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Il y a dix ans à Tohoku

Le 11 mars 2011, un tremblement de terre de magnitude 9,1 eut lieu à 130km à l’est du Japon, provoquant un tsunami ravageur : les vagues ont atteint jusqu’à 30 mètres de haut et ont parcouru jusqu’à 10km à l’intérieur des terres. Les conséquences économiques sont énormes, tant en raison des destructions que des arrêts provisoires de production : le PIB du Japon baisse de 13% en mars. On compte environ 18.500 morts ou disparus.

Mais ce qui va attirer l’attention internationale, c’est le grave accident qui affecte 1, puis, 2, 3 ,4 réacteurs sur le site de Fukushima. Alors justement, dix ans après, avec le recul, on en sait un peu plus sur les conséquences de cet accident et sur la manière dont il a été traité. Le but n’étant pas d’être exhaustif, on se contentera ici d’évoquer les conséquences sanitaires, en s’appuyant notamment sur des rapports publiés sur le sujet.

Les victimes de la radioactivité

L’UNSCEAR est le comité scientifique des Nations unies pour l’étude des effets des rayonnements ionisants. Dans un rapport paru en 2013, il avait fait le constat que l’accident de Fukushima n’avait fait aucune victime directe du fait de la radioactivité et il faisait l’hypothèse qu’il n’y en aurait que très peu dans les années suivantes. Un nouveau rapport paru en 2020, et bénéficiant des constats et études menées depuis, arrive à la conclusion qu’il ne devrait y avoir aucun impact statistiquement significatif sur la santé des personnes de la région, que ce soit sous la forme de cancers de la thyroïde, du sang ou d’autres parties du corps. On trouva par exemple dans le rapport la phrase de résumé suivante : « les niveaux d’exposition des membres du public ont été trop faibles pour que le Comité puisse s’attendre à des augmentations perceptibles de l’incidence du cancer du sein ou d’autres cancers solides. »

Si Le Point a relayé ce rapport, France Info a préféré donner la parole à un journaliste qui s’est spécialisé dans la dénonciation du nucléaire et a réussi à sortir l’énormité suivante : « Comme le révèlent de nombreux scientifiques, ce sont les faibles doses qui sont les plus dangereuses. »

Sur LCI, la journaliste Abnousse Salmani a présenté avec clarté le rapport de l’UNSCEAR, sous l’œil goguenard d’Apathie, qui n’avait certainement pas bossé le sujet !

Les conséquences de l’évacuation des populations

470 000 personnes ont été évacuées à la suite de la catastrophe, dont environ 160 000 à cause de la centrale nucléaire (les autres à cause du tsunami). 53 000 étaient toujours hors de chez eux en janvier 2018 dont 4 000 dans des bâtiments préfabriqués temporaires. D’après l’article de Libération, on comprend que 43 214 de ces personnes toujours en dehors de chez elles sont liées à l’accident nucléaire.

Le stress provoqué, les mauvaises conditions d’hébergement ont été la cause de morts prématurées.  Un article de recherche estime à environ 1600 le nombre de décès attribuables à l’évacuation. Les auteurs, qui ont examiné aussi les conséquences de Tchernobyl, estiment qu’il y aurait eu beaucoup de décès prématurés si la population était restée sur place et concluent que la délocalisation doit être utilisée avec parcimonie, voire pas du tout, après tout accident nucléaire majeur.

Retour au charbon : CO2 et poussières nocives

A la suite de l’accident de Fukushima, plusieurs pays ont revu leur politique énergétique. Par exemple, la Chine a stoppé les constructions de nouveaux réacteurs, mais les a reprises quelques années plus tard, au vu des résultats des études menées sur l’accident. Plus près de nous, l’Allemagne a décidé de fermer ses centrales nucléaires (selon un calendrier progressif). Mécaniquement, ces décisions ont conduit dans les pays concernés à un plus grand recours au charbon ou à d’autres énergies fossiles ; donc à de plus fortes émissions de gaz à effet de serre et de poussières nocives, ces dernières étant génératrices de mortalité supplémentaire.

Deux chercheurs de l’université américaine de Columbia, spécialisés dans les questions climatiques, ont évalué l’impact de ces différentes décisions. Ils notent par exemple que l’Allemagne aurait pu éviter, en conservant ouvertes ses centrales nucléaires jusqu’à 4600 décès et 300 MtCO2 d’émissions cumulées entre 2011 et 2017. Et si le pays procédait à l’élimination totale du nucléaire d’ici 2022, il pourrait perdre la chance d’éviter 16 000 décès et 1100 MtCO2 d’émissions cumulées par rapport à un cas où sa production nucléaire est restée stable à la valeur de 2017 jusqu’en 2035. Rappelons que les émissions annuelles de la France sont d’environ 450 Mt CO2e par an. Les figures ci-dessous montrent les impacts des décisions d’arrêts du nucléaire suite à Fukushima pour différentes régions du globe :

Quelques mots sur les doses

On mesure les doses de radioactivité reçues par les humains en millisievert (mSv). Les études réalisées après les deux bombes larguées sur le Japon ont montré une relation linéaire entre les doses reçues et la probabilité d’en mourir : on est ainsi à 100 % de décès pour 5 Sievert (5000 mSv), et à 10 % pour 500 mSv. Aucun impact n’a pu être mis en évidence en dessous de 100 mSv. Il existe d’ailleurs quelques régions du globe (en Inde et au bord de la mer Caspienne) où la radioactivité naturelle peut dépasser localement ces 10mSv, sans qu’on ait pu observer des conséquences sur la santé.

Un Français reçoit chaque année en moyenne une dose totale de 3,6 mSv, dont 65 % d’origine naturelle, 33% dans le cadre de la médecine, 1% du fait de l’industrie non nucléaire, 0,3 % du fait des retombées des essais militaires et 0,1% du fait de l’industrie nucléaire.

 La réglementation française fixe à 1 millisievert (mSv) par an la dose efficace maximale admissible résultant des activités humaines en dehors de la radioactivité naturelle et des doses reçues en médecine.

Pour les personnes qui travaillent avec des radiations ionisantes, la limite est de 100 mSv pour un ensemble de 5 années consécutives, le maximum recommandé par la règlementation internationale pour une année étant de 50 mSv. La règlementation française impose une limite plus stricte de 20 mSv/an pour l’exposition des personnes travaillant régulièrement en zone réglementée (catégorie A). A titre comparatif, la dose reçue par un patient soumis à un scanner de l’abdomen est de 17 mSv. Si l’on appliquait la limite de 1 mSv à toutes les causes, on ne pourrait pas subir un scanner, il faudrait renoncer à l’avion, abandonner l’alpinisme, ne pas habiter la Bretagne ou la Corse.

Dans le cas d’accidents nucléaires, des niveaux d’intervention exprimés en termes de doses servent de repères aux pouvoirs publics pour décider, au cas par cas, des actions à déclencher :
– la mise à l’abri, si la dose efficace prévisionnelle dépasse 10 mSv ;
– l’évacuation, si la dose efficace prévisionnelle dépasse 50 mSv ;
– l’administration d’iode stable, lorsque la dose à la thyroïde risque de dépasser 100 mSv.

A Fukushima, la limite choisie pour l’évacuation a été de 20 mSv

Un peu d’exactitude, svp !

On a maintenant compris que pour faire les bons choix en matière de réchauffement climatique, il fallait tenir compte de l’ensemble du cycle de vie. Ce qui précède montre qu’il en est de même quand on veut évaluer les conséquences sanitaires d’un accident ou de décisions, et que ce n’est pas simple ! Le nucléaire est un bouc émissaire facile, accusé de bien des maux dont il n’est pas responsable, et bien rarement soutenu pour les bouts de solution que, bon an mal an, il peut apporter.

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