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Pourquoi et jusqu’où isoler ?

Pour comprendre les questions qui se posent dans la rénovation thermique, le plus simple est de prendre un cas imaginaire. Les valeurs utilisées ci-dessous sont totalement arbitraires et ne servent qu’à illustrer les questions posées.

Donc, Mr Martin a racheté une grange en très bon état et a décidé de la transformer en logement. Il dispose d’un cabinet conseil capable de lui fournir les simulations les plus précises sur les solutions à envisager. Ce cabinet lui a donc expliquer qu’avec une toiture essentiellement composée de poutres et de tuiles, le chauffage risquait de coûter cher. Le cabinet a donc chiffré ce coût : il l’évaluait à 1000 € par an, rien que pour les pertes par le toit.

La mise en place d’une couche de laine de verre sous le toit, pour un coût de 1000 € permettrait de diviser par deux la dépense (qui passerait donc à 500 € par an) et serait donc remboursée en deux ans. Mais le conseil explique qu’une couche supplémentaire permettrait encore de diviser la dépense de chauffage par deux, et ainsi de suite. Il a même produit le tableau suivant :

  Le coût de la pose de chaque couche étant constant, on ne sera pas étonné de constater que, si la pose de la première couche est une opération très rentable, la rentabilité des couches suivantes se réduit, jusqu’au moment où l’opération n’est plus rentable. Pour déterminer ce moment, le bureau d’études lui propose de considérer une durée de 20 ans pour son logement. La question devient donc de trouver la valeur n qui permet de minimiser le total « coût de la pose de n couches de laine de verre + 20 ans de dépenses de chauffage ». Sur l’exemple ci-dessus, l’idéal est de poser 4 couches

Maintenant que le principe est posé, voyons ce qui se passe si le prix unitaire du chauffage change (la source d’énergie est plus ou moins chère).

1er cas : énergie 5 fois moins chère. Le tableau est transformé ainsi :

Dans ce cas, il suffit d’une seule couche d’isolation

2ème cas : énergie 10 fois plus chère. Le tableau devient :

Dans ce cas, l’optimum est avec 7 couches. Notons un point important : même en augmentant fortement le prix de l’énergie, il arrive un moment où la pose d’une nouvelle couche n’est pas rentable. Il faut aussi noter un risque de biais, non pris en compte ici : les travaux d’isolation consomment eux aussi de l’énergie. Si on augmente très fortement le prix de l’énergie, cela affecte aussi les coûts d’isolation !

Un peu d’histoire

Jusqu’en 1973 le prix de l’énergie la plus utilisée pour le chauffage (le fuel) est bas. On se retrouve à peu près dans la situation du tableau avec énergie très peu chère : isoler un peu ou pas du tout est à peu près équivalent. La conséquence est connue : les constructions d’avant cette date sont généralement peu isolées, voire pas du tout.

Les choses changent avec le quadruplement du prix du pétrole décidé en 1973 par l’OPEP. Il devient rentable d’isoler, au moins raisonnablement. Mais le pays a aussi un problème d’équilibre de sa balance commerciale et d’indépendance vis-à-vis de l’OPEP : il a donc intérêt à aller plus loin que ce que la seule logique de prix donne. Il pourrait le faire avec ce qu’on nomme aujourd’hui la taxe carbone, mais il préfère une mesure moins sensible politiquement (ce qui lui évite les gilets jaunes !) : il crée une norme d’isolation pour les nouvelles constructions. Cette norme sera renforcée après le deuxième choc pétrolier de 1979.

Puis les prix du pétrole cessent d’augmenter : ils vont même baisser en 1986 avec le contre choc pétrolier et rester très bas jusqu’en 1998. Les normes ne sont pas remises en cause, mais on ne les renforce pas non plus.

Les prix repartent ensuite à la hausse et atteignent un niveau très élevé. Par ailleurs, le réchauffement climatique devient un sujet d’inquiétude partagé. Il montre que le prix du pétrole ne prend pas en compte les conséquences néfastes de son utilisation (on parle d’externalités négatives). Encore une fois, une taxe carbone pourrait être un moyen de prendre en compte ces externalités négatives, de faire la vérité des prix. Mais en France, on préfère les normes au marché et on durcit deux fois les obligations pour le neuf. Comme il est difficile de faire de même pour l’ancien (encore qu’on y vienne), on choisit de passer par des subventions pour les travaux, ce qui est une manière comme une autre de faire évoluer l’optimum d’isolation.

La rénovation

Une étude de l’association HQE montre qu’avec les normes actuelles pour le neuf, 60 % des émissions de gaz à effet de serre du cycle de vie des bâtiments sont fait au moment des phases de production/extraction des matériaux, construction et destruction finale et 40 % en utilisation sur 50 ans. On comprend à travers ces chiffres qu’on est déjà allé très loin dans l’effort d’isolation et qu’il ne serait probablement pas judicieux d’aller encore plus loin (on émettrait plus de GES supplémentaires dans la construction qu’on en éviterait dans l’utilisation).

Intuitivement, dans le cas de la rénovation, l’optimum est à moins d’isolation que dans le neuf. D’une part parce que par définition le nombre d’années d’utilisation devrait être plus faible. D’autre part, parce que c’est plus compliqué (et donc plus cher à résultat équivalent) d’isoler de l’existant que de le faire au moment de la construction.  Par exemple, choisir de mettre des doubles vitrages à la construction représente un surcoût par rapport à un simple vitrage (environ 160 € au m2, pose non comprise, contre 80 €). S’il faut remplacer un simple vitrage par un double vitrage sur un logement ancien, il faut supporter complètement le prix du double vitrage, plus la dépose et l’évacuation de l’ancienne fenêtre !

Comme on l’a déjà vu, l’objectif de gagner deux niveaux de classe énergétique est ambitieux. Et il l’est probablement encore plus pour les bâtiments déjà en C.

A titre d’exemple, un rapport de 2020 sur l’isolation des bâtiments scolaires indique qu’un investissement de l’ordre de 300 € par m² permettrait d’atteindre une réduction des consommations énergétiques de l’ordre de 40 %

Et le réchauffement climatique dans tout çà ?

On notera que cet article est résolument tourné vers l’économie domestique et globale et semble laisser de ce fait entière la question environnementale relative au réchauffement de la planète qui constitue un autre volet important de la question énergétique. En économie, on considérera que ce réchauffement représente un coût non pris en compte dans les décisions prises par les acteurs de l’économie (on parle d’externalités). Pour que ce coût soit pris en compte dans les décisions, on peut recourir à la réglementation, aux subventions ou aux taxes (taxe carbone). Les trois solutions ont des avantages et des inconvénients qui vont différer selon les situations, ce qui peut conduire à faire des choix variés selon ces situations.

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