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Primaires

Le parti socialiste va très probablement désigner Anne Hidalgo comme candidate à l’élection présidentielle de 2022, sans passer par la case primaire. Pour 1995 et 2002, une primaire réservée aux seuls adhérents avait conduit à désigner Lionel Jospin puis Ségolène Royal. Pour 2012 et 2017, la primaire fut cette fois ouverte à tous les citoyens, et conduisit à la désignation de François Hollande puis de Benoit Hamon.

La droite a également décidé d’éviter la primaire ouverte, contrairement à ce qu’elle avait fait pour l’élection 2017, sans que le processus choisi soit encore bien clair.

Les écologistes persistent au contraire dans un système qu’ils pratiquent depuis 2002. Avec une procédure fermée (c.a.d. réservée aux seuls adhérents) pour 2002 et 2007 et ouverte depuis.

Pourquoi procéder à une primaire ?

On peut identifier au moins deux raisons de procéder à une primaire, et une troisième pour choisir la primaire ouverte.

La première raison renvoie à une valorisation de la démocratie directe : le choix du candidat, s’il n’est pas celui des adhérents, est celui de la direction. Ce n’est sans doute pas un hasard si, suspicion envers les hiérarchies aidant, les premières primaires (fermées) ont été organisées par des partis de gauche : le PS pour 1995, les Verts et le PCF en 2002.

La deuxième raison a été illustrée par l’élection de 2002 (Jospin éliminé au premier tour du fait des nombreuses candidatures à gauche). Dans un scrutin majoritaire à deux tours, la dispersion des candidats revient à prendre un grand risque. La primaire permet en théorie de choisir et d’éviter une concurrence lors du vote général.

Ouvrir la primaire à tous les sympathisants répond à une autre préoccupation : c’est considéré comme un moyen de mobiliser les électeurs. Et au passage, c’est un moyen de créer l’événement pour être présent dans les médias. On vient de le constater avec la primaire écologique.

Le problème est qu’il n’est pas sûr que cela fonctionne ! Si François Hollande, désigné par plus de 2,5 millions de sympathisants lors d’une primaire pour 2012 a bien été élu, cela n’a pas été le cas de François Fillon, pourtant candidat d’un camp qui partait largement favori. Celui-ci avait pourtant obtenu près de 3 millions de suffrages lors du deuxième tour de la primaire, bien loin devant Alain Juppé.

Avantages et risques d’une primaire ouverte

Les partis politiques français sont confrontés à la faiblesse de leur base d’adhérents. Les primaires fermées des Verts ont rassemblé au deuxième tour 6593 votants en 2001 et 5356 en 2006. Dans les deux cas, le résultat a été très serré : 91 voix d’avance pour Lipietz en 2001, 57 pour Voynet en 2006 !

Le PS ou LR ont bien sûr nettement plus d’adhérents, mais cela reste encore très limité : Laurent Berger a pu dire récemment que la CFDT avait plus d’adhérents que tous les partis politiques français réunis. Et pourtant, on rappelle régulièrement que les Français sont peu syndiqués !

Quand on parle de primaires, la référence est spontanément américaine ; mais aux USA, la majorité des électeurs sont inscrits comme soutenant l’un ou l’autre des deux grands partis ! Et ces deux seuls partis réunissent ensemble la quasi-totalité des suffrages. On a pu dire que le premier tour des élections françaises avait le même rôle que les primaires américaines, en faisant émerger le leader de chaque camp. Mais y a-t-il encore seulement deux camps ?

Organiser une primaire avec les adhérents, ce n’est théoriquement pas un problème. Les participants se sont de fait sélectionnés en payant une cotisation et en agissant avec et pour le parti. Le risque d’entrisme existe bien sûr et les exemples d’inscriptions suspectes en nombre sont relatés dans tous les partis. On se souvient de ce qui a été évoqué au PS quand le duel entre Ségolène Royal et Martine Aubry a été tranché par une extrêmement faible majorité (42 voix dans un premier décompte, devenu 102 voix ensuite).

Les primaires ouvertes posent plus de questions : comment faire pour attirer les sympathisants mais eux seuls ? Une réponse consiste à faire payer un montant symbolique et à faire signer une déclaration ou un engagement qui ne le sont pas moins.

Les rumeurs d’entrisme existent toujours : lors de la primaire « de la droite et du centre », des responsables ont craint que des électeurs de gauche se soient mêlés aux électeurs de droite pour éliminer Nicolas Sarkozy. Celui-ci ayant finalement réuni un million de voix de moins que Fillion et 340 000 de moins que Juppé, on n’en a plus parlé !

Cette primaire a montré que le risque était nettement amoindri quand le nombre de votants est réellement élevé.

La situation actuelle des écologistes

Les écologistes sont loin de réunir des millions de votants pour leurs primaires. En ouvrant celles-ci en 2011, ils ont réussi à réunir environ 25 000 votants en 2011, Eva Joly dépassant assez nettement Nicolas Hulot. En 2016, bien qu’ayant fait passer le droit d’entrée de 10 à 5 €, ils ne réunissent que 14 000 votants au second tour et Jadot l’emporte sur Rivasi avec une avance de près de 2000 voix.

Cette fois-ci, le prix à payer a encore baissé, à deux euros. Au premier tour, 106 400 votants se sont exprimés, ce qui est un très net progrès par rapport aux votes précédents. Mais on reste très loin du nombre de votants à droite et au PS.

Du coup, l’entrisme reste un risque. Sur les réseaux sociaux, on a pu observer avant le vote des interventions de personnes ne partageant pas les opinions des écologistes, mais voulant soutenir Sandrine Rousseau. À droite (voire à l’extrême droite ?), assez clairement. Mais aussi dans des rangs beaucoup moins politisés, de la part de personnes qui trouvent « qu’elle les fait marrer ». Le compte parodique « Sardine Ruisseau » a près de 14 000 abonnés sur Twitter (contre 43 000 à celle qu’il parodie).

Les socialistes peuvent faire l’analyse que Jadot leur disputera plus de voix que Rousseau. Bref, le danger d’entrisme est réel.

Au vu de ceux qui ont affirmé l’avoir fait sur les réseaux sociaux, il n’y a aucun doute que des dizaines, peut-être même des centaines de personnes n’ayant pas du tout l’intention de voter pour elle à la présidentielle aient soutenu Sandrine Rousseau en votant lors de la primaire. Etaient-ils assez nombreux pour lui apporter plus que les 3000 voix d’avance qu’elle a eues sur Delphine Batho ? Impossible évidemment de le savoir, même si 3000 voix cela paraît beaucoup. Mais à l’échelle d’un pays de plus de 66 millions d’habitants, qu’est-ce que c’est ?

On imagine assez mal les écologistes reconnaître qu’il y a pu avoir un problème. L’importance de la question dépendra aussi des résultats du second tour. Mais cela donnera à penser à tous ceux qui se poseront demain la question : primaire ou pas ?

La Croix s’est posé récemment la question dans cet article.

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