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Soleil couchant sur le conseil municipal

Dans la rubrique Tribunes du Sceaux Mag de novembre, la majorité municipale exprime sa satisfaction devant l’unanimité qui a accompagné les votes lors du conseil du 8 octobre. Je l’ai effectivement observée, du moins pour la partie des délibérations que j’ai pu suivre. J’y ai perçu non pas le consentement sans saveur d’oppositions éteintes, mais à l’inverse le partage spontané de projets qui s’imposaient à tous. Un article de la Gazette évoquait récemment une sorte de théâtre conduit par une majorité qui ne peut craindre un contredit. Il est vrai que le mode de scrutin attribue aux vainqueurs de définir la politique qu’ils souhaitent. Cet instrument de cohérence peut suggérer que les jeux sont faits par avance. Peut-être. Mais ce qu’apportent ces débats publics (relayés ensuite dans les comptes-rendus), c’est un point essentiel en démocratie : la transparence et l’explication des décisions. Cela pourra paraître dérisoire, mais cela ne l’est pas.

En changeant de perspective, en se reculant virtuellement pour le dessiner à gros traits, le conseil municipal apparaît sous un autre jour :  le regard sur le dévouement des élus, l’ombre volontaire sur les dissensions politiques (elles sont parfaitement rapportées en d’autres lieux). Ces traits, on pourra les considérer apologétiques ou naïfs, sans doute, ou réducteurs, mais c’est le propre du croquis. On ne voit pas les détails, on perd les différences entre les groupes et les personnes. Mais une esquisse peut suffire à représenter une atmosphère.

La grande salle de la mairie était ce soir-là tout occupée de tables espacées par respect des mesures barrières. Un bon mètre sépare les conseillers municipaux, en avant, sur le côté, en arrière. Les tables forment un escargot anguleux d’un enroulement rectangulaire. Un éclairage assez doux descend de neuf larges carrés de lumière qui donnent une impression de fin de journée paisible et procurent des sentiments empathiques. Ces femmes et ces hommes, rassemblés un soir de semaine, après leur temps de travail, ont-ils même dîné avant ? A quoi pensent-ils ?

Ambiance

Il est 19h30 quand la séance commence avec un solennel appel des présents. L’enchaînement lent des noms et des « Présent ! » rappelle tout à la fois l’école et un protocole officiel soucieux de l’authenticité de la séance.

C’est un ordonnancement semblable que suivent les exposés. Une présentation détaillée du sujet par l’adjoint au maire qui en a la charge, suivie des interventions des élus des listes. Ce sera ainsi Florence Presson présentant le Conseil Consultatif des Transitions (CCT), ses objectifs, son recrutement, la volonté de coécriture avec des citoyens volontaires. Son exposé est suivi de prises de paroles et de questions d’élus d’opposition. Quatre sont sur la gauche en regardant le maire, de Sceaux Ensemble ; deux sur la droite, de Sceaux en Commun. Aucun sous-entendu politique dans l’emplacement, rien ne ressemble à l’Assemblée nationale. C’est de leurs rangs que, sans surprise, viendra l’effort à commenter les projets.

Chantal Braut présente la nouvelle édition du budget participatif, décline les principes d’évaluation par la municipalité de projets « citoyens » ; explique l’axe mis sur l’amélioration de l’environnement, rappelle les projets récompensés l’année précédente : la plantation d’arbres fruitiers et la végétalisation de la cour d’école aux Blagis. Le ton des conseillers d’opposition est à la réflexion collective, à la contribution positive : comment mieux impliquer les habitants dans les projets, hauteur et pourcentage de la contribution financière, risque de multiplication des projets,… Le maire résume, reprend les interventions sans en oublier aucune, doute d’une mobilisation massive des Scéens, non qu’il ne la souhaite pas, dit-il, mais par observation. On vote.

C’est Patrice Pattée qui traite de la participation de la commune à l’achat d’équipements pour vélo, la situe au sein de l’historique des actions déjà menées, défend l’idée que les propositions d’aide aux familles doivent se distinguer de celle de la Région qui cofinance déjà l’achat de vélo, qu’il n’y a pas lieu de la doubler l’initiative, décline les avantages qu’on peut attendre d’accessoires : faciliter le transport d’enfants ou les courses, protéger contre la pluie ou contre le vol. A nouveau, les élus d’opposition commentent, proposent, réfléchissent. Puis, lancé par Christiane Gautier, le débat se déplace vers la sécurisation des pistes cyclables, avec des voiries spécialisées, des signalisations plus denses. On en revient au sujet initial, la subvention. Le maire résume, synthétise. Ceux qui lui sont hostiles y verront le signe d’une tendance au pouvoir personnel et ceux qui le soutiennent, l’autorité indispensable à la bonne conduite des affaires. C’est la vie. En attendant une autre.

Dans le calme du soir

Il est 22h environ. Un sms fait vibrer mon téléphone. Ma famille se rappelle à moi. On n’en est qu’au début de l’ordre du jour affiché. J’apprendrai le lendemain qu’il a duré jusqu’à deux heures du matin. Quelle endurance ! Six heures et demie en réunion ! A ceux qui en appellent à la démocratie participative, qu’ils réfléchissent aux qualités physiques nécessaires. Et c’est imparable : le nombre de points à traiter multiplié par le nombre de personnes qui souhaitent prendre la parole, ça fait beaucoup d’heures.

Jusqu’au moment de partir, quelle horreur ! pas d’agressivité, pas d’insulte ni d’éclat. Un esprit fort dira qu’il s’est ennuyé, que tout était plan-plan, qu’il aurait mieux valu qu’ça saigne.[1] On pourra aussi goûter la différence par rapport à la télévision qui régale ad libitum les amateurs d’engueulades, des paroles coupées, recoupées, et dix de der à condition de s’écrier : « Ce que vous venez de dire est absolument inacceptable ! Vos propos sont totalement scandaleux ! » Rien de tout ça. Ce qui ne préjuge pas d’éventuelles inimitiés, de sourdes détestations, de profondes divergences ; mais alors les visages sous les masques n’en laissaient rien deviner.

Dehors, les lumières de la mairie passent au travers des larges verrières, la nuit est devenue silencieuse : une impression de complexité des questions citoyennes, mais la sensation que c’est mieux comme ça. On a compris au travers des délibérations tout ce que les promesses faciles, qu’on entend à longueur d’antenne, dissimulent des ajustements nécessaires, tout ce qu’elles ont de démagogie. Il n’ y en eut pas, chacun semblant convaincu que le bien commun de vingt mille habitants demande des compromis et le sens des priorités. Rue Houdan, le miroitement rassurant des réverbères fait savourer les mérites de la pondération.


[1] Lien vers les paroles complètes de la chanson de Boris Vian : « Les joyeux bouchers »

  1. verel verel 5 novembre 2020

    L’unanimité observée ce soir là peut avoir de nombreuses explications différentes :
    •Les sujets abordés ce soir-là étaient consensuels
    •La majorité a su élaborer des compromis pour prendre en compte les points de vue différents des siens
    •Les projets élaborées par la majorité sont tellement bien construits que l’opposition ne peut y trouver à redire
    •Les opposants ont préféré une attitude constructive conduisant à définir leur position au cas par cas
    •…

    Chacun pourra évaluer ce qui lui parait l’explication la plus juste !

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