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Triple exposition à la médiathèque de Fontenay

Trois jours avant les cérémonies du 11 novembre, la municipalité donnait le coup d’envoi du mois de la mémoire. La médiathèque, 6 place du Château Sainte-Barbe, accueille des expositions qui parlent de résistance.

Laurent Vastel, dans son discours de bienvenue, constate que « l’instantanéité de l’information contribue à effacer la mémoire. » Évidemment pour lui, la ville est le lieu le plus adapté pour transmettre (comment un maire pourrait-il dire autre chose ?). Mais l’important est son argument. « Le monde n’est pas amical, » dit-il. La compétition entre les États est croissante, la guerre a réapparu en Europe. Il faut se souvenir « de ceux qui ont eu la capacité à se mettre en danger au nom de leurs convictions. »

Despina Békiari résume l’intention qui a conduit aux trois expositions : illustrer ce que furent les parcours, le courage, l’engagement des résistants. L’une d’entre elles présente Germaine Tillon ; elle est conçue par l’association éponyme. Une autre présente des photos que Robert Doisneau prit sur le travail des imprimeurs clandestins, elle est conçue par le musée de la Résistance nationale. La troisième exposition met la focale sur les actions de résistance en région parisienne. Elle aussi est conçue par le musée de la Résistance nationale.

L’inauguration du mois de la mémoire se poursuit de la prise de parole d’une association, du petit-fils de résistants et d’un historien. Autant d’évocations, de présentations, de témoignages de parcours de vie, de souffrances et de combats.

Ceux de Rawa Ruska

L’association Ceux de Rawa Ruska tient son nom du camp d’extermination. Elle entretient la mémoire de ces soldats qui y subirent la barbarie nazie, y résistèrent tant qu’ils purent. L’année prochaine, elle fêtera le 80e anniversaire du retour de ceux qui ont pu y échapper.

En mars 1942, l’Allemagne nazie prit des mesures « contre les prisonniers français et belges évadés récidivistes et coupables de sabotages ou de refus de travail réitérés. »[1] Ils furent envoyés dans le camp de Rawa Ruska, connu pour la cruauté de ses gardiens et l’épouvantable rigueur de son climat quand on n’a pas grand-chose sur le dos et qu’on est aux travaux forcés/

Ce camp, ainsi que la kyrielle de sous-camps tout autour, se situaient près de Lviv, une ville qui raconte à sa manière une part du tragique européen. Elle fut polonaise de 1918 à 1939, soviétique de 1939 à 1941, annexée au Reich de 1941 à 1944, soviétique à nouveau de 1944 à 1991, et depuis ukrainienne dans les conditions que l’on sait.

Michel Vidalenc

Michel Vidalenc raconte l’histoire de ses grands-parents, Marie et Georges. Son épouse, sa fille aînée, son gendre et son petit-fils, Lucien, l’accompagnent. Sa grand-mère, Marie, était fille d’instituteur et son grand-père George, fils d’éleveur de bovins. Devinez où ? Difficile à croire. À Paris, dans le XIe !!

Marie et Georges Vidalenc se marient en 1910, après trois d’école normale supérieure : Marie à Fontenay et Georges à Saint-Cloud. Pendant la Grande Guerre, Georges échappe peut-être à la mort en attrapant la typhoïde après un an de front. Il parle l’anglais et, une fois soigné, est nommé au consulat de France à Oslo.

En 1941 Georges est à la retraite, tandis que Marie y était depuis 1935. Ils s’installent à Fontenay. En 1942, les deux époux rejoignent la confrérie Notre Dame, également connue sous le nom de CND-Castille. C’est l’un des plus importants réseaux du Bureau central de renseignements et d’action (BCRA), fondé par De Gaulle en 1940. Il est chargé de collecter des renseignements militaires.

Le 11 mars 1943, Georges il est arrêté. Il sera déporté à Sachsenhausen-Orianenburg. Lucien, un petit-fils de Michel, lit d’une voix adolescente des messages que son aïeul écrivit en prison.

Marie est dans le même réseau que Georges, mais après son arrestation, elle passe dans le réseau des normaliens, dit réseau Vélite-Thermopyles, fondé en 1941 par trois enseignants de l’École normale supérieure. Elle est arrêtée le 27 juillet 1944 pendant une mission de liaison. Internée à Fresnes, le 15 août 1944, elle prend le dernier convoi vers les camps de concentration, en l’occurrence, Ravensbrück, un camp de femmes où elle meurt en mars 1945.

Les Russes libèrent Georges le 4 mai 1945. Il revient à Fontenay et travaillera au Bureau international du travail et s’engagera dans le syndicalisme.

Germaine Tillon

Julien Blanc est docteur en histoire, auteur d’une thèse portant sur les débuts de la Résistance en France et en particulier l’organisation dite du « réseau du musée de l’Homme ». Il est professeur agrégé à l’École des hautes études en sciences sociales. Pour mener son travail, il a rencontré Germaine Tillion chez elle, dans le Val-de-Marne.

Car Germaine Tillion, ethnologue, rejoint dès 1940 le réseau du musée de l’Homme qui fut l’un des premiers réseaux de résistance en France. Elle participe activement à l’organisation de filières d’évasion pour les prisonniers de guerre et des informations sur l’occupant. Elle dissimule ses activités clandestines sous couvert de recherches scientifiques.

En août 1942, un agent infiltré dans le réseau la dénonce. Elle est arrêtée et sa mère également. Après plusieurs mois d’emprisonnement à la prison de Fresnes, elle est déportée le 21 octobre 1943 vers le camp de concentration de Ravensbrück. Dans ce camp de femmes particulièrement dur, elle continue à exercer son regard d’ethnologue, observant et mémorisant méticuleusement le fonctionnement du système concentrationnaire. Elle survécut et sa rigueur scientifique donna une grande singularité aux témoignages qu’elle fit après sa libération en avril 1945.

Tout ceci peut sembler bien lugubre. Si novembre est un mois de feuilles mortes, l’ambition de la ville n’est pas de s’y complaire, mais d’ouvrir un espace d’images et de documents, comme autant de pages d’histoire. La médiathèque vous attend pour vous révéler plus, beaucoup plus, que ce que ces paragraphes peuvent dire.

Voir aussi :

Cérémonie du 11 novembre à Sceaux

Novembre de mémoire à Fontenay-aux-Roses


[1] Site de l’association Ceux de Rawa Ruska

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