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Patrice Pattée, des paysages et des hommes …

On peut être scéen et porter la Bretagne dans une part de soi-même jusqu’à la raconter… la dire comme on dirait une émotion intime.

Patrice Pattée, adjoint au maire de Sceaux en charge de l’urbanisme et des mobilités, passionné de photo, séjourne fréquemment à Carantec dans « une maison ouverte au vent et au soleil ». Le plaisir qu’il prend à y être, la variété des situations qui se présentent à lui se traduisent par des photos. Elles ont fait l’objet d’une exposition récente dans les locaux de Sceaux Smart, le tiers lieu de la rue Gaston Levy. Il s’est fait le guide d’une visite pendant laquelle il n’a pas manqué de décrire avec une précision animée d’enthousiasme des lieux, des gens, des récits.

Il présente le décor. Carentec, en baie de Morlaix, dans le Finistère est connue pour ses vues panoramiques sur la mer, ses plages de sable fin. Des îlots longent la côte dont l’île Louet et le Château du Taureau, une forteresse du XVIe siècle interdisant l’accès de la baie aux flottes ennemies. Mais la commune n’est pas que pittoresque. « On y travaille, on y élève des huîtres et c’est même depuis un bon siècle une dimension forte de son économie. »

Quatre générations d’ostréiculteurs

Patrice Pattée est équipé d’une arme magique, un Leica. Il la met au service d’un monde qu’il aime. Celui des métiers et celui des soleils qui se couchent ou se lèvent devant sa maison quand il est à Carantec. Une part de l’exposition à Sceaux Smart portait sur des visages au travail. Non pour les complaindre, mais « pour les respecter et les sublimer, insiste-t-il ». Des photos d’où jaillissent des jaunes, ceux des cirés, des jaunes intenses, très beaux, trivialement des Cotten, ceux de la célébrissime marque, ceux qui éclairent les marins dans la nuit qui pourrait les perdre. Ils font armure quand la mer projette des embruns glaçants.

Le jaune est encore sur des tracteurs, ceux qui déchargent les huîtres acheminées au bord par chaland. Du coup, on a une proximité chromatique inattendue entre les hommes et les machines.

Qui sont les gens sur les photos ? « La famille Ven est arrivée à Carantec en 1920. Les paysans crève-la-faim avaient trouvé de quoi vivre dans l’exploitation du goémon avec lequel on fertilisait les sols agricoles. » Comment le sait-il ? Ils sont voisins, ils sont devenus amis, c’est rare mais ça arrive. Du coup, il semble connaître toute l’histoire de la famille et en parle comme un guide décrirait la destinée d’un peintre.

Christian, appelons-le puisque c’est ainsi qu’il nous est présenté, est de la 3e génération d’ostréiculteurs. Ses enfants Damien et Christelle le suivent et le suivront, ils en ont bien l’intention. Ils disent « Papa, t’es plus dans le coup », refaisant le titre de Sheila dans les années 60 que François Ozon reprend dans Huit femmes. A comprendre de façon affectueuse comme dans la chanson.

Des paysages et des hommes

Mais notre « guide » s’étend surtout sur le travail de l’ostréiculture. Et plus généralement, il parle du travail parce que selon lui, en un mot qui va au cœur, c’est là où sont nos talents, « où les gens excellent ». Ses photos réalisées sur les chantiers mettent à l’honneur tous ces travailleurs de l’ombre, les compagnons. (son site le dit très bien).

Les clichés sur les ostréiculteurs sont tirés sur du papier de bambou, ce matériau réputé pour sa résistance et sa durabilité. Il offre une excellente qualité d’impression, avec des couleurs vives et et révèlent la précision des clichés.

Le deuxième volet de l’expo étonne avec ses couleurs imbriquées, disséminées, fondues. « Voilà ce que je vois de ma fenêtre quand je suis là-bas, à Carantec. Quand le soleil joue avec l’eau le soir ou le matin, c’est un festival de lumière sublime ».

Modeste, il rapporte la qualité des clichés aux performances de son Leica. Sans le suivre tout à fait dans sa réduction à l’appareil, il faut reconnaître une richesse de couleurs et une clarté exceptionnelle. Les objectifs Leica sont réputés et on voit pourquoi. Grâce à des capteurs sophistiqués, les photos sont d’une netteté exceptionnelle même dans les faibles luminosités des crépuscules.

Les paysages sont imprimés sur un beau papier Canson au grain Montval qui donne des effets subtils de relief et des nuances entre ombre et lumière. Cela en fait un excellent choix pour le crayon, le pastel, le fusain, la sanguine ou l’aquarelle. La haute résolution des Leica permet d’agrandir les photos sans perte de qualité. Ainsi, les paysages se dévoilent et leurs couleurs chatoyantes retiennent la mer sous des ciels changeants, entre brume et soleil.

L’expo devant l’atelier

« J’ai fait le premier reportage sur les parcs à huîtres en juillet dernier. Ces parcs sont visités une fois par mois quand la mer se retire suffisamment pour découvrir les poches. » Ce reportage a fait l’objet d’une exposition dans la boutique-atelier de Christian. Damien, son fils, avait fabriqué des portants avec les fers à béton utilisés dans la mer pour poser les poches d’huître. La rencontre a visiblement été émouvante ; rencontre entre des travaux photographiques élaborés avec une méticulosité esthétique et un simple atelier désordonné comme il se doit.

Il y eut même un vernissage… et devant les machines ! « Le petit-fils de Jean-Loup Chrétien était parmi nous. C’est un voisin ». Décidément Carantec est l’endroit où il faut passer. D’autant qu’il est sur le GR 34, le fameux sentier des douaniers qui offre des paysages à couper le souffle.

Les établissements Ven ont une table où on peut s’arrêter et commander une petite douzaine d’huîtres avec, évidemment, le non moins petit blanc. La réputation de Carantec dit que ce sont des huîtres bien charnues, ferme en bouche, finement iodée. Miam. Le bonheur sur le chemin.

Ainsi toutes les photographies étaient commentées avec la chronique de leur création. Et le Finistère s’enroulait dans un imaginaire pénétré de l’âme de la mer et du chant des légendes et de la présence du labeur. A marée basse, les ostréiculteurs se rendent sur les parcs pour retourner les poches. Cela permet aux huîtres de bien grandir. A marée basse, c’est du sable où les lumières miroitent quand le soleil s’incline. C’est la mer et le ciel qui se confondent et leurs contours qui se répondent. Voilà ce qu’on peut retenir des paysages passés par le Leica de Patrice Pattée. À condition de se souvenir que ces paysages sont habités d’hommes et des femmes aux cirés jaunes.


Pour en savoir plus

Les travaux, les inspirations et la technique de Patrice Pattée sont exposés sur son site.

Un de ses paysages de mer:

Photo (C) Patrice Pattée

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