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Quelques mots de l’expo

LGdS avait parlé, il y a quelque temps, de la très belle exposition de photographies du fond Albert Kahn. Rapportées du monde entier par des virtuoses du 8e art, elles montrent des vues étonnantes prises il y a cent ans. Comment les passants reçoivent-ils ces œuvres ? Je me suis transporté (à pied) sur les lieux pour en savoir plus.

C’est un très beau jour de mars, d’une chaleur inattendue. Les promeneurs prennent leur temps. Beaucoup passent devant les panneaux sans s’y arrêter, tout occupés à se diriger vers leur destination. Mais beaucoup aussi (les beaucoup s’ajoutent) les examinent, longuement parfois, ils semblent les dévorer des yeux.

Un Parisien me parle avec enthousiasme de ces « daguerréotypes magnifiques ! ». Il est venu exprès à Sceaux et il est ravi de ne pas avoir besoin d’aller à la fondation à Boulogne. Il joint le plaisir du parc à celui de l’expo. « Avec ces photos, on voit qu’on a changé d’époque. » Il parle de la boutique égyptienne. « C’est l’époque de nos arrières grands parents. Des aventuriers allaient à des endroits où personne n’allait. Ce n’est plus le cas maintenant avec le tourisme de masse. » Façon de reconnaître l’audace des opérateurs d’Albert Kahn qui allaient dans les endroits les plus perdus.  

Plusieurs tentatives d’interviews sans succès. On ne souhaite pas me répondre. La mention seule du mot Gazette suscite méfiance. Parler à quelque chose qu’on ne connaît pas, pas top, pensent-ils.

Un couple de Clamart a déjà vu plusieurs expositions Albert Kahn, sur des thèmes différents. Ils se souviennent de celle sur l’architecture. Ils parlent de Paris 1910-1937. Promenades dans les collections Albert-Kahn. Remarque en passant : l’exposition doit se tenir jusqu’au 5 juillet 2021, mais elle est pour l’instant fermée, à cause de la covid. Ils sont contents. « On ne connaissait pas celle-ci. On adore. On aime beaucoup voyager. C’est comme si : on voit le monde entier. En plus, on voyage dans le temps. »

Une habitante de Chatenay : « J’aime bien. J’ai déjà vu d’autres expositions Albert Kahn. » Je finis par penser que tous ceux qui sont là, ne le sont pas par hasard. Ils voulaient voir les photos.

Confirmation. Deux Parisiens, venus de la Bastille. Dont un fou d’Albert Kahn. C’est ce qu’il dit. Il a regardé les photos sur le site avant de venir. « Il y a une expo actuellement au musée d’architecture, mais il est fermé à cause de la Covid. » C’est celle dont je parlais plus haut, à Boulogne. « L’expo va être prolongée, dit le fan. Je l’ai déjà vue deux fois ; dès que possible, il y aura une troisième fois. » On partage des impressions. « Les photos d’Albert Kahn, ce ne sont pas des photos de mode. » Je comprends que, pour lui, la mode c’est élitiste. Je comprends aussi qu’il s’émerveille devant le travail nécessaire « pour trier, pour choisir, celles qu’on va agrandir pour une exposition. Cela prend des années ! Vous rendez-vous compte il y en a 72 000 en réserve ! »

L’autre Parisien, lui, a lu avant de venir des choses sur Léon Busy, un des opérateurs, polytechnicien, qui a surtout photographié le Vietnam du début du 20e siècle (voir la prêtresse des 3 mondes au Tonkin). « Ce qui est extraordinaire avec la mission Albert Kahn, c’est qu’elle a enregistré bien des choses aujourd’hui disparues. Par exemple un village irlandais avec les costumes de l’époque. »

J’interroge le premier sur le temps de pause qui devait être horriblement long. Comment les gens ont-ils pu rester fixes si longtemps ? « Vous voyez où sont prises les photos, dit-il l’air assuré. En extérieur. Il y a de la lumière. Le temps de pause devait être entre 10 et 20 secondes. » On a envie de le croire. Il like grave. Tout l’intéresse chez Kahn, même la technique. « Souvent les personnages se soutiennent à quelque chose. C’est pour ne pas bouger. Regardez celle-là, dit-il en montrant la rue des bijoutiers, prise en Chine en 1912. Si vous regardez bien la famille, les parents sont bien nets ; ils n’ont pas bougé, l’aîné a un peu bougé et il y a un léger flou ; la cadette a nettement bougé. » Quel œil ! Ça fait plaisir.

Une dame longe lentement le parcours. Elle est du Plessis. Elle a été fascinée par une photo du Japon (illustrant cet article), le torii marin de l’Itsukushima-jinja au crépuscule. C’est un sanctuaire shinto de l’île d’Itsuku. Il est comme posé sur l’eau, comme échappant à la pesanteur de ses pierres. Elle trouve aussi magnifiques, les yeux bleus du compagnon de l’émir Fayçal, qui pose en Jordanie dans un désert que l’on devine en arrière-plan. Elle le trouve aussi beau que Peter O’Toole, le comédien magnifique du film de Davide Lean, Lawrence d’Arabie.

Cette note est loin de faire une statistique ; mais elle dit au moins qu’on se déplace jusqu’à Sceaux pour le seul plaisir de l’exposition.

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