Appuyez sur “Entrée” pour passer au contenu

Le mauvais coup : de la taxe ou du lapin ?

Gabriel Attal, lors de son discours de politique générale à l’Assemblée nationale, a exprimé le souhait de faire payer les rendez-vous non honorés chez le médecin. « Quand on a un rendez-vous chez le médecin et qu’on ne vient pas sans prévenir, on paye », a-t-il dit. Évidemment cette déclaration a suscité soutiens et oppositions. Petite récapitulation.

La déclaration reprend de fait un texte voté au Sénat en novembre 2023, mais la mesure n’a pas été reprise par le projet de loi de finances de la Sécurité sociale pour 2024. Dans l’esprit des sénateurs, la taxe avait deux objectifs : responsabiliser les patients et redonner du temps utile aux professionnels de santé.

Depuis longtemps, la France est aux prises avec une crise de l’accès aux soins, qui se manifeste par le manque des médecins, les retards pour obtenir une consultation, les fortes inégalités entre les régions.

Le lapin est le mauvais coup

Les partisans de la taxe lapin exposent plusieurs raisons. La pénalité pécuniaire pour les patients qui manquent à leurs rendez-vous médicaux sans avertir permettrait de combattre le fléau des rendez-vous non honorés. Si l‘on suit un document du Sénat, citant l’Académie de médecine et le Conseil national de l’ordre, entre 6% et 10% des patients ne présentent pas. Ce sont des millions de rendez-vous manqués.

Ces lapins (extraits du célèbre « poser un lapin ») sont une véritable calamité pour les médecins, qui perdent du temps, de l’argent et de l’ardeur. Ils sont aussi une source de mécontentement pour les patients qui attendent parfois des mois pour obtenir une consultation. En faisant payer les patients qui ne respectent pas leurs engagements, la taxe lapin aurait un effet dissuasif et incitatif. Elle pousserait à annuler ou à reporter les rendez-vous en cas d’empêchement. Ainsi, la taxe lapin libérerait des créneaux disponibles pour d’autres patients, et améliorerait l’accès aux soins.

Ensuite, les partisans de la taxe lapin considèrent que cette taxe serait juste et équitable. Ils rappellent que le temps médical est précieux, et qu’il doit être respecté par tous. Ils soulignent que la taxe lapin ne s’appliquerait qu’aux patients qui ne préviennent pas de leur absence, et non à ceux qui annulent ou reportent leurs rendez-vous.

Le coup de la taxe

Les adversaires de la taxe lapin avancent d’autres raisons. D’abord, ils doutent de son efficacité, parce que, selon eux, les causes profondes du phénomène sont souvent liées à des facteurs sociaux, économiques ou psychologiques. Ils citent par exemple les patients qui ont des difficultés à se déplacer, à joindre leur médecin, ou à gérer leur agenda. Ils évoquent aussi les patients qui oublient des rendez-vous pris très longtemps à l’avance du fait de l’engorgement du système de soins. Mais, de fait, le sous-entendu est clair. Il est exprimé par Nathalie Raulin dans Libération. Cette taxe est « une idée en vogue du côté de la droite parlementaire », « une revendication récurrente des médecins libéraux ». Circulons, y a rien à voir.

Ensuite, on entend que le coût du lapin serait disproportionné par rapport au préjudice subi par le médecin. Ou encore que les modalités pratiques de la taxe, comme son montant, son mode de recouvrement ou son affectation sont bien problématiques. La taxe serait-elle appliquée de manière uniforme et transparente ? Comment les patients seraient-ils informés de leurs droits et de leurs devoirs ? Comment les litiges seraient-ils résolus ? La taxe ne pourra-t-elle créer des tensions entre les médecins et les patients, nuisant ainsi à la relation de confiance et de respect qui doit prévaloir entre eux ?

Des milliers de médecins

Effectivement, qu’en sera-t-il de la mise en œuvre ? Il faudra définir un montant, un mode de recouvrement et une répartition entre l’Assurance-maladie et le médecin. On peut imaginer un rôle nouveau joué par les plateformes, telle Doctolib. On sait que leur valeur ajoutée repose justement sur la diminution des rendez-vous non honorés. Les messages de rappel l’avant-veille et la veille, la facilité à annuler ou déplacer un rendez-vous sont autant de facilités pour réattribuer les créneaux perdus. Pensons à ces millions de rendez-vous manqués alors qu’ils sont si difficiles à obtenir !

  1. Jean-Claude Herrenschmidt Jean-Claude Herrenschmidt 17 février 2024

    Gabriel Attal n’a, semble-t-il, pas attendu très longtemps pour exercer son habileté à faire diversion. Le problème du système de santé en France, semble relever plus du manque de ressources médicales que d’un comportement inadéquat de ceux qui cherchent à se faire soigner.
    Une fois de plus, pour les citoyens, c’est la triple peine : pas assez de ressources de soins, une taxation de ceux qui semblent être à la racine d’un mal qui ruine une profession, une victimisation de ceux qui n’en peuvent mais.
    J’ai du mal à suivre.

    • Gérard Bardier Gérard Bardier 18 février 2024

      Bien sûr, le mal vient d’un manque de médecins. Un manque qu’on ne réglera pas rapidement eu égard au temps de formation nécessaire. D’ici là, vouloir utiliser au mieux les ressources médicales disponibles n’est pas forcément stupide.
      On peut cependant se demander pourquoi on rend impossible l’utilisation de personnel de santé (médecins, infirmiers, kiné et.) présents sur le territoire mais dont le diplôme n’a pas été décerné dans l’Union Européenne

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *