La technique sous différentes formes (efficacité énergétique, substitution, voire captation carbone) est un moyen efficace et durable de baisse des émissions de gaz à effet de serre. Mais c’est un moyen généralement coûteux et lent à mettre en place. La sobriété peut fortement et rapidement contribuer à la réduction des émissions. Surtout, elle est d’un coût nul ! Réduire sa consommation ne demande pas de grands travaux.
Un exemple récent
Fin 2022, RTE a incité les consommateurs à limiter leur consommation électrique. La chute des importations de gaz russe menaçait en effet l’équilibre du système de production européen. La hausse des prix incitait aussi les consommateurs à essayer de limiter leur facture. Il s’en est suivi des efforts de sobriété de la part des ménages, des entreprises comme des collectivités territoriales. La baisse de consommation a été suivie semaine par semaine par RTE. Elle est analysée dans le bilan pour 2023.
En 2023, la consommation d’électricité en France, corrigée des effets météorologiques et calendaires, a représenté 445,4 TWh, soit un recul de 3,2 % par rapport à l’année précédente, où la consommation avait déjà atteint un creux de 460,2 TWh du fait de la crise énergétique. En 2023, elle se situe 6,9 % en retrait par rapport à la consommation d’avant crise (moyenne 2014-2019).
La tendance baissière observée en 2022 et qui s’était intensifiée à partir de l’automne, au plus fort de la crise, s’est confirmée tout le long de l’année 2023. Celle-ci a concerné tous les secteurs (résidentiel, industriel, tertiaire). La réalisation d’une enquête en partenariat avec l’institut IPSOS a permis de montrer que cette diminution n’était pas uniquement le résultat de démarches de sobriété volontaires mais découle également d’une réaction de la population et des acteurs économiques vis-à-vis de la hausse de prix dans l’ensemble de l’économie.
Cette diminution prolongée de la consommation s’explique d’une part, par une mobilisation continue en faveur des économies d’énergie dans les administrations, les entreprises et de la part des ménages, avec le lancement d’un second plan gouvernemental en octobre 2023 .
Le recul de 3,2% ou 6,9% (selon la référence) sous-estime peut-être les efforts faits, notamment parce qu’ils ont commencé au 4e trimestre 2022 pour la première. Le suivi semaine par semaine a montré, pendant l’hiver, des reculs de l’ordre de 7 ou 8% à conditions météorologiques semblables.
Des efforts difficiles à estimer
On peut mesurer des investissements et leurs effets. Il est plus difficile de mesurer les efforts de sobriété des individus. Combien d’automobilistes roulent aujourd’hui à 110 km/h sur autoroute pour réduire leurs émissions ? Combien d’actifs ont décidé de troquer leur bagnole pour aller au travail à vélo ? Il ne fait guère de doute que le phénomène existe, mais qu’on n’en connait guère l’impact. Surtout, il reste probablement assez marginal. Le mouvement des gilets jaunes a montré qu’une partie importante de la population n’est pas prête à de tels efforts.
Sobriété, ou confort ?
Le choix du confort observé pour l’isolation a un impact nettement plus important que le choix de la maitrise de sa consommation électrique en 2023. Tout cela n’est guère encourageant.
Mais peut-être faut-il avant tout choisir la sobriété là où la technique n’offre pas de vraie solution. Le meilleur exemple à ce sujet est l’avion. Aujourd’hui, chaque kilomètre de vol par passager consomme environ trois fois moins de carburant qu’il y a quarante ans. Mais le nombre de voyages ayant augmenté encore plus vite, les émissions augmentent rapidement. Encore l’effet rebond. Airbus profite d’ailleurs d’un produit qui consomme 25% de moins que ceux de la génération précédente pour augmenter fortement ses ventes auprès des compagnies aériennes. Les carnets de commande d’Airbus débordent.
Il y a actuellement de nombreuses recherches pour faire voler les avions sans énergie fossile. Mais le résultat n’est pas garanti. Il est possible que seule la diminution drastique des voyages puisse ramener les émissions du secteur à un niveau acceptable.
Reste qu’on n’arrivera pas à l’objectif de zéro émission nette sans emmener l’ensemble de la population. Croire qu’il suffit de cibler les plus riches est à cet égard une illusion. Une étude de la Fondation Jean Jaurès a ainsi montré que les électeurs de gauche, a priori les plus ouverts à l’idée de sobriété, sont aussi ceux qui prennent le plus souvent l’avion.
Mais, ne tombons dans la morosité. La fin de cette série d’articles appelle une note de fantaisie. Pourquoi ne pas lire ou écouter Guy Béart ?
Cet article est le dernier de notre série. Les autres sont :
Décarboner plus vite : les perspectives dans l’industrie
Réduire de 30% les émissions de méthane d’ici 2030.
Isoler et décarboner les bâtiments
[…] Peut-on alors compter sur la sobriété, à rebours de ce qui a été observé jusque-là, avec l’effet rebond ? Question importante, y compris au-delà du seul cas des bâtiments. L’impact du levier « sobriété » fera l’objet d’un prochain article. […]
[…] Sobriété pour décarboner […]