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Poursuivre l’aide à l’Ukraine ou le Rotary au quotidien

Il y a des idées reçues dont on se souvient le jour où on comprend qu’elles étaient fausses. Ou, pour le moins, pas vraiment exactes. Dans mon esprit les hommes du Rotary jouent au golf, dégustent un brandy hors d’âge en fumant un cigare cubain dans les fauteuils profonds d’un club londonien. Les dames font des parties de bridge autour d’un thé au jasmin dans le vaste salon d’un pavillon avec un perron à colonnades. Catherine Fenet, agrégée de Sciences économiques et sociales, professeure en classe préparatoire, a créé Objectif SUP, association destinée à aider « les lycéens à s’orienter sur Parcoursup et à réussir dans les filières sélectives de l’enseignement supérieur ». « Rotarienne » depuis quelques années, elle propose et défend une image du Rotary, moderne et engagée dans des actions de solidarité concrètes. Elle revient récemment d’Ukraine où son organisation est très présente depuis le début de la guerre en finançant un certain nombre de projets humanitaires pour la population ukrainienne. Elle raconte son engagement et ça n’a rien à voir avec l’image désuète du Rotary….

Rotary

Catherine en connaît la réputation collet monté et la réfute à l’aide d’un petit historique. Le Rotary est fondé en 1905 à Chicago par Paul Harris et quelques patrons décidés à assainir l’hygiène publique en finançant des toilettes publiques. La ville n’agissait pas. Ils financèrent. On le voit, ces premiers Rotariens n’hésitaient pas à mettre les mains dans le … « cambouis ». Depuis, le Rotary a étendu son périmètre, avec semble-t-il, un de ses thèmes récurrents : la santé publique avec l’éradication de la poliomyélite. En 30 ans, plus de 2,5 milliards d’enfants ont été vaccinés dans 122 pays. Il ne reste plus qu’une dizaine de cas en Afghanistan et au Pakistan. Le Rotary est actuellement très engagé dans des actions d’accès à l’eau potable pour les populations africaines en finançant des forages de puits pour faciliter l’accès à l’eau salubre dans les régions en stress hydrique.

Des actions exclusivement conçues comme humanitaires, dit Catherine Fenet qui précise : « Au Rotary, on ne parle ni de politique ni de religion, la devise c’est Servir d’abord. » Pour elle, pas de contradiction avec le soutien à la population ukrainienne que le Rotary fournit depuis le début de l’invasion russe, en produits alimentaires et matériel médical. Car les engagements ne visent qu’à soutenir les populations civiles touchées par la guerre. Pas de financement d’armes, mais achats de matériels médicaux, organisations d’aide aux réfugiés. Un projet d’une unité de soins mobile sur la ligne de front avec des matériels de première nécessité est en cours.

Ukraine

C’est avec une délégation du Rotary et du Comité France-Ukraine que Catherine Fenet a effectué un voyage du 7 au 14 mai. Elle a été touchée par la ferveur le 9 mai lors de la fête de l’Europe : « Dans tout l’Ouest ukrainien, là où les bombes russes ne menacent pas, il y avait partout des cérémonies dans les mairies pour fêter le 9 mai, jour de l’Europe. » Une ferveur bien loin de se manifester dans nos pays occidentaux.

La date du 9 mai en Ukraine a un sens particulier. Du temps de l’URSS, toutes les républiques soviétiques fêtaient la défaite de l’Allemagne nazie le 9 mai. Si elle continue bien sûr à commémorer la défaite, l’Ukraine a rejoint les célébrations de la Paix et l’unité en Europe. Le choix manifeste une claire volonté d’indépendance vis-à-vis des pratiques de l’ex-URSS et surtout celle d’intégrer le monde libre.

Voyage

On n’arrive pas simplement en Ukraine. Les aéroports sont fermés. Atterrissage à Varsovie. La délégation est attendue par un médecin ukrainien qui a organisé le voyage avec une méticulosité aussi américaine que l’organisation. Il les attend et les emmène en voiture jusqu’à la frontière avec l’Ukraine. C’est environ 5 heures de route. Puis, c’est l’épreuve de la frontière. Des kilomètres de camions attendent. Les fouilles sont systématiques. La lutte contre le trafic et la corruption. Ils ont un laissez-passer du maire de la ville de Novovolynsk où ils se rendent. Ils n’attendent que deux heures !

Novovolynsk est à une demi-heure de route. La ville de 60.000 habitants est industrielle. On y extrayait du charbon. Une entreprise allemande, Ottoblock, s’est installée à Lviv pour fabriquer des prothèses. Il faut dire que s’y trouve un des trois grands hôpitaux d’ouest de l’Ukraine pour les blessés de guerre. La visite de la ville n’est pas un hasard. Le Rotary International participe à la fourniture de matériels médicaux et de prothèses, dont le besoin est hélas! grandissant.

La délégation rejoint Kyïv à plus de 500km. Elle visite un centre de réfugiés. Sur un des murs, une grande carte est affichée avec les trajets parcourus par les réfugiés fuyant les zones de combats ou les zones occupées. Il y a aussi des enfants orphelins qui avaient été kidnappés par les Russes et « dont la libération a été négociée à des conditions qu’on ne connaîtra peut-être jamais. »

« Dans les rues de Kyïv, poursuit Catherine Fenet, la vie semble normale. Les transports fonctionnent, les gens travaillent, les restaurants sont ouverts et les églises bien remplies. Les soldats en permission sont accueillis partout. Et choyés par la population. »

Désir d’Europe

Un souvenir émouvant d’une soirée passée chez Oleg Skripka, chanteur très populaire en Ukraine, qui n’hésite pas à aller sur le front pour donner des concerts devant les soldats. La « rock star » funk, pop a « cartonné » depuis les années 90. Il chantait déjà en ukrainien et non en russe. À son actif 20 albums et près de 300 chansons, des tournées mondiales, et la culture ukrainienne qu’il a mise en avant. « Et en plus, il parle très bien français ! »

Un autre souvenir, émouvant pour une enseignante : l’accueil par la directrice d’une cité scolaire à Novovolynsk. Quatre lycéennes ont fait une présentation « Pourquoi l’Europe » en quatre langues : Français, Italien, Allemand, Anglais. « Le système scolaire est performant, très couplé avec la volonté de développement économique. L’Ukraine compte de bons mathématiciens, de très bons informaticiens et elle se développe dans le tertiaire. Elle n’est plus seulement » le grenier à blé ». La lutte contre la corruption est réelle, même s’il reste du chemin à parcourir. »

D’une manière générale, on parle anglais facilement en Ukraine. Ce qui, en particulier, permet de s’affranchir fièrement « du mépris des Russes. » Et les jeunes gens rencontrés montrent beaucoup de curiosité pour l’Europe. Les questions fusent. Une illusion mise en scène pour faire plaisir à la délégation ? Pour Catherine Fenet, l’enthousiasme des jeunes n’était pas de circonstance. Leur seul avenir est dans la Démocratie telle que nous la connaissons. Les résultats du scrutin du 9 juin auront une énorme importance pour eux.

« Apprend-on ainsi l’Europe dans nos établissements de France ? » se demande-t-elle avec une pointe de regret devant la trop fréquente indifférence pour une cause qui nourrit tant d’espoirs chez les lycéens d’un pays sous le feu ennemi.

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