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La tête de l’emploi

Un article publié le 10 juin 2020 dans l’Usine digitale évoque une étude du cabinet McKinsey au sujet du télétravail. Le titre est même plus définitif : « Pour McKinsey, le travail de bureau ne sera plus jamais comme avant ». Difficile de savoir si c’est la revue ou le cabinet lui-même qui donne à la prédiction le caractère très certain que notifie l’expression « plus jamais comme avant ». Toujours est-il que le télétravail qui a largement marqué la période de confinement est vu comme un usage qui va « perdurer au travers d’un modèle hybride entre travail à distance et en présentiel. »

On comprend bien la dualité. Les avantages du télétravail sont tangibles et en même temps personne ne souhaite être coupé du collectif qu’est l’entreprise. D’un côté, on a la demande de flexibilité dans les trajets, de souplesse dans les horaires de présence ; pour ceux, du moins, dont la fonction est compatible avec la distance, ce qui exclut évidemment nombre d’emplois, comme ceux du commerce ou de l’artisanat. De l’autre côté, on a la crainte de s’isoler, de rater des opportunités que d’autres connaîtront du seul fait de leur présence ; chacun mesure que la proximité physique reste encore le meilleur moyen de communiquer. Et c’est heureux.

L’article cité mentionne à bon droit les révisions dans l’organisation du travail que le télétravail imposera (s’il se développe effectivement) aux entreprises. Il parle de « de revoir complètement leur façon de gérer leur capital humain ». Et plus loin, il ajoute que : « Pour y répondre, organisations comme collaborateurs devront repenser le concept de carrière, voir le contrat social qui les unit ».

C’est peut-être vite dit. Le contrat social, ce sont des décennies de négociation. La carrière, ce sont des millions de carrières, des intérêts particuliers qui se défendent seul ou en groupe. Repenser prendra du temps. Mais tant que ça reste du penser ou du repenser, il n’y a pas lieu de s’inquiéter inconsidérément.

La notoriété mondiale du cabinet McKinsey donne à ses analyses un crédit réel et mérité. Il est au conseil stratégique en entreprise ce que la Vache qui rit est au piquenique : l’indispensable, le reconnu, la valeur sûre, l’incontournable à moins d’une faute de goût. Parce que c’est une expérience accumulée pendant des lustres (aux quatre coins de la planète, bien qu’elle soit une sphère) qui en a formé la pâte et la texture. Et ce n’est pas rien.

Sans attendre la réalisation des augures dudit cabinet, mais en s’en inspirant pourtant, une ville comme la nôtre a sans doute des opportunités à creuser. Si le télétravail se répand, les besoins en accueil s’étendront aussi. Le télétravail ne doit pas renvoyer exclusivement au domicile. D’abord parce que les conditions n’y sont pas forcément les meilleures ; ensuite parce que nombreux sont les partisans d’une coupure entre lieu de vie familiale et lieu de travail ; enfin parce que l’intérêt premier du télétravail (hors les périodes de confinement) est de réduire la pénibilité liée aux transports, de faciliter la vie familiale, et rester chez soi n’est qu’un moyen. L’association dans les esprits entre le domicile et le télétravail est corrélée au fait que les lieux d’accueil (les tiers-lieux, selon l’expression consacrée) sont en petit nombre et qu’il faut améliorer la reconnaissance de leur valeur ajoutée auprès des entreprises.

On peut modestement imaginer pour les années qui viennent une compétition entre villes autour des tiers-lieux. Celle qui offrira les meilleurs services, qui connaîtra le mieux la structure d’emploi de sa population, qui comprendra au mieux les besoins des entreprises et saura les convaincre.

Comment Sceaux peut-elle se préparer à ce défi, quand sa force et sa singularité sont surtout issues de son commerce ? Quand son excellence repose sur des activités par nature « présentielles ». Comment s’inscrire dans une diversification qui nous oblige à partir de beaucoup plus loin que les communes qui ont déjà un tissu solide d’entreprises acquises au télétravail ? Nous avons un art de vivre et c’est un atout. Mais le rendre crédible comme lieu d’emploi, c’est une autre paire de manches. Aux courageux de les retrousser.

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