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Ramassage et désherbage : la ligne jaune

Il fait beau ce matin. Frais mais agréable après quelques journées maussades de saison qu’un été caniculaire et prolongé nous avait fait oublier. Je rentre de courses au centre de Sceaux. J’y cherchais des épices qu’on ne trouve pas dans les commerces des Blagis. En descendant la rue de Bagneux, je croise un agent en train de balayer les feuilles du trottoir et du caniveau. Le résultat me semble approximatif. J’engage la conversation.

Après quelques échanges de politesse, j’attaque le cœur de mon interrogation.

— Je vois que vous laissez des feuilles dans le caniveau. L’eau coule moins bien.

— Oui. Je sais. Mais il y a des herbes qui poussent. Ça retient tout.

— ???

— C’est la Ville qui désherbe. Alors je ne peux pas enlever les feuilles.

— Ah ! Et vous n’êtes pas un employé municipal ?

— Non. Nous, on est sous-traitant. Le désherbage, c’est la Ville !

— Et c’est qui votre employeur ?

— La Sepur.

La Sepur est une entreprise nationale spécialisée dans la collecte et le tri des déchets. Nous échangeons encore quelques impressions sur cette séparation des tâches qui paraît pour le moins étrange. Il s’abstient de juger et tout en retenue, il préfère parler de son métier. Il montre finesse et bon sens. J’apprends bien des choses.

— Bon. Eh bien, merci et bonne journée.

— Merci, à vous aussi.

Avec son œil vif et malicieux, cet homme m’a séduit. Je raconte mon histoire à un mien ami qui me suggère de vérifier l’information.

Allo Sceaux !

Je prends donc rendez-vous avec l’adjoint au maire Patrice Pattée – Espace public et mobilités. Je lui raconte mon histoire et il me confirme que c’est bien la Sepur, par délégation de la Ville, qui assure la propreté de la voirie. Je lui demande si le désherbage est bien de la compétence de la Ville. Il confirme.

Devant mon insistance à comprendre comment s’articule la répartition des tâches entre la Ville et la SEPUR et le constat que je fais d’un certain flou dans l’organisation, l’élu hésite :

— La Ville … La Sepur… Oui … c’est bien possible. » Et, avec un sourire de connivence, il conseille : Faites-le vous-même à la main !

— Comme pour la neige ? …

— … !

Sic. Sourire. On en reste là.

On n’est jamais si bien servi que par soi-même.

Cette conversation c’était le mardi 7 novembre dernier, en mairie.

Depuis il est tombé de l’eau. Plutôt beaucoup. L’herbe pousse de plus belle et les feuilles se sont accumulées, il en tombe aussi beaucoup en ce moment. C’est de saison. Et l’eau s’étend en flaques qui débordent largement sur la chaussée. Tout ça mérite une intervention.

N’écoutant que le bouillonnement qui monte en moi, je vais chercher ma binette (j’ai la chance d’avoir un jardin, les outils adéquats pour l’entretenir et encore de la santé), et je procède à l’enlèvement de ces herbes profondément enracinées de place en place dans le caniveau. Il m’a fallu un petit quart d’heure. J’en ai profité pour faire le travail jusque devant les maisons de mes voisins avec qui j’entretiens de bons rapports. J’ai repoussé les herbes et feuilles ainsi dégagées au pied des bahuts.

Leur enlèvement, c’est de la compétence de la Sepur.

Le caniveau est maintenant clair autour de chez moi. L’eau s’est remise à couler dans le caniveau avec vigueur mais mon oreille, un peu dure sans doute, n’a pas entendu son glouglou.

En y repensant, je n’ai pas vu que la Sepur ait confié à son agent balayeur un outil approprié à ce travail de désherbage du caniveau. L’agent de nettoyage doit donc être dans le vrai.

Curieux monde dans lequel les tâches élémentaires sont de plus en plus souvent abandonnées à la bonne volonté des citoyens usagers.

J’imagine pourtant bien qu’elles sont comptabilisées dans les lignes budgétaires adéquates.

Que faut-il y voir ? La bureaucratie envahissante ? La numérisation rampante ? La privatisation délirante ? Des économies sur nos impôts ? Tout ça en même temps ?

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