Au début de la pandémie, certains (au Royaume Uni ou en Suède notamment) ont évoqué la solution de laisser faire et d’attendre que l’épidémie s’éteigne toute seule par immunité collective. Si l’hypothèse a très vite été écartée par tous les pays, certains continuent à la préconiser sur les réseaux sociaux ou, variante, à affirmer qu’elle a été atteinte à l’occasion de la première phase. Il se trouvera certainement d’autres personnes pour expliquer ainsi la baisse toute récente des cas.
Le taux de reproduction R
R représente le nombre de personnes contaminées en moyenne par un porteur du virus. C’est une moyenne, qui dépend du type de relations sociales de chacun et sans doute de caractéristiques du porteur (on parle ainsi de super contaminateurs).
Au début de l’épidémie, les personnes que rencontre un porteur du virus n’ont pas été contaminées (on dit qu’elles sont naïves). Le nombre de personnes contaminées en moyenne à ce moment-là est appelé R0.
Imaginons que R0 soit égale à 3 et que le cycle de contamination dure une semaine. Si on est dans une population très nombreuse et que tout le monde est dans la moyenne de contamination, le nombre de contaminés va être de 3 en semaine 1, de 9 en semaine 2, de 27 en semaine 3, de 81 en semaine 4, de 243 en semaine 5, de 59049 en semaine 10. Il va dépasser les 14 millions en semaine 15. C’est exponentiel.
Le mécanisme d’immunité collective
Mais les personnes qui ont été contaminées ne peuvent généralement plus l’être (elles ne sont plus naïves face au virus). Si un porteur ne rencontre que des personnes qui ont déjà été contaminées, il ne contamine personne. En conséquence, chaque porteur contamine de moins en moins de personnes au fur et à mesure que la part de personnes naïves dans la population diminue. En pratique, si x est la part de la population déjà contaminée, le taux de reproduction moyen devient :
Quand R devient < à 1, l’épidémie continue à se propager, mais au lieu de grossir comme c’est le cas quand R est > 1, elle s’affaiblit au contraire et finit progressivement par disparaitre. On dit qu’on a atteint un niveau d’immunité collective.
La part x nécessaire pour avoir l’immunité collective se calcule : x = 1 – 1/R0
Dans le cas du Covid, avec un R0 de 3, on a x = O,67. Si R0 = 4, x = 0,75. Comme R0 est probablement entre 3 et 4, il est d’usage d’utiliser x = 0,7.
La France a-t-elle atteint l’immunité collective ?
Pour une population française de 67 millions d’habitants, l’immunité collective sera atteinte quand 47 millions d’habitants auront été contaminés. C’est très loin d’être le cas. En mai, une étude réalisée par l’Institut Pasteur a évalué (par sérologie) le taux de personnes ayant développé des anticorps à 4,9 % des français. Ce taux aura probablement doublé d’ici la fin de l’année, peut-être même un peu plus. Il était plutôt de l’ordre de 10 % en Ile de France, donc on pourrait être autour de 15 %, peut-être20 %, à la fin de l’année dans notre région.
Plusieurs personnes ont malgré tout avancé l’idée que la France avait atteint l’immunité collective. Parmi elles Laurent Toubiana qui affirme, sans aucune preuve sérieuse, que c’est cette immunité collective qui a permis le recul de l’épidémie en avril et non le confinement. Il en avait déduit qu’il n’y aurait pas de deuxième vague. Les familles des 8266 morts entre le 1er et le 16 novembre n’ont probablement pas le même avis.
Plus sérieusement, le Professeur Yonathan Freund a supposé en mai juin, à partir de certaines observations, qu’une partie de la population serait naturellement immunisée. A partir de là, il a pronostiqué qu’il n’y aurait pas de deuxième vague, au moins dans les régions les plus touchées par la première vague (Grand Est et IDF). En septembre, il a déclaré qu’il s’était trompé (ce qui est tout à son honneur).
Il y a des raisons de se demander en effet si certains ne seraient pas immunisés naturellement. On voit par exemple des sujets porteurs qui ne contaminent pas les membres de leur famille avec qui ils vivent au quotidien. Cela illustre le fait qu’on a encore beaucoup à apprendre de cette maladie. Mais il y avait au moins deux raisons de ne pas croire les prévisions du professeur Freund.
La première est l’observation de situations hors de notre pays. A New York, la mortalité par million d’habitants a été quatre fois plus forte qu’en France, deux fois plus forte qu’en IDF. Et c’est un confinement très strict qui a permis de stopper l’épidémie. Depuis, on a pu mesurer dans les bidonvilles de Bombay, par tests sérologiques, que plus de la moitié de la population avait été atteinte (avec un nombre limité de morts du fait d’un âge moyen très faible).
La deuxième est le raisonnement sur R. L’idée avancée était qu’une partie de la population, par exemple 50 %, étant naturellement immunisée, il suffisait de 10 ou 15 % de personnes atteintes pour obtenir les 60/70 % nécessaire à l’immunité collective. Pourtant si on a 50 % de personnes immunisées au départ, le R0 a été mesuré avec cette situation et le véritable R0 avec une population complétement naïve serait le double de celui mesuré. Dans ce cas, le taux de personnes immunisées à atteindre n’est plus 60/70% mais 85/90 %…
Vaccin et immunité collective
Sans vaccin, on risque de connaitre des phases aigues qui nous amèneront progressivement à l’immunité collective (à la dixième ou la vingtième ?). Un vaccin peut nous permettre d’y échapper.
Des personnes vaccinées s’ajoutent aux personnes ayant déjà été contaminées pour limiter la propagation du virus. Un seuil de 70 % d’immunité collective peut s’’obtenir avec 10 % d’anciens contaminés et 60 % de vaccinés. Si le vaccin n’est efficace qu’à 90 % (comme annoncé pour l’instant pour le vaccin Pfizer), le taux de vaccination doit être un peu plus élevé (66% dans le cas précédent), mais un taux de 100 % n’est pas indispensable. Cependant, plus le pourcentage de vaccinés est élevé, plus la maladie disparait vite. On peut même imaginer un taux de vaccination suffisamment élevé dans le monde entier (par exemple au moins 90 %) pour que le virus disparaisse. Rappelons que c’est ce qui s’est passé pour la variole.
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