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Des coupures cet hiver ?

Le risque de coupures de l’électricité est réel cet hiver. Le gouvernement a expliqué que si la production n’arrive pas à répondre à la demande, des coupures seront réalisées, jamais de plus de 2 heures sur un quartier donné. Des efforts collectifs de sobriété peuvent réduire notablement ce risque.

L’enjeu des pointes de demande

L’électricité ne se stocke pas, il faut en permanence ajuster la production à la demande, en arrêtant ou démarrant les moyens de production ou en les faisant varier.

Pour cela, il faut en particulier être capable de répondre aux moments où la demande est la plus haute, ce qu’on appelle la pointe.

En France, où le nucléaire est la principale source de production d’électricité, EDF organise depuis des décennies les travaux de maintenance et de recharge de combustible pour avoir le plus possible de réacteurs en marche aux périodes de plus fortes demandes (généralement janvier et février).

On peut faire de même avec les centrales au charbon ou les turbines à gaz. On fait même mieux avec une partie de l’hydraulique : les STEPS (Stations de Transferts d’Energie par Pompage) permettent de remonter l’eau en période de surproduction et de la redescendre quand le besoin est fort.

Il n’en est pas de même pour l’éolien, le solaire ou les centrales hydrauliques dites « au fil de l’eau » : ces moyens marchent en permanence (sauf rares pannes) mais avec une puissance qui varie en fonction de facteurs externes. On parle de moyens non pilotables au contraire des moyens pilotables que sont nucléaire, charbon, gaz, une partie de l’hydraulique.

Depuis de nombreuses années, en Europe, de nouveaux moyens de production non pilotables sont régulièrement mis en service, quand des moyens pilotables sont fermés. Cela permet de réduire l’utilisation d’énergies fossiles (sauf quand c’est le nucléaire qui est fermé), mais cela augmente le risque de ne pas pouvoir répondre aux pointes. D’autant plus que les périodes de pointe se produisent en hiver (moins de soleil), généralement pendant des épisodes anticycloniques (peu de vent).

Prenons l’exemple de l’éolien. La puissance installée est déjà très importante. En Allemagne, elle est fin 2022 de 64,9GW, soit plus que le parc nucléaire français (61,4GW). L’Espagne dispose de 28,9GW.

Le 6 décembre, alors qu’il y avait du brouillard en France (donc pas de soleil) et une température extérieure faible (quelques degrés), voilà les taux de fonctionnement de l’éolien dans quelques pays :

  • Portugal : 0,46% pour 5,39GW installés, soit 0,025GW
  • Belgique : 0,77% pour 5,04GW installés, soit 0,039GW
  • Espagne : 1,87% pour 28,9GW installés, soit 0,54GW
  • Allemagne : 4,96% pour 64,9GW installés, soit 3,22GW
  • Pays-Bas : 15,79% pour 7,84GW installés, soit 1,24GW

Soit, pour ces 5 pays, une production de 5,06GW, pour une puissance installée de 112,07GW. Soit environ 2% de la consommation totale de ce jour-là…

Pour compenser ces jours de très faible production éolienne, l’Allemagne a conservé des capacités fossiles : 37,9GW pour le charbon et 32,1GW pour le gaz. Mais le but affiché est de s’en séparer progressivement.

Des voix s’élèvent depuis longtemps pour souligner ce risque croissant. Personne n’imaginait cependant la situation rencontrée cet hiver.

Un hiver particulier

La situation se tend donc année après année, au fil des fermetures de moyens pilotables. Elle a soudain empiré, en raison des difficultés du nucléaire français et du gaz en Europe.

Le parc nucléaire français est confronté depuis quelques années aux travaux du Grand Carénage (voir cet article). L’ensemble des travaux de mise aux nouvelles normes et de contrôle décennal engendrent une fermeture d’au moins 6 mois pour chaque réacteur concerné (il y en a 6 tous les ans). C’est une opération très rentable, mais elle immobilise des réacteurs et occupe les entreprises capables de les réaliser.

Le confinement de 2020 a arrêté les travaux pendant 2 mois, décalant tout le planning visant à avoir une forte disponibilité l’hiver. EDF se débat depuis avec les conséquences de ce choc.

Un problème de corrosion a été trouvé sur une tuyauterie alimentant le réacteur en cas d’incident. L’ASN a demandé l’arrêt de tous les réacteurs de la même série, les plus puissants (et les plus récents). Après différentes études et essais, EDF a trouvé une solution satisfaisante, acceptée par l’ASN. Encore faut-il effectuer les travaux partout (alors que les entreprises compétentes sont déjà bien chargées) et redémarrer les réacteurs ensuite. C’est en cours…

Le résultat de toutes ces difficultés est que la production nucléaire est descendue en septembre à moins de 40% de la capacité installée. Elle remonte actuellement petit à petit : elle était à 60% le 6 décembre (il y a aussi eu deux semaines de grève chez EDF…). Il manque pour l’instant environ 18GW pour atteindre les 90% de capacité qu’il faut viser au cœur de l’hiver. RTE s’attend à une puissance disponible de l’ordre de 40GW en janvier (36,7GW début décembre).

Les stocks de gaz sont à peu près pleins dans toute l’Europe. Le beau temps en octobre a permis de les économiser. Mais les restrictions sur le gaz russe poussent les pays européens à l’économiser au maximum, la crainte se reportant sur l’hiver suivant. 

Des mesures pour éviter les coupures.

RTE a détaillé les mesures disponibles pour éviter les coupures. La première consiste à demander d’arrêter leur utilisation à des consommateurs précis (des industriels surtout), qui ont signé un contrat en ce sens. La deuxième consiste à alerter tous les consommateurs dans les moments de tension, pour qu’ils réduisent leur consommation. La troisième consiste à baisser légèrement la tension de service, ce qui a pour effet de baisser un peu certaines consommations.

Si tout cela ne suffit pas, des coupures locales seront effectuées. Il est prévu qu’elles ne durent que 2 heures (pour affecter ensuite un autre quartier).

Les appels multiples à la sobriété semblent avoir été entendus, au moins par une partie des consommateurs. RTE, qui suit de près la question, note pour la semaine du 27 novembre au 4 décembre une baisse de 8,3% de la consommation. En comparaison de la moyenne de celles de 2014 à 2019, corrigée des conditions météorologiques. La tendance baissière s’est même accentuée puisqu’elle est de 6,6% sur les quatre dernières semaines. Si les premières baisses proviennent d’entreprise qui ont fermé provisoirement sous l’effet des prix de l’énergie, ce sont maintenant tous les secteurs qui contribuent à la baisse, et en particulier le résidentiel. RTE indique cependant attendre que la tendance se confirme les semaines suivantes.

Conséquences des coupures

L’éventualité de coupures a déclenché les hauts cris, en particulier depuis que le ministre de l’Éducation nationale a précisé que les écoles pourraient être touchées. On a ainsi évoqué partout et longuement le cas des personnes sous respirateur artificiel, au point que les ARS sont chargées de les recenser. Réflexion à vrai dire étonnante : comme une coupure électrique, cela arrive, on imagine que les dispositifs de respirateur artificiel sont déjà prévus pour y faire face ! De la même manière que les hôpitaux sont l’objet d’attention particulière (avec souvent un groupe électrogène) depuis qu’ils utilisent l’électricité !

Le réseau électrique européen est interconnecté, ce qui permet l’importation ou l’exportation d’électricité. Certes, cette capacité est limitée par le nombre de lignes haute tension entre pays. Mais on ne sera pas étonné d’apprendre que les pays voisins se sont eux aussi organisés face au risque de coupures.

En conclusion, des coupures peuvent se produire. Ce ne sera qu’une gêne occasionnelle si elles sont préparées, d’où les alertes sur le sujet. Elles peuvent aussi ne pas avoir lieu. Tout effort pour réduire sa consommation, en particulier aux moments de forte tension sur le réseau, y contribuera. Des explications plus complètes ici.

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