Une lectrice a laissé un commentaire sur un article publié lors des législatives de 2022. Électrice des Républicains, elle est tentée par le vote RN et évoque l’état de l’économie, le travail non valorisé et les moyens de faire respecter les lois.
Valorisation du travail
« Le travail n’est pas valorisé, trop de gens ne vivent que des allocations » dit-elle. Pourtant, les dernières données de l’Insee montrent que la proportion des 15 à 64 ans en emploi est au plus haut depuis que l’Insee le mesure, c’est-à-dire depuis 1975. Quant au taux de chômage, il est au plus bas niveau depuis 1982.
Parmi les inactifs, la catégorie qui a le plus augmenté depuis quarante ans est bien connue : ce sont les retraités. Ils étaient un peu plus de 5 millions en 1981 et 17 millions en 2021.
Selon une étude de France Stratégie, la France a consacré en 2019 5,2% du PIB de plus qu’en 1979 aux retraites et à la santé des seniors. Soit un surcoût de 130 milliards d’euros par an. A comparer aux 2,9% du PIB consacrés à l’Éducation nationale, aux 3,3% consacrés aux hôpitaux ou aux 0,4% consacré à la justice.
Le tableau ci-contre donne la part dans le PIB des différentes prestations sociales : si ce qu’on appelle le risque vieillesse et le risque maladie ont beaucoup augmenté depuis 60 ans, la part des autres prestations n’a guère évolué (celle des familles a même plutôt baissé). Il est vrai qu’en 60 ans, l’espérance de vie a augmenté de 15 ans…
A la demande du Sénat, la Cour des Comptes a réalisé en 2020 une enquête sur la lutte contre les fraudes aux prestations sociales. La Cour a alors souligné la lenteur des progrès intervenus et formulé 15 recommandations afin de changer l’échelle de ces actions. Un nouveau rapport en mars 2023 a montré les progrès réalisés et les efforts à poursuivre. Un plan de lutte a été publié par le gouvernement en mai 2023. Il cite notamment trois chiffres : 8 milliards d’euros (Montant des prélèvements sociaux éludés au titre du travail informel), 2,8 milliards d’euros (Montant des prestations sociales versées par les caisses des allocations familiales) et 200 millions d’euros (Coût de la fraude sociale pour les caisses de retraite du régime général). Soit un total de 11 milliards au bénéfice des acteurs du travail informel, des professionnels de santé et des allocataires. Soit environ 0,4% du PIB.
On notera que lutter contre la fraude n’est pas gratuit : 5 000 agents sont affectés à cette lutte.
Qui a des solutions pour réduire ces dépenses ? Jusque dernièrement, le RN promettait de revenir à la retraite à 60 ans, ce qui n’est pas le meilleur moyen de réduire les dépenses sociales. Pour ce qui est de la fraude sociale, il se contente pour l’instant de la monter en épingle. On notera que pour réussir dans cette lutte, les Yakafocon ne suffisent pas : il faut mettre en place des mesures techniques souvent complexes. Et, contrairement à ce que certains veulent faire croire, l’impact de ce type de plan n’est pas immédiat.
Faire respecter les lois
Notre lectrice estime que la droite a été peu efficace pour ce qu’elle appelle les problèmes du quotidien (incivilités, non-respect des lois en toute impunité, rodéos quotidiens…).
Ce qu’elle cible correspond à ce qu’on appelle des troubles de voisinage. La réalité est que cette question passe pour les forces de l’ordre après les atteintes aux personnes et les atteintes aux biens. Qui voudrait revoir cet ordre de priorité ?
Une question majeure est celle des méthodes pour réduire ces nuisances. Pas forcément simple. Prenons un exemple : en 1982, lors de la suppression de la peine de mort, les opposants à cette décision expliquaient qu’on aller observer une multiplication des homicides. En réalité, leur nombre a été divisé par trois depuis. Pourquoi ? Difficile à dire, certainement pour une multitude de causes. La division par presque 2 de la consommation d’alcool par habitant a pu jouer par exemple.
Il est probable que l’apaisement de la société a tenu un rôle important : celle-ci est devenu moins conflictuelle, du moins dans les années 80 et 90. Le RN ne joue clairement pas un rôle d’apaisement aujourd’hui (on peut dire la même chose de LFI).
L’état de l’économie
Notre lectrice estime que l’économie part à vau-l’eau. Elle cite sur ce point le « quoiqu’il en coûte » (et semble-t-il son impact sur la dette). Le « quoi qu’il en coûte » est notamment le résultat du retour d’expérience de la crise de 2009. A l’époque, l’Allemagne avait protégé ses entreprises à coup de financement du chômage technique, ce que n’avait fait que beaucoup plus modérément la France, au risque d’affaiblir durablement le tissu économique. De fait, au moins sur le moment, le « quoi qu’il en coûte » n’a été guère critiqué par les politiques et les économistes.
Il y aurait beaucoup à dire sur la gestion de l’économie depuis des décennies et la proportion des gouvernements successifs à faire des promesses et à trop dépenser. Rien ne montre que le Rassemblement National soit plus raisonnable. Au contraire.
Bonsoir Gérard.
Je partage ton point de vue, nous en avons parlé.
Mais les propos des commentateurs ne sont pas dépourvus de bon sens, au sens premier du terme si j’ose dire.
Il faut donc se poser la question : pourquoi le débat ?
Et pourquoi ne produit-il que rarement des accords rapides entre les personnes ?
Mais débouche-t-il au contraire le plus souvent sur des oppositions irréductibles ?
D’abord, je constate que les arguments factuels, chiffrés, enregistrés et partagés par tous dans le cadre d’une analyse rationnelle des situations vécues, n’ont qu’un très faible impact sur les raisonnements de ceux qui cherchent à se faire une idée sur des sujets qui déterminent in fine leurs décisions.
Il faut donc mieux comprendre le fonctionnement d’élaboration des opinions.
D’abord, à quoi ça sert d’avoir une opinion, un avis sur les choses ?
En quoi cela représente-t-il un avantage évolutif, dans l’objectif d’une meilleure conservation individuelle, et pour profiter des avantages du collectif ?
On ne peut faire l’économie de ce travail. Au boulot, donc.
Pourquoi change-t-on d’avis…ou pas ? Un simple recherche Google montre que cette question a été largement explorée…et qu’il n’est pas simple de changer d’avis. Par exemple ici : https://dubasque.org/pourquoi-nous-ne-changeons-pas-davis-malgre-les-faits/
La question que je formule ici suppose qu’on a déjà un avis ! Les études montrent que le meilleur moment pour accepter une nouvelle opinion sur un sujet, c’est quand on n’en a pas encore
Prenons un exemple concret avec l’affaire Sauvage. Rappelons d’abord l’affaire : Jacqueline Sauvage a tué son mari de trois coups de fusils dans le dos. Elle a été condamné en cour d’assises puis en cour d’appel de 10 ans de prison. https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_Jacqueline_Sauvage
Lors du procès, les deux avocates de l’inculpé ont plaidé, sans succès la légitime défense. Après le procès, elles ont publié une pétition reprenant les arguments qu’elles avaient avancés lors du procès. Cette pétition a été très largement partagée, l’opinion publique prenant fait et cause pour la condamnée.
Les arguments qui ont convaincu l’opinion : l’inculpée et ses filles (adultes) étaient victimes de violence continues de la part de la victime. Celui-ci aurait menacé de tuer sa femme le matin du meurtre et celle-ci a agi pour éviter d’être assassinée.
L’opinion a certainement été sensible à la violence faite à une femme (et même plusieurs : les filles).
Il devenait impossible de faire changer d’avis une personne qui s’était faite une opinion. Y compris en mettant en avant des arguments factuels.
Le premier (probablement le plus difficile à admettre) : il y a une définition précise de la légitime défense. Celle-ci n’est retenue que si le risque est réel et immédiat. Un personne qui tire dans le dos d’un voleur qui s’enfuit après l’avoir cambriolé n’est pas en légitime défense, de nombreuses affaires l’ont déjà montré. Le fait est que beaucoup de personnes n’adhère pas à cette conception qui correspond à l’idée qu’on ne peut pas se faire justice soi-même. En partie parce qu’ils n’ont pas confiance dans la Justice de notre pays.
Le second est que sur cette affaire, les pétitionnaires n’ont entendu qu’un avis : celui des avocates de l’inculpée. Avis qui ne présentait évidemment que les faits qui l’arrangeait. Lors du procès, l’accusation a montré que les faits présentés par la défense (les violences supportées par l’inculpée et ses filles) n’avaient jamais été mis en avant auparavant (il était question de violences pendant plus de 40 ans et d’incestes) et n’avaient pas fait l’objet de plaintes à la police.
De manière plus globale, on notera que deux jurys populaires successifs ont reconnu coupable Jacqueline Sauvage après avoir écouté les arguments des uns et des autres pendant une semaine. N’est-ce pas plus sérieux que de se faire un avis en lisant une page des arguments de l’une des parties ?
Maintenant, demandons nous quelle opinion se fait ici un lecteur ne connaissant pas l’affaire, en lisant ce que j’ai écrit? Sera-t-il convaincu par l’accusation ou par la défense ?
Je pense qu’il y aurait plus de personnes convaincues par l’accusation si j’avais présenté ses arguments en premier !
Pourquoi ? Parce qu’il est difficile de reconnaitre (même en soi-même) qu’on s’est trompé ! D’autant plus si on s’est engagé pour défendre son avis (par exemple ici en signant une pétition).
Quelle conséquence sur les débats ? C’est simple, dans un débat, ce n’est pas celui qui est en face qu’on cherche à convaincre, mais ceux qui écoutent, regardent ou lisent.
Pour terminer par une boutade, je dirais qu’il est difficile de remettre en cause l’opinion qu’on s’est faite des économistes pendant de longues décennies. Mais si on en croit l’article cité en début de commentaires, c’est plus facile si les arguments viennent d’un ami.
Ou si les arguments viennent d’une personne dont on considère globalement les jugements comme pertinents.
Exemple : j’ai été biberonné au journal Le Monde, et j’avais donc tendance, sinon à suivre systématiquement ses avis, au moins à les prendre sérieusement en considération. A partir du moment où j’ai trouvé ces avis déconnectés des réalités sur certains sujets, c’est la confiance globale que j’avais dans le journal que j’ai perdue.
Pour revenir à la Gazette, celle-ci sera prise en considération si elle s’efforce en permanence de prendre du recul et de raisonner avec rigueur. Plus facile à dire qu’à faire !
Pour répondre à deux longs commentaires de Ludovic et rester compréhensible, je n’évoquerai que trois sujets : les retraites, le prix de l’électricité et ce qu’il appelle « la souveraineté économique »
Sur les retraites, les commentaires soulignent que le départ à 60 ans ne concerne que ceux qui ont commencé avant 20 ans. Des dates de départ proposées pour les autres personnes, on comprend que la règle proposée est celle de 40 ans de cotisation. Soit trois ans de moins que les 43 ans nécessaires pour les personnes nées après 1964. Pour un coût qu’on peut estimer à 1,5% du PIB ou plus de la moitié du budget de l’Education Nationale.
On pourrait comprendre que ceux partants à 60 ans sont une minorité. En réalité, en 1965, l’âge moyen de fin d’études était d’environ 18,5 ans, l’âge médian étant inférieur. Les deux tiers des Français nés en 1964 ont terminé leurs études avant 20 ans. Pour plus de précision, voire cette étude de la Dares : https://dares.travail-emploi.gouv.fr/sites/default/files/8a260b8d07f78cf64280eb780185ec15/Dares_Comment%20l%E2%80%99%C3%A2ge%20de%20sortie%20des%20%C3%A9tudes%20initiales%20s%E2%80%99articule%E2%80%90t%E2%80%90il%20avec%20le%20d%C3%A9but%20de%20carri%C3%A8re%20professionnelle.pdf
Sur le prix de l’électricité, Ludovic nous explique qu’il n’y a pas besoin d’études, et que les faits sont simples et avérés, ce qui apparemment permet d’éviter de les détailler.
Le mieux est de consulter cette publication de Terra Nova sur « les erreurs de calcul du RN » https://tnova.fr/ecologie/transition-energetique/le-paradis-energetique-de-jordan-bardella/#prix-de-l-rsquo-eacute-lectricit-eacute-nbsp-les-erreurs-de-calculs-du-rn
Quant à la souveraineté économique à la mode RN, elle semble négliger le fait que les exportations représentent 35% du PIB français et qu’on ne peut donc faire n’importe quoi sans toucher à l’emploi de tous ceux qui participent à ces exportations. Les Britanniques ont cru aux promesses de ceux qui leur ont vendu le Brexit comme une recette magique. Ils sont très largement majoritaires à le regretter aujourd’hui.
Un détail pour finir : je ne disais pas que le national protectionnisme était un régime de passions et d’émotions, mais que national protectionnisme et régime de passions et d’émotions étaient deux des caractéristiques des régimes populistes : https://sceaux-lagazette.fr/index.php/2022/05/23/le-siecle-du-populisme-notes-de-lecture/
Bravo pour tes explications
Reste une question?
Pour quoi une majorité croissante de français semblent être hypnotisés par les discours de l’extrême droite et de l’extrême gauche ?
Au delà des discours , il doit bien y avoir une question de ressenti quotidien en fonction d’un environnement personnel , mais qui est vécu par une majorité croissante de français
Personnellement je ressens de façon criante la montée des incivilités quotidiennes dans l’espace public, mais mon « niveau de vie » me permet d’y faire abstraction , ce qui n’est pas le cas d’une majorité de français qui en souffrent quotidiennement ???
Il y a certainement de nombreuses raisons. J’ai essayé d’en lister quelques une ici https://sceaux-lagazette.fr/index.php/2024/06/20/quelques-reflexions-politiques/
Bonjour,
Je suis le candidat du RN dans la 13ème circonscription des Hauts de Seine et il me paraît important de préciser certaines choses.
On ne peut résumer les problèmes économiques à celui des retraites qui coûtent trop cher à la société. J’ai travaillé, j’ai cotisé, j’ai payé la retraite de nos anciens et ça ne m’a jamais posé de problème.
Pour ce qui est de la délinquance, on ne peut pas non plus la résumer à quelques troubles du voisinages pas bien graves.
J’ai été Commissaire Divisionnaire en PJ à Paris. La délinquance, je connais. Dire qu’elle a augmenté est un doux euphémisme. Elle a explosé. Son traitement est certes complexe, mais ce qui manque à nos dirigeants actuels est surtout le courage d’affronter la réalité. Nous avons ce courage.
C’est maintenant aux Français de choisir.
Patrick YVARS
Ce n’est pas moi qui parle de troubles de voisinage , c’est la personne à qui je répondais. Et je lui disais que les atteintes aux biens et aux personnes étaient plus graves. Je n’ai pas l’impression que vous dites le contraire
Et pour ce qui est des retraites, c’est clairement un point faible de votre programme, faire croire aux gens qu’on peut revenir à la retraite à 60 ans. Un très bel exemple de populisme
Et on ne parle pas ici de milliards, mais de dizaines de milliards d’euros
https://sceaux-lagazette.fr/index.php/2023/01/12/pourquoi-il-faut-reformer-les-retraites/
Le populisme c’est quand le peuple pense mal ?
Le populisme c’est quand on prend le peuple dans le sens du poil en lui mentant
Mais si vous voulez sincèrement en savoir plus sur le populisme, n’hésitez pas à lire cela :
https://sceaux-lagazette.fr/index.php/2022/05/23/le-siecle-du-populisme-notes-de-lecture/
Ôtez-moi d’un doute…
Vous êtes journaliste ou militant politique ?
Ceci est une réponse à votre dernier commentaire (le site ne permet pas de s’y raccrocher)
Vous illustrez parfaitement une méthode classique : quand on ne peut pas s’attaquer au message, attaquer le messager. Et vous utilisez ce qu’on appelle une question rhétorique (https://fr.wikipedia.org/wiki/Question_rh%C3%A9torique ) . Son principe est simple : feindre de poser une question « innocente » mais insinuer une réponse (ici : celui qui se prétend journaliste est en fait un militant politique). Jean-Marie Le Pen était très fort dans ce genre de message.
Ce qui est amusant, c’est que vous suggérez que je suis un militant politique, ce qui serait mal. Alors que vous êtes vous-même un militant politique.
Bien sûr, votre véritable accusation est une accusation de faux-semblant : je cacherai ma « véritable nature de militant » derrière un masque de journaliste. Ce qui suffit dans votre logique à me classer dans le mauvais camp : non pas celui du « peuple » mais celui « du système ». Parce que bien sûr, vous êtes du côté du peuple. A cet égard, le commentaire qui vous a fait réagir était insupportable puisqu’il laissait entendre que votre mouvement trompe le peuple ; donc qu’il n’est pas vraiment se son côté.
Mais je vais aussi répondre à votre question
Il y a 15/20 ans, j’ai tenu un blog (c’était la grande époque des blogs). J’y parlais de beaucoup de choses, y compris de politique. Un jour, quelqu’un a fait une analyse des blogs qui parlaient de politique dans ce qu’on appelait la blogosphère. Il en a pris 200 (dont le mien). Et il les a classés politiquement : PS, RPR, Verts etc. Parfois moins précisément : social-démocrate, centre droit etc. Il a classé le mien dans une catégorie qu’il a appelé « observateur » (il n’y en avait que quelques-uns). Et observateur, cela me va bien. Je pense que dans la mesure du possible, c’est ce que devrait être un journaliste.
Le même analyste a constaté que beaucoup de ces blogueurs parlaient essentiellement à d’autres blogueurs du même camp qu’eux, mais que quelques-uns dépassaient les frontières entre droite et gauche et parlaient avec des blogueurs des deux camps. Je faisais partie de ce dernier groupe. Parce que je pense qu’il est très important de ne pas s’enfermer dans une idéologie, dans une certitude. Et je constate que les populistes de droite ou de gauche poussent leurs sympathisants dans un tel enfermement, en présentant les autres comme le mal absolu.
Pour observer, il faut des outils. Des outils d’observation et de mesure pour les scientifiques bien sûr. Mais aussi des outils de référence pour comprendre. Les ergonomes ont inventé des outils d’observation du travail, les médecins des outils de diagnostic des maladies etc. Les outils statistiques ont permis de comprendre tout de suite que l’étude de Séralini (sur les OGM) n’était pas probante, ou que l’étude de Raoult sur l’hydro chloroquine était truandée.
Sur le populisme, il y a eu de nombreuses études qui ont permis de caractériser ce que c’est et donc d’identifier les mouvements qui peuvent être qualifiés de populistes. Les caractéristiques proposées par Pierre Rosanvallon sont les suivantes :
Un peuple-Un (la diversité au sein du peuple est laissée de côté voire niée) se définissant par rapport à un ennemi (les élites, l’oligarchie, ou « le système » en général)
Une théorie de la démocratie : directe, polarisée, immédiate.
Un leader qui « incarne » » le peuple (la République, c’est moi, dirait Mélenchon)
Le national-protectionnisme
Un régime de passions et d’émotions : le ressenti, la colère, sont valorisées. Le principal ressort est la défiance.
N’hésitez pas à analyser le mouvement que vous représentez dans ces élections à partir de ces caractéristiques.
Bonsoir Gérard Bardier,
Je suis quelqu’un de modéré qui se trouve plutôt de centre/droite (de mon point de vue, il ne faut négliger ni le social, ni le capital pour qu’un pays fonctionne bien).
J’ai lu tout ce que vous avez écrit et…
Sans vouloir vous vexer, il y a quand même pas mal de choses que vous érigez en vérités qui ne semblent être en réalité que vos opinions personnelles:
– Vous dites que vous avez été mis il y a 15/20 ans dans la catégorie « observateur » (donc relativement impartial avec peu de biais). Même en admettant à la base que vous avez été correctement catégorisé, ceci ne vous donne pas un blanc seing vous absolvant toute remise en question personnelle : il est très fréquent que, au cours d’une si longue période des gens changent d’opinion et/ou de sensibilité sans même s’en rendre compte. Et franchement, aujourd’hui, en vous lisant, vous me donnez le ressenti d’un militant LR extrêmement motivé pour dézinguer un candidat du Rassemblement National. Qu’est-ce qui me donne ce ressenti ? Votre raccourci « vous promettez la retraite à 60 ans => Populisme ». Je vous suivrais dans l’analyse… Si cette affirmation était juste. Jusqu’à preuve du contraire, ceux qui ont promis la retraite à 60 ans, quoi qu’il advienne, c’est la France Insoumise. De ce que j’ai lu (ou entendu dans les interviews), dans le programme du RN, ceux qui partiraient à 60 ans seraient uniquement ceux ayant déjà cotisé 40 annuités ou plus. Ce qui voudrait dire que seuls qui ont commencé à travailler avant 20 ans (sans s’arrêter) arriveraient à la retraite à 60 ans. Ceux qui ont commencé à travailler à 21 ans termineraient à 61, ceux qui ont commencé à 22 termineraient à 62, et ainsi de suite. Si ceci, qui a été répété à beaucoup de reprises ces dernières semaines, est démenti par une source fiable provenant du RN, alors je réviserais ma position à votre égard. Mais avouez qu’affirmer des choses sur le programme du RN sans le faire suivre par des sources a juste tous les airs d’une attaque en règle contre un parti qui ne vous convient pas personnellement (je n’ai aucun problème qu’on attaque le plan du RN, loin s’en faut, mais encore faudrait-il le faire de manière argumentée et sourcée… ce que vous n’avez pas fait).
– Le national protectionnisme, un régime de passions et d’émotions? J’ai été pendant très longtemps un européiste convaincu. Force est de constater que les promesses n’ont pas été tenues. Pire, en plus des promesses non tenues, nous avons eu des problèmes qui se sont additionnés à cela (les problèmes de lobbyisme au parlement européen n’est un secret pour personne). Nous avons donc un organisme (le parlement européen) qui dirigent l’économie pour l’intégralité de la zone européenne (dont la France) souvent contre l’intérêt des français (étant l’un des pays les plus riches de la zone euro, cela parait logique). Je n’y verrais pas d’inconvénient si le pays est en bonne santé… Après tout, si on pouvait aider d’autres pays de l’Union Européenne à se hisser à un niveau économique supérieur, pourquoi pas. C’était le but à la base. Etre plus fort à plusieurs. Mais ce qui se passe aujourd’hui est tout autre: Beaucoup trop de choses se font au détriment de notre pays au point qu’on a l’impression que les autres pays nous appuie la tête sous l’eau pour se hisser, alors que la France n’est déjà pas en super forme.
Quand un pays se dégrade comme c’est le cas en France, il faut repartir de la base. Et pour pouvoir repartir de la base, il faut avoir un certain contrôle sur l’économie et les frontières de son pays… même si cela doit ne l’être que temporairement. On ne peut pas redresser la barre en ayant des pressions additionnelles sur le dos, comme le fait de pouvoir contrôler ses frontières, se prémunir contre le dumping social, et pouvoir contrôler son économie. Curieusement, ce que vous appelez un régime de passions et d’émotions m’apparait – pour le moment – comme la seule solution réellement efficace pour redresser la France. Les règles de l’Union Européenne ont été (TRES) mal construites, avec plein de trous dans la raquette. La France n’arrête pas de se faire entuber sur de nombreux aspects (économique, militaire et diplomatique). Il faut dire que toute cette gabegie a commencé avec Sarkozy (il n’aurait jamais dû passer en force lors du traité de Lisbonne avec 55% de non deux ans auparavant, et aurait dû revoir la copie en profondeur avant de la soumettre à nouveau au référendum) et s’est terminé en apothéose avec Macron (qui cède absolument tout à l’Europe et en particulier à l’Allemagne. Le prix de l’électricité indexé sur le prix du gaz n’est juste qu’un énorme cadeau fait à l’Allemagne pour qu’elle garde sa compétitivité, au détriment de toutes nos entreprises françaises… Alors que nous sommes le plus gros producteur d’électricité d’Europe et qu’on pourrait le vendre aux citoyens français et aux entreprises françaises deux à trois fois moins cher! une aberration totale). Donc oui on peut voir dans le Nationalisme et le Protectionnisme des outils pour redresser la barre, sans être pour cela pétri d’émotions et d’irrationalisme. Cela peut (aussi) être une décision conduite par le pragmatisme. Les USA sont très pragmatiques, et vous croyez qu’ils se privent de faire du protectionnisme?
Faire du protectionnisme enragerait les élites de Bruxelles ?
Probablement. C’est pourquoi il faudrait des personnes courageuses pour encaisser la tempête. Faire un bilan savant disant « vous savez, c’est compliqué de résoudre les problèmes », c’est bien souvent la bonne excuse pour ne rien résoudre du tout. Je ne dis pas que c’est simple. Le Général de Gaulle a réussi à remettre la France sur pied après la seconde guerre mondiale, mais uniquement parce qu’il était maître de certaines choses, notamment la capacité de pouvoir agir sur l’économie nationale sans demander la permission systématique à une entité supérieure (l’UE). Le fait d’avoir le contrôle sur sa monnaie a beaucoup aidé aussi. Aujourd’hui nos hommes politiques se lavent les mains de toute responsabilité « puisque c’est Bruxelles qui décide ». On ne risque pas d’avancer comme ça. En d’autres termes, il ne faut pas se laisser marcher sur les pieds par l’Union Européenne, sinon la France continuera de s’enfoncer inexorablement. Ce n’est pas avec des poids de 50kg attachés aux pieds que l’on arrivera à sortir la tête de l’eau. Ce n’est pas non plus en disant « ha mais on est trop imbriqué dans l’UE, et on ne représente qu’un petit bout de cette dernière après tout » qu’on fera avancer les choses: La France est la 2e économie de l’UE (maintenant que le Royaume Uni est sorti), et la France est aussi le 2e pays contributeur net à l’UE en 2023 . Si ça, ce ne sont pas des leviers de négociation pour se faire entendre, je ne sais pas ce que c’est…
Tout revient à avoir du courage. Ni plus, ni moins. C’est cela qui manque cruellement aujourd’hui. Pour l’instant, je suis le premier à le regretter, mais ceux qui en montrent le plus pour le moment dans leur programme, cela reste le Rassemblement National. D’où le fait qu’il y ait tant de monde qui soit tenté de voter pour eux., sans pour autant avoir des pensées fachistes, racistes ou homophobes. Et ce n’est pas en taxant ce parti de « populiste » que vous arriverez à dissuader qui que ce soit de voter pour eux. Il faut convaincre en proposant un programme intelligent, mesuré, courageux, sans avoir peur de causer des frictions avec l’UE. Et pour l’instant je n’en ai pas vu. Je ne dis pas que le RN fera mieux que d’autres partis si il arrive au pouvoir. Mais encore une fois, les gens en ont marre, beaucoup ne sont pas dupes, mais ils ont perdu toute confiance dans les autres partis. Ils ne pourront jamais reconquérir leurs électorats en ménageant la chèvre (l’UE) et le chou (le peuple français) car le chou est déjà en train de flétrir.
Il faut retrouver une autonomie économique au moins temporairement, pour pouvoir régler plein de (gros) problèmes connexes: injecter des ressources dans la sécurité (la niveau de violence explose un peu partout en France. Ce n’est plus juste dans les grandes agglomérations), l’éducation (qui est en déliquescence progressive depuis plus de 20 ans). Remettre l’éducation civique o-bli-ga-toire dans le tronc commun de l’enseignement, pour tous, et un minimum de cours économiques jusqu’à l’âge adulte. Cela éviterait que les générations futures se fassent balader par des promesses sans queue ni tête. Remettre au centre de l’éducation le travail de réflexion personnelle (comprendre: ne pas juste ingurgiter des choses qui ont été dites par quelqu’un ou lues quelque part, sans prendre le temps de se poser et se demander si tout cela a un sens).
Bref, je vais m’arrêter là, parce qu’il est tard.
En espérant que mon (long) commentaire vous donnera matière à réfléchir (même si je vous avoue avoir peu d’espoir, vu que vous semblez farouchement ancré dans vos convictions).
Ces statistiques sont intéressantes.
Néanmoins, cette réponse est-elle satisfaisante ?
La prise de hauteur ne prend pas en compte les ressentis ni les vécus de la population. Un manque d’humanité, d’empathie, d’écoute qui débouche sur une absence de réponses pour le citoyen. C’est la porte ouverte à un vote d’exaspération fort inquiétant.
Distinguons les deux points
Sur la valorisation du travail, il me semble important de revenir aux faits. Et ceux ci montrent que le « ressenti » sur ce que vivent les autres doit effectivement être pris avec recul. A moins qu’il faille dire que le vécu de ces autres ne compte pas?
Sur les troubles de voisinage, on est très probablement sur du vécu. Je suis prêt à faire preuve de toute l’empathie qu’on voudra sur cette question. Mais je pense que ceux qui, sous couvert d’empathie, prétendent avoir une baguette magique pour régler ces questions sont des menteurs. Et je ne pense pas que le faire croire soit une preuve d’empathie ou d’humanité.
A lire cette réponse de votre part, ceux qui font preuve d’empathie et qui compatissent juste sont des « gens raisonnables ». Ceux qui font preuve d’empathie et qui tentent d’apporter des solutions (qu’elles ne marchent ou pas) sont très probablement des menteurs.
Comment distinguez-vous alors ceux qui font preuve d’empathie et qui veulent réellement changer les choses (et je parle pas de faire un petit aménagement de loi timide qui va régler 0,1% des problèmes)? A moins que vous considériez que cette catégorie de personne n’existe pas ?
Je serais curieux d’avoir une réponse là-dessus.
Bonjour
je ne sais pas si ceux qui ne font que compatir comme vous dites sont « des gens raisonnables »
Ce dont je suis sûr, c’est que pour trouver des solutions à un problème, il vaut mieux se servir de sa capacité de raisonnement. Heureusement pour nous, l’espèce humaine est plutôt bien équipée de ce côté là.
Quand à vouloir changer les choses, le fait de suivre ses émotions n’est pas forcément la meilleure solution. Surtout sur des problèmes complexes comme ceux évoqués par notre lectrice. Mais je suis prêt à entendre les solutions que vous avez en tête pour réduire les nuisances de voisinage
Et je vais prendre un exemple : un accident sur la route, avec une personne blessée au milieu de la chaussée. La réaction naturelle, dictée par nos émotions, est d’aller lui porter secours. La solution que dicte la raison et des décennies de pratique, c’est de sécuriser les lieux d’abord (pour éviter un nouvel accident) et d’appeler les secours ensuite, et seulement après, d’aller aider la personne. Et encore, l’aide à la personne doit être faite avec précautions pour ne pas aggraver le mal. Il y a des principes tirés de l’expérience pour cela. Il vaut donc mieux laisser faire les personnes ayant eu la formation adéquate.
D’où ma question : sur quelles études reposent les solutions que vous préconisez? Comment savez vous qu’elles ne vont pas aggraver le mal plutôt que le diminuer?
Monsieur Bardier,
Avec tout mon respect, et sans réagir émotionnellement, ce que vous venez de faire là est une des plus pures pratiques politiciennes dont de plus en plus de gens commencent à avoir marre: Je vous pose une question relativement claire (comment distinguer les gens qui ont de l’empathie et veulent réellement changer les choses, et qui n’ont pas d’intention de mentir à leur électeurs, selon votre grille de lecture)… et vous me répondez par une autre question. Vous noyez le poisson. Et vous jouez sur la peur du changement. Avec ce genre de raisonnement, pas étonnant que l’on arrive pas à avancer. C’est ce qui paralyse notre pays depuis de si nombreuses années, et n’y voyez là aucune amertume de ma part: ce n’est qu’une analyse froidement factuelle. On a eu la droite (avec Sarkozy) au pouvoir. Puis on a eu la gauche (avec Hollande) au pouvoir. Puis on a eu Macron, qui a voulu rassembler au centre. Sous les trois tendances politiques, on a eu la situation qui s’est dégradée inexorablement. Aucune mesure forte n’a été réellement prise pour remédier aux problèmes grandissant sur l’Insécurité, l’Education, et le pouvoir d’achat des citoyens. Cela s’est même grandement amplifié sous Macron même si il n’est pas le seul responsable (ces deux prédecesseurs n’ont pas fait mieux). Pourquoi ? Probablement parce qu’ils cherchaient à être réélus et qu’ils ne voulaient prendre aucune mesure drastique de risque d’être impopulaires.
Vous dites d’un côté que pour résoudre un problème, il vaut mieux se servir de sa capacité de raisonnement. Vous enfoncez un porte ouverte. Et un peu plus loin, vous connectez le fait de vouloir changer les choses au fait de réagir émotionnellement . Dites-moi donc quand se retrouve-t’on dans une situation où l’on arrive à apporter une solution par la raison, sans être dans le registre émotionnel à vos yeux ?
On tourne un peu en rond avec votre raisonnement: « il ne faut surtout pas voter RN, car leur programme est désastreux » (je résume) et vous le taxez de populisme, sans donner des sources fiables (vous l’avez attaqué sur le programme des retraites, alors que cela ne représente qu’un petit bout du programme du RN, et vous avez mentionné une position qui est plus celle de LFI que celle du RN, jusqu’à preuve du contraire). En revanche, à partir du moment où de véritables propositions sont suggérées, vous considérez qu’on est tout de suite dans l’émotionnel (alors qu’on peut très bien être dans le rationnel). La critique est aisée et l’art difficile. Je m’abstiens donc de faire de la critique par anticipation. En revanche, nous avons maintenant un peu de recul sur ce qui a été essayé: tous les courants dit modérés ont eu leur chance, et ils n’ont pas changé la situation. Elle n’a fait qu’empirer.
Quelle certitude ai-je que les mesures du Rassemblement National feront plus de bien que de mal ? Aucune. Mais à un moment donné, il va bien falloir essayé autre chose que ce qui n’a pas fonctionné. Nous avons essayé celles des partis dits « modérés » et voilà où on en est. Est-ce par manque de courage, à cause de promesses non tenues, ou parce que les mesures déployées n’étaient pas suffisamment efficaces? Peut-être un peu des trois. Dans tous les cas, les résultats – plus que médiocres – sont là.
Sous prétexte de « ne pas céder à l’émotion » selon votre grille de lecture, il ne faut surtout pas sortir des « solutions raisonnables » qui ont déjà été essayées. Avec ce genre de raisonnement, on ne risque pas d’empirer les choses drastiquement d’un coup, mais on est sûr qu’elles empireront lentement et inexorablement. Ou alors on prend des risques (hé oui, c’est aussi ça la vie), où on peut tomber et apprendre de ses erreurs. Notez quand même que l’on en arrive là après que tous les partis modérés aient échoué. Si de plus en plus de Français votent aujourd’hui RN, ce n’est pas en première intention de vote, mais parce que leur(s) premier(s) choix ont eu des résultats plus que décevants.
Voilà également pourquoi votre article sur la réponse à la lectrice tentée par un vote RN ne résout rien et ne convainc pas: vous faites une analyse (relativement juste) de la situation, mais après vous ne sous-entendez rien d’autre que « le RN va nous envoyer dans le mur. Il ne faut pas vous laisser emporter par l’émotionnel » (je résume). Avec un tel sujet d’article, le minimum auquel était en passe de s’attendre les lecteurs, c’était au moins des pistes de réflexion plus raisonnables à opposer au programme du RN. Or là, c’est le néant total. Vous renversez les rôles dans cette situation: vous êtes à l’origine de l’article. Si vous critiquez un programme, c’est à vous également de proposer des pistes de solution pour convaincre de ne pas voter sur ce programme. Et non pas juste dire « si vous votez pour ce programme, ça va être pire ! ». La tactique d’instillation de la peur n’a jamais été quelque chose de constructif.
Mais malgré cela, je vais un peu me prêter au jeu de vos questions de fin de message:
– Sur quelles études reposent les solutions que « je » préconise ? Alors déjà, pour la désindexation du prix de l’électricité sur le prix du gaz, pas besoin d’études pour décider là-dessus. Notre économie est bien plus basée sur l’électricité (et donc le nucléaire) que nos voisins allemands. Nous avons une relative autonomie énergétique (et on peut remercier le Général de Gaulle pour ça). La situation d’aujourd’hui est aberrante: le prix de l’électricité est aujourd’hui artificiellement élevé en France, pour ne pas froisser nos voisins allemands. Pas besoin d’études pour ça, ce sont des faits simples et avérés. Et cette situation aberrante ne datent que depuis les années Macron. Il faut détricoter cela au plus vite. Cela n’a rien apporté de bien, et que des ennuis aux contribuables français et aux entreprises françaises. Ca pèse sur le pouvoir d’achat des citoyens, et ça pèse sur la rentabilité des entreprises. Je ne dis pas que tout est simple dans chaque domaine, mais au moins ça, on ne peut pas dire que c’est compliqué. C’est juste du bon sens… Et à ce que je sache, seul le RN le propose (et c’est là que les bras m’en tombent).