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Résistances racontées au Café Histoire

Qui ne connaît pas le Café Histoire qui tient ses illustres sessions au Patio, la plaque tournante des curieux des Blagis ? On s’y entretient savamment sur les sujets les plus variés. Il se tient tous les vendredis ou presque de 14h45 à 16h.

Pour le vendredi 8 novembre, Jean-Pierre Vivet avait préparé une présentation de résistants inconnus.

Pour ouvrir la rencontre et interrompre le brouhaha de la nombreuse assistance, Geneviève Papin, dans un élan professoral, lance un quiz : « Le 8 novembre est une date anniversaire. Mais de quoi ? » On n’entend pas les mouches voler à cause du bruit du percolateur qui, dans l’autre salle, souffle sa vapeur. « Alors, c’est quoi ? » Quelqu’un a trouvé. L’opération Torch, nom de code du débarquement allié en Afrique du Nord est lancée le 8 novembre 1942. Geneviève Papin ajoute une nouvelle question sur le 9 novembre 1924. C’est de plus sinistre mémoire, la tentative de putsch de Hitler à Munich.

Madeleine Riffaud

En fait de résistants inconnus, Jean-Pierre Vivet commence par un personnage dont le décès très récent, à l’âge de 100 ans, a fait l’objet de très nombreux articles dans la presse et même une déclaration de l’Élysée.

Madeleine Riffaud n’est pas une inconnue, sa vie est suffisamment éloquente. Elle naît en 1923 dans une famille originaire de Haute-Vienne, près d’Oradour-sur-Glane. Son père, blessé en 1916, participe aux mutineries de 1917. Madeleine est tuberculeuse et fréquente, adolescente, le sanatorium de Saint-Hilaire dans l’Isère, dirigé par le professeur Daniel Douady. Jean-Pierre Vivet ouvre une parenthèse et évoque un des fils du professeur, Adrien Douady, un brillant mathématicien décédé en 2006, qu’il a connu à l’ENS. L’auteur de ces lignes en profite pour glisser un souvenir ému de son cours de calcul intégral, de sa barbe de bucheron et de ses chemises de trappeur.

À 18 ans, après le sanatorium, Madeleine Riffaud, entre dans la Résistance. Elle intègre le groupe des étudiants en médecine au printemps 1944. Le 23 juillet, elle abat un officier allemand sur le pont de Solférino. Elle prend la fuite en vélo, est rattrapée par la milice qui la livre à la Gestapo. Torturée puis envoyée en déportation le 15 août 1944, elle parvient à sauter du train. Elle est arrêtée à nouveau, puis échangée. Elle rentre à nouveau dans la Résistance. Le 23 août 1944, le jour de ses 20 ans, elle a pour mission d’intercepter un train allemand à Paris. Avec le groupe Saint-Just, 80 soldats allemands sont faits prisonniers et leurs armes sont récupérées. Elle participe à la libération de Paris.

Démobilisée le 30 août, poursuit Jean-Pierre Vivet, elle n’est pas intégrée à l’armée. Elle est mineure et tuberculeuse. Mais elle défile sur un tank le 11 novembre 1944 sur les Champs-Élysées où sont présents Churchill et de Gaulle.

Elle connaît une longue période de dépression, accentuée peut-être par le mort de ses camarades de la compagnie Saint-Just au passage du Rhin en 1945. Paul Eluard et sa femme l’aideront énormément « ils lui ont sauvé la vie ». Touché par sa détresse physique et morale, connaissant son talent d’écriture Eluard la présente à Aragon, grâce auquel elle commence une brillante carrière de journaliste.

Abbé Louis Charpentier.

Jean Pierre Vivet l’a connu enfant. L’abbé exerçait à Chantilly où se trouvait le siège de la Luftwaffe. Il naît en 1882, fut infirmier brancardier pendant la guerre de 14-18. En 1938, il est curé doyen de Chantilly qui connaît deux exodes pendant la guerre. En mai 1940, et le 9 juin vers le Morbihan où devait se trouver le « réduit breton ».

Pendant l’Occupation, Louis Charpentier lit la messe dans des caves et, en 1943, pour les réfractaires au STO. Le 23 juillet 1943, il demande en chaire de refuser la collaboration et dénonce le néopaganisme nazi.

Le 23 janvier 1944, les Allemands investissent Chantilly et Louis Charpentier, considéré comme un meneur, est interné à Compiègne. Il est déporté à Mauthausen où il travaille dans la carrière de granit, dite carrière de la mort qui se situait à 1 km du camp. Il s’effondre après 5 mois d’enfer d’une congestion pulmonaire. « Son décès est enregistré le 7 août 1944, sous le matricule 59725. Le 15 mai 1945, une messe de Requiem sera dite à Chantilly. »

Prince Joachim Murat 1920-1944

Septième prince, descendant direct du roi de Naples, Joachim Murat fut élevé dans la dignité de son aïeul qui s’écria, en 1815, devant les soldats chargés de le fusiller : « Soldats ! Faites votre devoir ! Droit au cœur, mais épargnez le visage. Feu ! »

Le courage est dans l’imaginaire familial. Joachim Murat naît en 1920 à Neuilly-sur-Seine. Son père est un député bonapartiste. Oui, avant-guerre, il existait encore des partis bonapartistes ! Le sien s’appelait l’Appel au peuple. À Verdun, il avait obtenu la croix de guerre.

En 1940, le jeune Murat refuse l’armistice et l’arrivée au pouvoir du maréchal Pétain. Il rejoint la zone libre et le réseau de Jean Costa de Beauregard, un Saint-cyrien. Voilà pour Jean-Pierre Vivet un bon exemple de ces officiers de carrière qui combattirent dans la Résistance.

« En 1943, Murat et Costa de Beauregard rejoignent le prince Louis-Napoléon, engagé dans la Résistance sous le nom de Louis Blanchard. » Ils combattent dans un maquis de l’Indre. En juillet 1944, ils sont encerclés par les SS de la division Das Reich et les miliciens. Le 20 juillet 1944, le long d’une route forestière, il tombe sous les balles d’une patrouille.

Père Jacques de Jésus

Louis Lucien Bunel naît à Barentin en 1900 et est ordonné prêtre en 1925. En devenant carme, il devient le père Jacques de Jésus. Sa vie a inspiré Au revoir les enfants, un film de Louis Malle. Il dirige le collège d’Avon, près de Fontainebleau. À la déclaration de guerre, le 1er septembre 1939, il est mobilisé à l’Est. Il est fait prisonnier le 18 juin 1940 à Lunéville, puis libéré en novembre 1940.

Le bruit dans le café étant ce qu’il fut, les paroles de Jean-Pierre Vivet devinrent inaudibles. La main secourable de Wikipedia comble le manque. « Tout en reprenant ses activités au collège d’Avon, il s’engage très vite dans la Résistance et participe à un groupe clandestin lié au réseau de résistance Vélite-Thermopyles. Il offre la protection du collège à des réfractaires au STO. Il permet à Lucien Weil, professeur de sciences naturelles interdit d’enseignement au lycée de Fontainebleau, parce qu’il est juif, de donner quelques cours au Petit Collège. Le père Jacques accueille également trois enfants juifs… »  Son activité dans la Résistance est dénoncée et il est arrêté le 15 janvier 1944 en même temps que trois enfants qu’il cachait. Au moment de son arrestation, il prononce la parole qui inspirera le titre au film : « Au revoir, les enfants, continuez sans moi. »

Il est tout d’abord interné à la prison de Fontainebleau puis au camp de Royallieu, près de Compiègne en France. Déporté à Mauthausen puis vers Gusen, il meurt après la libération du camp le 2 juin 1945.Celui qui a été déclaré Juste parmi les nations et dont la mémoire est honorée chaque année par la communauté juive de Fontainebleau repose à Avon.

Des vivants

On sent que Jean-Pierre Vivet pourrait tenir des heures et des heures à raconter ces vies qui ont rejoint la Résistance. Et des lieux de mémoire sont entretenus en maints endroits. À Châtenay-Malabry, dans la vallée aux loups, au fort de Vincennes (il se souvient des rumeurs à la Libération sur les crimes qui y étaient commis), le polygone de tir sur la base 117 à Balard, la cascade de Boulogne et bien sûr le mont Valérien.

Mais heureusement la Résistance, ce furent aussi des milliers d’hommes et de femmes qui survécurent aux années noires. Jean-Pierre Vivet, en honorant les morts, rendait hommage au sacrifice pour le bien commun. Une autre fois peut-être parlera-t-il de ces vies qui ont continué après le combat et qui ont contribué à la reconstruction du pays. Son talent oratoire en servirait la cause.


Au programme du Café histoire

Rendez-vous à 14h45 au Café-Restaurant Le Patio à Sceaux-Les Blagis 5, rue du Dr Roux (Séance jusqu’à 16 h)

  • Vendredi 15 novembre 2024 : Géopolitique de l’Ouzbékistan dans une Asie centrale très convoitée par Maryse VERFAILLIE
  • Vendredi 22 novembre : Les Philippines par Michel LABROUSSE
  • Vendredi 29 novembre : Le Danemark par Jean-Michel SICRE
  • Vendredi 6 décembre : Du nouveau sur le Moyen-Âge en Occident par Françoise BEAUFILS
  • Vendredi 13 décembre : Le métier de projectionniste de films par Nicole RALAISON
  • Vendredi 20 décembre : Contes de Noël-Noël en Catalogne par Hélène LOUP et Chantal PASCUAL
  • Relâche du Café Histoire-Géo les 27 décembre 2024 et 3 janvier 2025
  • Vendredi 10 janvier 2025 : Déjeuner de Noël, ou des Rois…
  • Vendredi 17 janvier 2025 : Alexandra David-Néel par Jacques VAGNER

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