Jeudi dernier, la salle Daniel Mayer était pleine. Ce n’était pas un hasard. Elle est située à la Maison des Entrepreneurs, avenue Lombart, dans le quartier de la gare de RER où incivilités et vols connaissent une recrudescence importante. Il fallait en parler. La municipalité organisait un débat à la fois pour écouter et rappeler ses actions.
Petit aperçu d’un échange respectueux, inquiet, animé par la curiosité de comprendre et, pour les élus, de rendre compte de leurs actions.
Un constat sans équivoque
Le maire, Laurent Vastel, était largement entouré d’élus avec Sophie Lécuyer, Zahira Kefifa, Etienne Berthier, Véronique Radaoarisoa, Mohamed Houcini, Gabriela Reigada et, pour la police municipale Djamel Doghmane. La police nationale, quant à elle, était représentée par le commissaire Quentin Heddebaut et son adjoint Philippe Pauchet du commissariat de Châtenay Malabry, lequel couvre également Sceaux et Fontenay-aux-Roses.
La rencontre rassemble une bonne soixantaine de personnes… au moment où d’ordinaire on dîne.
Pour le commissaire, les délinquants sont souvent des MNA (mineurs non accompagnés). Venus de la banlieue nord de Paris par le dernier RER, ils repartent par le premier après avoir écumé le quartier. 4 MNA ont été interpellés depuis le début de l’année.
Ce ne sont pas des professionnels, au sens où ils ne disposent pas d’outils sophistiqués. Ils recherchent des opportunités simples qui peuvent être signalées par une échelle non rangée, une porte laissée entrouverte. Le butin est en général des bijoux et du liquide.
La lutte contre la délinquance de la police nationale utilise deux moyens principaux. Le premier est le flagrant délit. L’appel du 17 est déterminant. Si une équipe est à proximité, elle peut arriver rapidement, arrêter les délinquants et restituer les objets volés. Mais c’est un cas idéal.
Le deuxième moyen, c’est l’analyse des relevés et des empreintes digitales ou de l’ADN. On peut alors retrouver des délinquants, s’ils sont connus dans les fichiers. « Mais attention, il ne faut pas attendre. Trop tard, les empreintes ont disparu. »
Dans les deux cas, l’appel au 17 est essentiel. La corrélation entre le nombre d’appels et le nombre d’interpellations est claire. Il s’autorise à insister : « N’hésitez pas à appeler le 17 le plus rapidement possible. Si nous n’avons pas de véhicules disponibles au commissariat, nous avons des recours dans tout le district. » Il reprendra le mot pendant toute la rencontre.
Les inquiétudes
Ce sera un feu roulant de questions. Besoin de témoigner, besoin de demander, besoin de dire. Y a-t-il des contrôles dans le premier RER ? Oui, répond le policier… quand on a un signalement. La tenue de la personne par exemple.
Que se passe-t-il pour les délinquants attrapés ? Ça dépend des juges, de l’âge, et du nombre de récidives. Laurent Vastel complète le propos d’une triste réalité : les mineurs ressortent dans les 48 heures. Il cite une période ou 2 garçons et 2 filles de 16/17 ans ont été interpellés 34 fois.
Comment réagir quand on est face à face avec un cambrioleur ? Pour le commissaire, il n’y a pas photo : se mettre en sécurité et … appelez le 17. Ne pas se mettre en danger car l’agresseur peut être sous l’emprise de stupéfiants.
J’ai apporté au commissariat des images de ma caméra de surveillance. On m’a dit qu’on n’y pouvait rien. Pourquoi ? La réponse relève de l’évidence : si on ne connaît pas la personne, on ne peut rien faire. Surtout si on nous apporte le signalement tard. Il est impossible de la retrouver.
Eh oui, quoi faire ?
Beaucoup d’autres questions. Par exemple, quelles recommandations faites-vous pour les jardins ? Dissimuler les outils, ne pas laisser traîner une échelle qui permet d’escalader des murets.
Dix locataires ont été cambriolés en août dans une résidence qui demande un pass. Ce qui veut dire que les cambrioleurs ont eu le badge. Comment sécuriser ces situations ? Grand brouhaha. Tout le monde commente. Difficile d’entendre. Apparemment bien des présents ont été concernés. La réponse laisse sur sa faim et le commissaire n’y est pas pour grand-chose : la police n’a pas en général le droit d’intervenir sur les parties communes. En effet, c’est au syndic de solliciter.
L’exception confirme la règle. L’atmosphère est au dialogue. Il fallait un mouvement d’agressivité. On peut néanmoins le comprendre. « J’ai eu un cambriolage. Ma femme était menacée par un sécateur. J’étais à l’étranger. Quinze jours plus tard, rebelote, j’étais à nouveau cambriolé. C’est fort Alamo chez moi. J’ai eu 10 vandalismes sur mes véhicules. Monsieur le maire, vous n’avez pas répondu à mes courriers. Ce soir, vous faites de la com ! Je suis venu seulement pour remercier la police. A chaque fois que je l’ai appelée, elle est intervenue rapidement. » Puis, il s’en va. Silence.
Les actions de la municipalité
Break. Sophie Lécuyer, l’élue en charge de la sécurité, reprend la main. Quelques statistiques. En 2022, 218.000 cambriolages de maisons principales en France, pour 30 millions de résidences en France ce qui fait environ 7 pour 1000. Alors que 2021 à 2022, le taux est passé de 11 à 15 pour mille à Sceaux, deux fois plus qu’à FAR. Forte hausse des cambriolages de véhicules et des vols d’accessoires automobiles.
En revanche, les vols avec violence sans arme sont en baisse depuis quelques années.
Les alarmes dans les maisons diminuent de 30% les risques, tandis que la présence de quelqu’un de 55%. Est évoquée aussi comme facteur de protection, la présence d’un chien ou d’une porte d’entrée blindée.
La police municipale dispose de 10 personnes dont 8 agents armés et équipés de caméra-piéton. Des équipages dans 2 véhicules tournent de 7h à 23h30 du lundi au samedi. Elle a des missions de prévention (ce qu’on appelait autrefois la police de proximité), de contrôle de la circulation et du stationnement. Le repérage du trafic de stupéfiants est une contribution essentielle à la sécurité.
Jusqu’où aller ?
Les questions continuent. Le Plessis Robinson, une ville de 30.000 habitants, a un effectif double pour sa police municipale et une brigade cynophile possédant 3 chiens. A comparer avec Fontenay qui compte 28.000 habitants et n’a pas de chien. Si la police municipale était doublée, quelle serait l’amélioration ?
Elan spontané d’une dame. « On ne va pas faire de notre ville une ville policière ! »
Pour Laurent Vastel qui est de fait interpelé : « Nous n’avons pas de statistiques, mais on sait ce que ça nous coûterait. On ne peut pas augmenter les impôts locaux indéfiniment. » Tout le monde voudrait plus de police municipale et plus de caméras. Mais il faut savoir que les dépenses en augmenteraient considérablement.
L’augmentation de l’effectif n’est pourtant pas écartée. Sophie Lécuyer confie des problèmes de recrutement. Toutes les villes recrutent pour leur police municipale et trouver des compétences est difficile. Laurent Vastel confirme : « Le recrutement est une opération longue. Il faut prendre de multiples précautions. Cela prend environ 18 mois. »
Changement d’axe. Dans quel cas faut-il appeler la police nationale et dans quel cas appeler la police municipale ? Pour le commissaire, c’est simple : dans tous les cas, le bon réflexe, c’est d’appeler le 17. Si c’est non urgent, l’appel sera rebasculé vers la police municipale.
Cette priorité n’exclut pas les complémentarités dans les deux polices. La police nationale dispose de plus de moyens et la police municipale est dans la proximité. Si cette dernière n’a pas de rôle de répression, elle repère mieux une délinquance qui s’installe dans la ville. A écouter les intervenants, pas de raison que la conjonction ne fonctionne pas.
Les caméras
Impossible de parler sécurité sans parler de caméras. Elles sont devenues des instruments essentiels. « Il y a aujourd’hui, explique le maire, 100 caméras opérationnelles reliées par la fibre optique. 20 sont installées dans les quartiers gare et Blagis. Il y a également un centre de sécurité urbaine pour la supervision des images. » C’est un coût élevé pour la ville : 1 million d’euros. En effet.
D’où vient ce nombre de 100 ? La densité de caméras a été conçue sur les conseils de professionnels en particulier ceux de la police nationale. On est dans les normes qui nous ont été proposées.
Y a-t-il plus d’incidents hors les caméras ? Les caméras permettent de qualifier les actes délinquants a posteriori, explique le maire. Leur simple présence a aussi un effet dissuasif.
Les particuliers ont des systèmes de protection privés. Ne peut-on imaginer de les remplacer par des dispositifs municipaux ? La chose, pour simple qu’elle paraisse, est bien plus compliquée. On n’installe pas une caméra comme on veut, explique le responsable de la police municipale : « Il faut l’accord de la préfecture. » D’autre part, les caméras publiques n’ont pas le droit d’observer des espaces privés. Enfin, il faudrait demander des contributions différentes aux habitants selon le niveau de prestation. Légalement, une commune ne peut pas faire ça.
Parmi les autres questions soulevées par les caméras : Comptez-vous ajouter des caméras dans des endroits sensibles ? Oui, dit Laurent Vastel, à l’angle des rues Jean-Noël Pelnard et François Moreau. Information prise, l’endroit est pavillonnaire et en bordure de la Coulée verte. Une cible.
Réseaux de voisins
Se prendre en charge. Les Voisins vigilants, est-ce que ça marche ? Pour le commissaire, oui, ça fait remonter de l’information ; ça sensibilise les gens. Pour Laurent Vastel, ça peut aussi amplifier le sentiment d’insécurité. Et cela peut être le point d’entrée pour le démarchage commercial. Sur le même principe d’entraide entre voisins, il cite les boucles WhatsApp comme une alternative.
Depuis la salle, Léa-Iris Poggi, élue fontenaysienne d’opposition, insiste sur une distinction. Participation citoyenne est un dispositif public associant élus, police, et population. Voisins vigilants « est développé par une entreprise qui, à ses yeux, joue de la confusion avec le dispositif étatique pour porter sa propre activité. »
Les alarmes et l’affichage de leur existence sont des plus. Certains dans la salle évoquent pourtant les déclenchements intempestifs qui peuvent décrédibiliser leur efficacité. Par ailleurs, témoigne quelqu’un dans la salle, des services comme Verisure sont d’un intérêt très relatif. L’abonnement est 50€ par mois, « mais le temps d’intervention est souvent supérieur à celui de la police. ». Et attention aux animaux, commente-t-on dans la salle, qui peuvent facilement déclencher de fausses alarmes.
Et bien d’autres questions, bien d’autres témoignages. Nulle agressivité à rebours du l’esprit du temps. Inquiétude en demande. Dans l’assistance, une volonté de comprendre. Pour la municipalité, dire qu’elle est présente et qu’à défaut de pouvoir tout, elle s’engage au mieux.