Banquier, puis délégué du Secours catholique, Bernard Dandrel devient président de la Banque Alimentaire à Paris et en Ile-de-France en1984, puis en France en 1985, puis en Europe en 1986. Le développement fulgurant du label de Banque Alimentaire doit beaucoup à son action d’entrepreneur. Un homme très discret à découvrir.
Intelligence et modestie
Si l’action de Bernard Dandrel est bien décrite, on en apprend peu sur l’homme lui-même. Y compris dans le livre d’entretiens (disponible en ligne) que les Banques Alimentaires lui ont consacré à l’occasion en 2011. Pour combler ce manque, la Gazette a rencontré Bernard Dandrel chez lui. Ses filles nous ont aidé pour préciser quelques repères chronologiques.
Celui que l’on découvre frappe d’abord par sa modestie, sa gentillesse, sa simplicité. Plus tard, on découvre aussi une belle intelligence, la priorité donnée à ce qui est considéré comme essentiel, la pédagogie, la ténacité et la rigueur, la capacité à s’entourer de compétences pointues et à les entrainer dans l’aventure.
Jeunesse
Bernard Dandrel nait le 22 mai 1931, à Châteaudun. Il est le 3ème d’une famille de 7 enfants, 6 garçons et une fille. Ses deux parents ont été formés à la Banque de France, puis son père est parti au Crédit Mutuel, où il crée l’agence de Nogent-le-Rotrou. Bernard passe sa jeunesse dans la ville. Ses parents sont des catholiques très pratiquants et tournés vers les autres. Son père est le trésorier des sœurs de Saint-Vincent-de-Paul.
Bernard, élève médiocre à l’école primaire, est envoyé en pension au Mans, chez les frères des écoles chrétiennes. Il y fait du sport, découvre le théâtre et devient un très bon élève. Sa scolarité est freinée par des ennuis de santé.
Il participe au mouvement des Cœurs Vaillants. Au moment de créer la Banque Alimentaire , il se souviendra probablement qu’à Cœur Vaillant, rien d’impossible !
Son bac en poche, il poursuit des études supérieures à la Catho de Paris, en psychologie et en pédagogie. Le cursus est destiné à former des éducateurs spécialisés pour l’Aide à l’Enfance.
Service militaire
Il fait ses classes à Saint-Brieuc. (1) Il poursuivra son service dans les transmissions. Il est alors sélectionné pour suivre la formation d’élève officier de réserve, qui se déroule à Alger. Il se souvient d’être passé en patrouille sur une belle place de la ville, éclairée par de nombreux réverbères. Le lendemain, tous ceux-ci ont explosé, provoquant un carnage.(2)
Sa formation faite, il est affecté comme sous-officier de transmissions dans la ville de Souk- Ahras, près de la frontière tunisienne (« ville natale de Saint-Augustin », précise-t-il). Il termine son service à Issoire, où il participe à la formation de jeunes cadres algériens.
Crédit Mutuel
De retour à la vie civile, il est incité par son père, qui se cherche un successeur, à entrer au Crédit Mutuel de Nogent-le-Rotrou. Il y est embauché, suit des stages (à Châteaudun notamment) et des cours par correspondance. Il remplace finalement son père, au départ de celui-ci en retraite. (3)
Il accompagne la profonde transformation agricole, qu’il résume en citant le passage des bêtes de trait au tracteur. Cela signifie investissement et emprunt. Arrive aussi la systématisation du paiement par chèque. Il anime de nombreuses formations sur le sujet pour les mutualistes, une activité qui lui plait manifestement.
Secours Catholique
Entretemps, il s’est marié avec Monique Colin, institutrice, puis professeur de français, le 7 août 1961. Le couple aura deux filles, en 1962 et en 1965.
Il fait partie, avec son épouse, des Équipes Notre-Dame. Il est bénévole au Secours catholique et à la Société de Saint-Vincent-de-Paul. Un responsable du Secours Catholique lui signale qu’un délégué d’une ville proche sera bientôt à remplacer. En 1976, son épouse le pousse à poser sa candidature, l’incite à s’investir plus fortement dans le Secours Catholique « pour servir les pauvres. »
Il devient donc délégué du Secours Catholique à Chartres en 1976. Avec ce changement de fonction et le déménagement qui s’ensuit, le couple voit son niveau de vie baisser très notablement. Une de ses filles explique : « j’admirais beaucoup ce que faisait mon père, mais matériellement c’était devenu difficile. » C’est un changement professionnel important, mais on peut supposer qu’il ne se serait pas retrouvé dans les évolutions de métier de banquier. Il le dira d’ailleurs quelques années plus tard devant ses filles. Là où il avait apporté un service réel en accompagnant ses clients dans une période de grande transformation, le passage à une seule logique de gestionnaire ne lui aurait certainement pas convenu.
« Je suis arrivé à Chartres en juillet, accompagné de ma famille. Nous sommes en plein été. À cette période, la délégation du Secours catholique compte peu de bénévoles. Pourtant, il faut bien accueillir ceux qui viennent frapper à la porte, les sans-abri, les familles désemparées, les femmes qui ont fui leur mari… C’est rude. Toute la misère du monde débarque. On s’en trouve soi-même chahuté. Confronté à ces réalités, soit on se blinde et on se ferme, soit on choisit de s’ouvrir aux autres et d’être à leur écoute. J’ai choisi la deuxième solution. Il n’en demeure pas moins que je passe des moments très durs qui demandent beaucoup de simplicité et d’humilité. » (4)
Atteinte de la maladie de Charcot, Monique Dandrel décède dans cette ville en 1981. Entretemps, l’ainée des filles se marie.
En 1982, il devient responsable du Secours Catholique à Paris. Il loge rue de La Bruyère. Après avoir passé son bac, sa fille cadette, devenue étudiante, le rejoint en 1983.
« À Paris, je découvre une autre dimension de la pauvreté. Il y a au moins dix mille personnes sans domicile fixe. Je prends contact avec d’autres associations caritatives et les services sociaux. Nous constatons que la demande porte sur l’aide alimentaire et qu’elle est pratiquement prioritaire par rapport aux autres besoins. La situation est telle que des associations comme Emmaüs et l’Armée du Salut ont rétabli depuis deux ans les « Soupes de nuit » disparues depuis trente ans. » (5)
Banque Alimentaire
Le 13 mars 1984, la Croix publie une tribune de sœur Cécile Bigot intitulée « j’ai faim ». Le texte commence par cette phrase terrible : « On a faim, aujourd’hui, en France ! ». Puis il propose des idées. « Quelle est la personne […] qui surgira et qui aura assez d’astuce pour mettre en place, avec d’autres, le procédé de récupération rapide et efficace des aliments, avant qu’ils ne soient embarqués dans les poubelles ? »
A la suite de cet article, le 26 mai 1984, Francis Lopez, un franco-canadien qui a découvert les banques alimentaires au Canada, présente le concept à des responsables parisiens d’associations humanitaires. Certains n’y croient pas (« cela ne marchera pas en France » ), mais une dizaine de personnes (Armée du Salut, Emmaüs, le Secours Catholique, le Centre d’action sociale protestant, l’association L’Entraide d’Auteuil …) décident de créer la Banque Alimentaire.
La plupart pensent qu’il faudra deux ans pour créer cette banque. Mais Bernard Dandrel a compris qu’ils ont trouvé la réponse à un problème qui l’obsède. Le besoin est énorme, il y a urgence : il souhaite qu’elle soit opérationnelle dès l’hiver suivant. Après la réunion de création du 31 juillet, il est élu président de la nouvelle structure.
Création et développement
Il saura aller très vite. Il mobilise les énergies. Fin octobre, les premières promesses de dons arrivent et en novembre, un lieu est trouvé à Arcueil pour un entrepôt. La Banque alimentaire de Paris et de l’Île-de-France (BAPIF) est opérationnelle cinq mois après sa création sur le papier, c’est-à-dire le 4 décembre 1984. À fin février 1985, en douze semaines, la BAPIF a déjà reçu deux cent treize tonnes de denrées. La première grande collecte a lieu à Paris en décembre 1985.
Un premier entrepôt a été trouvé à Arcueil (il existe toujours, voir photo en tête d’article). Bernard Dandrel sent le besoin de s’en rapprocher géographiquement. Il rencontre France Cassegrain lors d’une retraite fin 1984. Elle est psychothérapeute et possède un logement à louer à Antony : il en devient le locataire, ce qui rend beaucoup plus facile l’accès à Arcueil.
Convictions chrétiennes
A propos de la fondation de la Banque Alimentaire. Il raconte cette histoire qui évoque la multiplication des pains dans les évangiles (par exemple, Mathieu 14, 14 à 21) :
« L’union des céréaliers me propose de fabriquer de mille cinq cents à deux mille pains chaque jour voire plus pour les distribuer dans nos différents lieux d’accueil à Paris. Huit jours après, le responsable de la société Vivagel m’appelle pour me proposer deux mille poissons surgelés… Recevoir du pain et des poissons comme premiers dons, comment ne pas y voir un signe ! »
Bernard Dandrel n’hésite pas à se « retirer du monde » périodiquement pour des retraites. Il y fait de riches rencontres (y compris pour trouver un logement, voir plus haut). C’est lors d’un pèlerinage à Jérusalem, qu’il rencontre Henri Catta, le fondateur de la communauté de Berdine. Sa communauté, créée en 1973, accueille des personnes en grande difficulté, des toxicomanes, des alcooliques, des gens qui sortent de prison. Quelques-uns d’entre eux seront les premiers chauffeurs et manutentionnaires de la Banque Alimentaire.
L’équipe se réunit pour les repas. Ceux-ci sont précédés d’un partage d’évangile : Bernard Dandrel est époustouflé par les apports des compagnons.
Pourtant, il n’est jamais envisagé que la Banque Alimentaire soit confessionnelle, comme l’est le Secours catholique ou Emmaüs. Ses fondateurs sont pour la plupart des associations confessionnelles, mais les confessions sont variées, et chacun respecte celles des autres (ou le fait de refuser d’en avoir une).
Premières collectes
Fin octobre, les premières promesses de dons arrivent et en novembre, un lieu est trouvé à Arcueil pour un entrepôt. La Banque alimentaire de Paris et de l’Île-de-France (BAPIF) est opérationnelle cinq mois après sa création sur le papier, c’est-à-dire le 4 décembre 1984. À fin février 1985, en douze semaines, la BAPIF a déjà reçu deux cent treize tonnes de denrées. La première grande collecte a lieu à Paris en décembre 1985.
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Les Banques alimentaires sont conçues sur un principe de partage : ceux qui possèdent sont appelés à donner des denrées qui iront à ceux qui en manquent.
Mais Bernard Dandrel veut aller plus loin que ce qui pourrait n’être qu’une opération purement mécanique où n’entrerait aucune relation humaine. Une préoccupation qui a déjà été la sienne au Secours Catholique de Paris :
« En effet, pour le contact avec les personnes en détresse, les permanents sont retranchés derrière des hygiaphones ! Déjà à Chartres, la question de l’accueil et de son humanité était très présente à mon esprit. Je souhaite donc bouleverser les usages de la Rue d’Aubigny. Les « guichets » traditionnels sont ainsi remplacés par des tables et des chaises. L’accueil se fait plus convivial, plus chaleureux : offrir un café pour créer un lien humain, voire le recréer là où il semble avoir disparu…
Au départ, les salariés et les bénévoles s’inquiètent de cette métamorphose, craignant de ne pas savoir faire face à des situations extrêmes. Un peu comme si nous peinions à admettre que parfois, l’agressivité des mots et des comportements de l’Autre n’est que l’expression du rejet et de la souffrance vécus au plus profond de son être. Mais, lorsqu’on prend le temps d’accueillir vraiment, d’offrir chaleureusement un café, d’écouter avec attention, une nouvelle dynamique se crée. »
Le président de la Fédération Français des Banques Alimentaires pense que c’est autour d’un repas partagé que la relation humaine peut le mieux se tisser. Donner la nourriture ne lui parait pas suffisant : c’est dans le repas partagé que se tisse le lien social, que se créent la convivialité et la communication. Une convivialité qui aidera les bénéficiaires à prendre confiance en eux.
S’il évoque des milliers de tonnes d’aliments récoltées puis distribuées, il voit au travers elles des milliers de personnes qui donnent ou qui reçoivent, comme le montre ces deux histoires personnelles :
« C’est sans compter sur la solidarité et la générosité des particuliers. Je pense en particulier à cette personne âgée qui apporte de Montrouge, par un froid glacial, une bouteille d’huile et un sac de riz…
Je pense ainsi à l’histoire de Claude, SDF, qui frappe à la porte de l’association Pierres Vivantes Services, à Bourg-en-Bresse dans l’Ain. Il est désespéré, mais il demande à se préparer un repas. Les bénévoles lui laissent la cuisine. Il en ressort quelques minutes plus tard, le visage illuminé. Il dit aux bénévoles : « Cela fait si longtemps que je n’avais pas cuisiné, moi qui suis fils de restaurateur… »
Bernard Dandrel veut mettre en œuvre sa philosophie du partage au travers des associations qui sont au contact des bénéficiaires. Lui s’occupe de procurer des denrées à ces associations. Il a décidé de se mettre à leur service.
Des compétences-clés
Tout chef d’entreprise le sait : il a besoin de professionnels dans tous les domaines, mais particulièrement dans ce qu’on appelle « le cœur de métier ». Ici, c’est la logistique dans le domaine alimentaire, avec ce que cela signifie de gestion des transports et des stocks, mais aussi de maitrise de l’hygiène et de la chaîne du froid.
Bernard Dandrel peut faire appel aux réseaux des associations fondatrices : les seuls Secours Catholique et Croix Rouge, comptent des dizaines de milliers de bénévoles, dont certains vont rejoindre la BAPIF.
Parmi les bénévoles, on trouve des retraités ou des actifs qui apportent leur expérience, parfois très pointue, comme celle de ces deux inspecteurs du service de la direction générale de la Consommation, de la Concurrence et de la Répression des fraudes qui viennent contrôler et vérifier la qualité des marchandises entreposées.
Un cadre a la charge de l’hygiène et de la sécurité alimentaire. S’il a un doute, on teste à la cantine et éventuellement au laboratoire. La BAPIF ne sera jamais confrontée à la moindre intoxication alimentaire !
Le Bazar de l’Hôtel-de-Ville délègue un cadre à la fonction de chef de l’entrepôt.
Jean Larousse et le respect des dates limites
Selon Bernard Dandrel, un homme va tenir un rôle clé dans le développement. Jean Larousse est l’homme qui a mis en place en France le système des dates limites de consommation. (6)
Jean Larousse est enthousiasmé par les Banques Alimentaires. Au point de s’y consacrer corps et âme. Il va sillonner la France pour former les bénévoles et les salariés des banques en création au système des dates limites et à la manière de s’organiser pour les respecter.
Raymond Haas et la communication institutionnelle
Autre grand professionnel, mais du côté des médias et de la communication, la Banque Alimentaire voit arriver Raymond Haas. Né en 1908 (il a 76 ans en 1984), c’est encore un homme actif. Il a été directeur du BVP, le Bureau de vérification de la publicité. (7)
Sa contribution est énorme. Il apporte avec lui non seulement son expérience et son dynamisme, mais aussi son carnet d’adresses.
Un environnement favorable
Dès sa création (et même avant !), la banque alimentaire bénéficie d’un environnement très favorable, qui bénéficiera à la BAPIF d’abord, à la Fédération Française des Banques Alimentaires ensuite. De la part des responsables politiques d’une part, de la presse et des médias d’autre part.
Cet accueil favorable est lié à la conscience partagée de l’urgence d’agir. Ce n’est pas un hasard si les Restos du Cœur naissent un an plus tard. Mais il y a aussi la crédibilité qu’obtient dès le départ la toute nouvelle banque alimentaire. D’une part grâce à la notoriété des associations fondatrices, de la Croix-Rouge au Secours catholique, d’Emmaüs à l’Armée du Salut. D’autre part grâce au professionnalisme dont fait preuve dès le départ la nouvelle organisation : on retrouve ici la question des compétences clés, y compris celles de l’équipe de direction.
Du côté des politiques, Jacques Chirac, alors maire de Paris, lance à l’occasion de la collecte de fin 1985, un appel au nom de l’Association des maires des grandes de ville de France (AMGVF), invitant les pouvoirs publics à agir face à la détresse des gens. Le jour de l’inauguration de la BAPIF, sont présents ou représentés plusieurs ministres importants, plusieurs préfets, et même le représentant de la France à l’ONU !
Par la suite, ce sont de très nombreuses villes qui imiteront Paris, en mettant leurs locaux à disposition pour la grande collecte annuelle, ou à travers leur CCAS, pour contribuer à la création d’une Banque Alimentaire locale.
Les médias ne sont pas de reste. On l’a vu, La Croix a déclenché la réflexion qui donne naissance à la BAPIF. Le reste de la presse prend le relais en mettant en avant le phénomène des « nouveaux pauvres », et en donnant la parole à des responsables d’associations sur ce qu’ils comptent faire.
Dans Le Figaro du 11 février 1985, la journaliste Béatrice Taupin explique que cent vingt tonnes de nourriture ont déjà été collectées. À RTL, radio de grande écoute, Anne-Marie Peysson, dans son émission « Les Auditeurs ont la parole », parle aussi régulièrement des Banques Alimentaires.
Contacté par Raymond Haas, l’agence Euro-RSCG dont Jacques Séguéla est le cofondateur propose donc de réaliser une campagne de communication pour la Banque Alimentaire. C’est Jacques Séguéla qui conçoit Les oiseaux sur la branche : certains sont dans leur nid en train de se nourrir, et un autre petit oiseau est à l’écart, au bout de la branche, exclu !
En juillet et août 1986, Euro-RSCG conçoit gratuitement une campagne d’affichage. Nous, obtenons des panneaux gratuits pour trois mille cinq cents affiches, dont une centaine dans le métro parisien. Les journaux nationaux et plus de cinquante périodiques reproduisent l’affiche sous forme d’annonces presse. Plus de six millions de personnes sont ainsi touchées.
Anticiper le développement
Mais le sentiment d’urgence tenaille toujours Bernard Dandrel. La création de la BAPIF a suscité des vocations ailleurs en France. Ceux qui souhaitent agir ont besoin de conseils, qu’on leur explique les objectifs, le fonctionnement. Le 15 décembre 1985, Bernard Dandrel cède sa place à la BAPIF à Michel Lefebvre pour prendre la présidence de la Fédération Française des Banques Alimentaires, dont les statuts ont été déposés le 23 septembre. Il va alors sillonner la France pour répondre à l’appel de tous ceux qui veulent suivre l’exemple francilien. En octobre 1985, il y a déjà dix Banques Alimentaires présentes ou représentées. Fin 1986, il y a 26 banques alimentaires opérationnelles, 38 en septembre 1987. Le 5 décembre 1987, la Collecte nationale recueille environ 476 tonnes de nourriture dans 2 900 points de collecte !
Mais c’est dans toute l’Europe qu’il y a urgence, que se manifestent des bonnes volontés, qui adressent des demandes aux précurseurs français. Le 23 septembre 1986, à Bruxelles, sont créées à la fois la Banque Alimentaire de Bruxelles-Brabant et la Fédération européenne des Banques Alimentaires. Bernard Dandrel est nommé président de cette dernière. Lorsque la FEBA tient son assemblée générale le 23 mai 1992, elle compte déjà soixante-quatorze Banques Alimentaires en Belgique, Espagne, France, Irlande, Italie et au Portugal…(5)
C’est tout naturellement qu’il installe le siège de la Fédération Européenne des Banques Alimentaires (FEBA) à Bourg-la-Reine. Il y restera jusqu’en 2018.
Après la chute du mur (fin 1989), ce sont les pays de l’Est qui sollicitent Bernard Dandrel. « A cette époque, je passais ma vie dans les trains et les avions », se souvient-il. En 1992, il se retrouve à Saint-Pétersbourg, dans une tentative de création qui avortera, faute de structures associatives sur place. Sur plusieurs photos des rencontres qui ont alors lieu, on peut voir celui qui est alors maire adjoint de la ville, un certain Vladimir Poutine.
Des principes clairs
Bernard Dandrel insiste à chaque occasion sur quelques principes qui fondent le fonctionnement des Banques Alimentaires. Des principes incontournables pour ceux qui veulent obtenir le label « banque alimentaire ». (8)
« L’éthique originelle – pas d’achats de produits alimentaires, gratuité de la distribution aux associations, pas de dons financiers – est, en quelque sorte, le patrimoine génétique des Banques Alimentaires. Elle a marqué de son empreinte l’origine, l’histoire, la finalité de chacune d’elles. D’où la constitution d’un savoir-faire reconnu aujourd’hui capitalisé dans les actions en faveur des populations en difficulté. »
Retraite
Il prend sa retraite en 1996 et termine ses mandats aux fédérations françaises et européennes en 2006 . Entretemps, il a épousé en 1996 France Cassegrain, sa propriétaire à Antony. Il a alors 75 ans et peut consacrer plus de temps à ses 13 petits-enfants (en comptant ceux de sa deuxième épouse qui en a 3).
La famille de sa nouvelle épouse a une activité de production de santons à Janville. Il y participe, de temps en temps selon un article de La Croix de 2009, à une époque où il a cessé toute activité à la Banque Alimentaire. Il devient veuf une deuxième fois en 2020 . Il habite toujours Antony.
Des actions révélatrices des qualités de Bernard Dandrel
Du parcours de Bernard Dandrel, on relève d’abord une pratique qui revient plusieurs fois : la formation. Que ce soit à l’armée, au Crédit Mutuel ou à la Banque Alimentaire, on le retrouve en position de formateur. On sent qu’il aime cela, et qu’il a de réelles qualités de pédagogue.
C’est aussi un homme qui a le sens des priorités. Au Crédit Mutuel, pour se transformer en formateur sur les chèques, au Secours Catholique pour changer les rapports avec les bénéficiaires, à la Banque Alimentaire pour aider ceux qui veulent se lancer, partout en France puis en Europe.
Ce sens des priorités participe certainement à sa capacité à s’entourer de compétences pointues. C’est bien parce que l’objectif et les moyens pour l’atteindre sont clairs que Jean Larousse, Raymond Haas et bien d’autres se lanceront eux aussi dans l’aventure.
Bien sûr pour diriger une équipe avec de telles personnalités, la rigueur et l’intelligence sont indispensables. Et comme il s’agit de bénévoles, le management ne peut se faire de manière autoritaire, mais en le basant sur la confiance.
Tout le monde connait le fondateur des Restos du Cœur (Coluche a mis sa notoriété au service de la nouvelle structure). Très peu de personnes ont entendu parler de Bernard Dandrel. Ce dernier n’a jamais cherché à se mettre en avant, sans doute cette humilité dont parle une de ses filles.
Notes
- : probablement au 38e Régiment d’instruction des transmissions (RIT), crée le 10 août 1956, lequel possède alors un bataillon d’instruction implanté à Saint-Brieuc dans le quartier Charner. https://www.defnat.com/e-RDN/affiche_breve.php?cid=383
- : il s’agit très probablement d’explosions dans trois lampadaires qui ont eu lieu le 4 juin 1957 et ont fait 8 morts et 92 blessés parmi les civils: https://imagesdefense.gouv.fr/fr/constatation-des-degats-apres-les-explosions-de-bombes-cachees-dans-des-lampadaires-du-3-juin-1957-a-alger-aux-arrets-d-autobus-et-de-tramways.html
- : en 1965 ou 1966
- : livre mémoire des banques alimentaires page 9
- : idem page 10
- : Il a d’ailleurs laissé un livre très technique sur le sujet
- : En 1958, il a publié un livre La Publicité : Théorie, technique et pratique, et en 1984 encore « Pratique de la publicité »
- : page 33 du livre mémoire. L’un de ces principes a été abandonné en 2020 : il est maintenant possible de faire un don financier aux Banques Alimentaires. Par ailleurs, dans le cadre d’une volonté de « mieux manger », des achats alimentaires très ciblés sont effectués de manière à assurer une alimentation équilibrée.