Dans la grande salle du lycée Marie-Curie, on répétait pour le Printemps des artistes. Yeliz est à la batterie. Léa est à la guitare et chante. Une chanson très syncopée puis une plus intimiste, genre Pomme. Dans la salle, Noé observe le duo avec sans doute des prises de vue en tête. Il a déjà fait des vidéos sur elles. Contexte : les deux filles se présentent au concours Première Seine, destiné aux lycéennes et lycéens d’Ile-de-France. A l’instigation de Stéphane Szeremeta, professeur et animateur du club musique du lycée, le dossier de présentation au concours associe scène et vidéo. Et c’est par lui que les deux filles et Noé se sont rencontrés en début d’année scolaire.
Wayless
Léa,16 ans, est élève de Première à Marie-Curie. Elle commence la musique à 7 ans au conservatoire de Châtenay-Malabry. De la contrebasse. Plus tard, elle apprend la guitare, parce qu’elle y voit « un moyen d’écrire des chansons. » Elle est alors collégienne, en troisième. Elle a commencé la voix l’année dernière.
Au collège Pierre Brossolette, elle était en CHAM (classe à horaire aménagé musique). De la 6e à la 3e, elle acquiert l’habitude de s’insérer dans un orchestre d’une vingtaine de personnes. C’est une discipline.
Yeliz est dans la même classe que Léa. Mais c’est au conservatoire du Plessis-Robinson qu’elle se forme à la batterie et plus généralement aux percussions. Elle se met ensuite au piano seule, en autodidacte. Pourquoi le piano ? Pour faire des chansons ! Les deux étaient faites pour se rencontrer. Ce qui a lieu quand elles sont en Seconde et inscrites au club musique du lycée Marie-Curie.
Elles se repèrent, ça « matche ». Très vite, elles préfèrent jouer toutes les deux. Ça tombe bien, Yeliz a une batterie dans son garage. Elles se mettent à y jouer. Ce sont des reprises de Taylor Swift, Bruno Mars, Olivia Rodrigo, Secret Sisters. Peu à peu, elles se mettent à la compo. Elles transposent les airs sur chacun des instruments. Leurs créations s’imposent à elles et les reprises deviennent occasionnelles. Elles forment un groupe, of course : c’est Wayless. Pourquoi ce nom ? « Nous n’avons pas eu d’inspiration particulière, c’est venu instinctivement et on trouvait qu’il sonnait bien. » Un détective à notre solde a tout de même débusqué All the ways des Secret Sisters. Allez savoir si l’inconscient n’a pas manigancé un hommage à des inspiratrices.
Déclic
Lors d’un premier concert à Châtenay, aux Machines en avril 2024, elles découvrent le plaisir de la scène. Pas de trac. Ou rien de paralysant. Mieux, de l’envie. En janvier de cette année, elles jouent à Antony. Le public est réactif, elles adorent.
Le jour de cet entretien, elles préparaient le Printemps des artistes qui se tenait le lendemain dans l’auditorium du lycée.
Décidées à tenter leur chance à Première Seine, elles se prennent au jeu. Il en vaut la chandelle : depuis 2017, Première Seine offre une chance de monter sur scène, que ce soit en solo ou en groupe. L’initiative de la Région s’adresse à tous les musiciens amateurs en lycée, tous styles musicaux acceptés. Les plus talentueux pourront répéter en studio professionnel, rencontrer des artistes et … se produire au festival Rock en Seine en août 2025.
De quoi se mobiliser. Aussi, pour monter le dossier de présélection, elles ont fait des enregistrements audios, des vidéos aussi. C’est ici que Noé entre en scène.
Noé
En Terminale générale Maths-Physique, Noé commence la vidéo vers sept ou huit ans. Sa mère monte des films de vacances avec eMovie (logiciel sur Mac). Elle lui apprend. Il accroche, il veut faire pareil. La passion d’enfant ne lui est pas passée.
Il adore le montage, la sélection des plans, leur dynamisation (durées), quand faire des cuts. Monter, c’est choisir. Plus tard, son père le formera ainsi que sa mère à un logiciel plus riche (Final cut). Il s’approprie la chose avec une énergie soutenue par une adolescence qui multiplie les neurones. « J’ai dépassé ma mère. » Son père aime la photo, il a des caméras. Le fils commence de petites vidéos en 4e. Les parents n’ont rien à voir avec le milieu du spectacle.
C’est le confinement. Il est en 5e. Il a du temps. Il se lance. Dans la vidéo ? Non, dans l’écriture d’un roman de SF. Qu’en retient-il ? Du côté de l’histoire racontée, pas grand-chose, du côté endurance à écrire un livre entier, beaucoup. « J’ai mené un projet long. » Ensuite, l’écriture, sans plus. Trop uniforme comme attitude. La feuille de papier devient vite frustrante. Alors que le tournage, le montage, c’est aussi long mais ça pulse.
Depuis, il n’a pas quitté la vidéo. En 2021, en 4e, il crée Oxtéon une chaîne Youtube. Il est dans le divertissement, montre des jeux qu’il aime. A raison d’une vidéo par semaine, un an plus tard, il est en surcharge mentale. Une menace pour son engagement vis-à-vis de ses parents à avoir de bons résultats au lycée. Pour 10 minutes de vidéo, il tourne environ 5 heures, monte en 10 heures. « Je me calme. L’objectif était idiot. » Il se recentre sur des vidéos plus rares et plus ambitieuses.
Comment faire un film
Il a un peu de matos. Ses noëls, ses anniversaires, il a un petit hybride (photo, vidéo) avec un adaptateur pour reprendre les vieux (et excellents) objectifs de son père, un micro, une carte son et un Mac, plus deux panneaux de leds. Il a appris (et apprend encore) les schémas de lumière.
Le concours Nikkon film festival de 2023 lui fournit un thème : le nombre 13. Il imagine un personnage hanté par le 13. Il fait le court métrage. Se filme en même temps avec une GoPro. Pas narcissique, pédagogique. Comment fait-on un film ? Combien son « 13 » coûterait si des professionnels avaient été recrutés. Pourquoi la caméra est-elle posée de telle manière ? Bref, un making off. Il aime ça.
Dès ses 18 ans, il se fait autoentrepreneur et espère bien vendre des clips ou des présentations d’entreprise. L’ardeur n’est pas chez lui de reste. Ni chez Yeliz et Léa.
La guitare résonne, la batterie pulse, la caméra saisit l’émotion qui impulse. Né dans les couloirs du lycée Marie-Curie, leur désir Rock-en-Seine se construit d’oxygènes de musique et d’image fièrement réunies. Des parallèles adolescentes qui se croisent dans un élan commun.
Voir et écouter Wayless
- Vendredi 2 mai au café des Félibres à Sceaux de 19h à 21 h
- Vendredi 6 juin à l’Agoreine (Bourg-la-Reine) avec des groupes des lycées Lakanal et Marie-Curie
- Samedi 21 juin pour la fête de la musique, une scène sera montée sur le perron du lycée Maric-Curie. Wayless jouera une bonne partie de la soirée.