier des Blagis a été retenu dans le cadre d’un contrat de ville plus connu sous le nom de « Engagements Quartiers 2030 » et dont La Gazette a déjà parlé. […]
Dans plusieurs sous groupes, il a été mis en avant l’insécurité, le trafic de drogues, le changement de population depuis 10 ans du fait de la politique d’attribution de Haut de Seine Habitat. Il a aussi ete question de la bande des Blagis commune à Sceaux et FAR, son rôle dans les émeutes et l’insécurité. Enfin la politique de Lacanal vis à vis de certains élèves venant des Blagis a fait le lien entre échec scolaire / exclusions et l’alimentation de la bande des Blagis.
Ces problèmes avaient déjà été évoqués lors de la démarche « parlons ensemble des Blagis », parmi d’autres. Pendant les ateliers, il a d’abord été demandé aux groupes d’identifier les points faibles et les points forts. Ceux qui vous évoquez en font partie, même s’ils n’ont pas été évoqués dans l’atelier où j’étais. Parmi les points forts sur Sceaux, certains dans mon groupe ont pointé l’école des Blagis qui a excellente réputation, et le CSCB, reparti dans une dynamique positive après une période difficile
La Gazette avait publié un article sur les émeutes de cet été : https://sceaux-lagazette.fr/index.php/2023/07/01/vandalisme-a-sceaux/