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Château de l’Amiral, passé et présent

Le projet de rénovation de la place Charles de Gaulle à Sceaux a remis en avant le château de l’Amiral. Cela vaut bien un petit retour sur l’histoire d’un château et de certains de ses propriétaires qui ont progressivement démantelé un vaste domaine de près de 9 hectares.

La demeure a été construite au XVIIe siècle. A l’époque, elle est entourée d’un grand parc couvrant la surface actuellement comprise entre la rue Houdan et le Boulevard Desgranges, la rue de Fontenay et la rue du Maréchal Joffre. Un domaine divisé aujourd’hui en 118 lots qui couvrent une surface de 88.234 m², auxquels il faudrait ajouter la surface occupée par l’avenue Charles Péguy, crée au début du XXe siècle.

Un panneau situé devant le château livre quelques éléments de son histoire, et notamment le nom de quelques-uns de ses propriétaires successifs : Nicolas-Eustache Muiron, l’amiral russe Pavel Tchitchagov et Adolphe Bertron.

Nicolas-Eustache Muiron

De Nicolas-Eustache Muiron, qui fut maire de Sceaux de 1816 à 1820, l’histoire a surtout retenu que son fils est mort au Pont d’Arcole en 1796 en sauvant la vie du futur empereur. Le site Trois-Ponts nous en dit plus sur ce fils, qui donna son nom à une frégate prise aux Vénitiens en 1997. Une frégate que Napoléon Bonaparte utilisa pour revenir d’Égypte après la campagne menée là-bas.

Fils d’Eustache Nicolas Muiron, fermier général du roi, et d’Anne-Adélaïde Grossard de Verly, son épouse, Jean-Baptiste Muiron nait le 10 janvier 1774. A sa sortie de l’école d’artillerie de Douai, en mai 1789, il devient, à l’âge de 15 ans, officier des armées du roi. Il se révèle être un excellent élément : il est promu capitaine à 19 ans, chef de bataillon à 20, adjudant général à 22. Il participe, en 1793, en tant que second capitaine de la 22ème compagnie d’artillerie légère, au siège de Toulon. A cette occasion, il rencontre et se lie d’amitié avec Napoléon Bonaparte. Il devient rapidement son aide de camp et participe ainsi à la première campagne d’Italie. Il meurt, en sauvant certainement la vie de Bonaparte (face à la mitraille, Muiron se met face à son général, le couvre de son corps et meurt à sa place), durant la célèbre charge sur le pont d’Arcole, le 15 novembre 1796.

L’Amiral

Pavel Tchitchagov fut un personnage important en Russie :  il commanda une armée de 20.000 hommes lors de la bataille de la Bérézina, mais son comportement lui fut reproché par une partie de la cour. Sa page Wikipedia détaille longuement sa biographie et précise :

Surnommé « le misérable amiral » à la cour impériale, il est finalement écarté en 1813 et s’exile en France. Il ne retournera jamais en Russie. Devenu sujet britannique, il passera le reste de sa vie en France, notamment à Sceaux ainsi qu’en Italie pour y écrire, à partir de 1816, ses Mémoires publiés en anglais, en français et en italien.

Tchitchagov est atteint de cécité les dernières quatorze années de sa vie, qu’il vécut avec sa fille, la comtesse Catherine du Bouzet. Il meurt le 10 septembre 1849 à Paris et est inhumé au Cimetière de Sceaux.

On trouve d’autres détails dans les archives de la Ville de Sceaux :

Tchitchagoff s’installe à Sceaux en 1822 où il achète la Maison de la Croix, une demeure du 18ème siècle agrémentée d’un grand parc. En 1826, il achète une concession au cimetière de Sceaux pour son frère Bazil Vassilevitch qui est mort à son domicile. L’amiral partage ensuite son temps entre la France et l’Angleterre où résident deux de ses trois filles. Il se fait naturaliser anglais. Il revend la propriété en 1842 à Adolphe Bertron. L’Amiral meurt en 1849 à Paris chez sa fille Catherine, comtesse du Bouzet et est inhumé aux côtés de son frère dans le cimetière de Sceaux.

Les Amis de Sceaux lui consacrent deux articles en 1997 et en 1999, sous la plume d’E. Benoist de La Grandière. On peut voir dans le premier, page 55, une photo de « la maison de l’Amiral » présentée comme « actuellement siège de Gaz de France ».

Adolphe Bertron

Le propriétaire qui succède à l’Amiral a lui aussi droit à une longue description sur Wikipédia. Il y est décrit comme un riche commerçant et un homme politique atypique, notamment partisan du vote des femmes. On n’en retiendra ici que ce qui concerne Sceaux :

En 1842, Bertron quitte Paris pour s’installer à Sceaux où il possède une vaste propriété qu’il nomme « Le palais de l’Humanité » (aujourd’hui connue sous le nom du château de l’Amiral). Il y fait couvrir les murs extérieurs d’arbres fruitiers en espalier – poiriers, pommiers, vignes, fraisiers (en utilisant un treillage en fil de fer de son invention) pour que les « gens humains » puissent se servir en passant. Il morcelle une partie de son parc pour en faire un lotissement qu’il vend à prix modéré pour tenter de construire une communauté égalitaire. Contournant le souhait de Bertron, Victor Baltard réussira à acheter à lui seul trois des douze lots sur lesquels il fera construire quelques années plus tard une maison (la « villa Baltard ») située aujourd’hui 26 rue Bertron.

On comprend que le lotissement évoqué se situe entre la rue Bertron et le boulevard Desgranges.

Après 1887

Adolphe Bertron décède en 1887. Sa propriété ne reste dans sa famille que jusqu’en 1890 , date à laquelle, elle est rachetée par Sylvain Château, qui fut maire de Sceaux. En 1923, la propriété est acquise par la « société civile du château de l’Amiral » société constituée pour lotir l’ensemble de la propriété. Une société qui lotit le domaine en lui attribuant un cahier des charges spécifique, toujours en vigueur aujourd’hui. Un cahier des charges qui jouera un rôle près de 100 ans plus tard dans la fin du projet d’école culinaire.

L’enquête publique qui eut lieu en 2018 rappelle le contenu de l’acte notarial de 1923 :

Le domaine de l’Amiral se compose de deux parties, qui diffèrent entièrement du point de vue du morcellement et de la viabilité.

A- Toutes les parties en façade sur les rues Houdan, de Fontenay, Bertron, du Maréchal Pétain (devenue rue de la Flèche) et du boulevard Desgranges, restent purement et simplement soumises aux règlements de voirie et d’hygiène de la commune de Sceaux et à ceux prévus ci-dessous.

B- Le centre même du domaine, pour lequel il sera ouvert en temps utile et si besoin est, la voie de circulation portée au plan2 présenté par la Société civile immobilière du parc de l’Amiral à l’examen de la municipalité de la ville de Sceaux, et à l’approbation de Monsieur le préfet de la Seine, conformément à l’article 8 de la loi du 14 mars 1919. Une copie du plan de lotissement est demeurée ci-jointe et annexée après mention signée du notaire soussigné.

La SECFM (société d’éclairage, chauffage et force motrice), ancêtre de Gaz de France achète alors les parcelles contenant le bâtiment principal. Gaz de France ferme son agence de Sceaux en 2003 et la propriété est acquise par le Conseil Général des Hauts-de-Seine en 2005.

L’objectif du département est d’y installer une partie de ses services. Un projet qui n’aboutira pas. Mais la demeure est utilisée par la mairie de Sceaux pour y abriter une partie de ses services pendant les travaux de la nouvelle mairie. Une utilisation qui aurait duré environ un an et demi selon les souvenirs d’un Scéen.

Le rachat par la Ville de Sceaux en 2017 a ouvert une nouvelle période de l’histoire du château de l’Amiral. On reparlera du sort que l’avenir lui réserve.

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