La 29e édition de La Science se livre, lancée par le Département des Hauts-de-Seine, vient de se terminer. Sans référence à Patrick Juvet, cette année, étaient à l’honneur les femmes investies dans les carrières scientifiques et technologiques. La Gazette a fait état des nombreuses manifestations qui ont accompagné l’initiative. En même temps, le sommet de l’IA qui vient de se tenir à Paris a donné lieu à quantité d’articles, d’interviews, de considérations sur le sujet dont on sait combien les facettes sont multiples. C’est l’occasion de croiser les deux thèmes et de jeter un coup d’œil sur les femmes et l’IA.
Un article de Madame Figaro, Les 10 femmes qui comptent dans l’intelligence artificielle à travers le monde, apporte sa pierre à l’édifice doctrinal destiné à valoriser la place des femmes dans les technologies. Les dix portraits (en fait 11) sont bien intéressants et montrent, s’il fallait encore le démontrer, que des femmes savent parfaitement investir cette discipline. Et s’il est vrai qu’elles ne représentent qu’une minorité des effectifs du secteur, rien ne s’oppose à ce que cela change. Peut-être une question de constance. De durée.
Soyons clairs, la plupart des femmes citées ne sont pas françaises. Raison de plus pour souligner celles qui le sont. Mais raison aussi pour souligner ces Américaines venues d’ailleurs, de Pekin ou de Tirana, pour en remettre une couche : l’intelligence de l’intelligence artificielle ne doit rien à une terre particulière.
Laurence Devillers
Laurence Devillers, n’est pas inconnue de nos lecteurs. Elle intervient dans nos communes. Nous avions remarqué sa vision claire des enjeux. D’ailleurs, dans un article d’elle dans le Monde paru après la sortie tonitruante de ChatGPT, elle écrivait opportunément : « ChatGPT est donc entraîné à donner, à partir d’une entrée textuelle, la séquence suivante des mots les plus probables – ce qui n’est pas réellement une réponse à une question ! Le modèle est évidemment assez souple pour ne pas toujours produire le même texte. »
D’où la remarque frappée au coin du sens que l’article du Figaro relate : « …nous avons tout à gagner à nous demander : “Que peut-on automatiser facilement, et quelles tâches l’IA ne peut-elle pas assumer ? »
Cette diplômée de l’École normale supérieure et docteur en informatique, est enseignante-chercheuse en informatique appliquée aux sciences sociales. Elle dirige l’équipe de recherche « Dimensions affectives et sociales dans les interactions parlées » au Laboratoire d’informatique pour la mécanique et les sciences de l’ingénieur (Limsi) du CNRS. Ses travaux portent principalement sur l’interaction homme-machine, la détection des émotions, le dialogue oral, et la robotique affective et interactive.
Devillers a contribué à plusieurs projets nationaux et européens dédiés aux « interactions affectives et sociales humain-robot.
Joëlle Barral
En 2004, lors de sa quatrième année à l’école Polytechnique, elle s’inscrit à Stanford, en Californie. « Elle obtient un doctorat en génie électrique et développe ensuite un fort intérêt pour l’imagerie médicale à haute résolution, un domaine dans lequel elle va travailler durant dix ans. En 2014, elle rejoint X (l’incubateur de Google, et non pas le réseau social d’Elon Musk) pour travailler sur la chirurgie robotique assistée par IA, utilisant les données de centaines de milliers d’opérations. »
Lors de la crise du Covid-19, elle revient en France et est nommée directrice de l’ingénierie chez Google Research, puis, en 2023, elle devient directrice de la recherche chez Google Deepmind. Joëlle Barral a été nommée la même année par Matignon pour intégrer le comité sur l’IA, aux côtés d’une quinzaine d’autres experts.
Ajoutons une observation à ce cocorico. La puissance de feu américaine en matière d’IA tient certainement à la capacité de mobilisation financière et la rapidité à transformer une piste technologique en réalité « business ». Les compétences viennent de partout, la force des US est de pouvoir les attirer.
L’attractivité américaine : Fei Fei-Li …
Fei-Fei Li est née en 1975 à Pékin. Avec sa famille, elle s’installe aux États-Unis en 1981. Elle est admise à Princeton. Puis elle passe un doctorat en neurosciences en Californie. Elle sera plus tard recrutée à Stanford où elle enseigne tout en menant des recherches en vision artificielle. Ses lettres de noblesse s’inscrivent au Stanford Artificial Intelligence Laboratory (SAIL) qu’elle dirige un temps. Chez Google Cloud en tant que vice-présidente et directrice scientifique de l’intelligence artificielle. Dans la création d’ImageNet, une énorme base de données qui a permis d’améliorer considérablement les performances en reconnaissance d’images.
… et Mira Murati
Mira Murati, née en 1988 en Albanie. « Elle commence un cursus à l’université de Tirana. Puis, cherchant plus de cas pratiques, elle part faire ses études au Canada, à Victoria, en Colombie-Britannique. » Après un stage chez Goldman Sachs et divers postes chez Tesla, Leap Motion, et Zodiac Aerospace, elle rejoint OpenAI en 2018. Elle participe au développement de projets d’intelligence artificielle tels que ChatGPT et DALL-E.
Elle prend la lumière (gros flash) en novembre 2023 quand Sam Altman se fait virer sans explication de la direction d’OpenAI. Ce sont «3 jours de psychodrame que relate un article de Libération pendant lesquels Mira Murati, directrice de la technologie, prend sa place et devient PDG par intérim. Pendant quelques jours seulement, car Sam Altman revient bientôt. Une écrasante majorité de collaborateurs menaçait de partir chez… Microsoft prête à les accueillir à bras ouverts.
En septembre 2024, elle annonce son départ de l’entreprise. Si l’on en croit Wikipédia version anglaise, elle se lance alors dans la création d’une entreprise, Thinking Machines Lab, dont les objectifs restent encore “mystérieux ». La startup a commencé récemment le recrutement d’une dizaine d’ingénieurs et de chercheurs dans le domaine de l’IA.
Deux exemples en France, deux exemples de l’attractivité américaine. Ils n’ont pas de valeur statistique, mais montrent du moins que les chromosomes X et Y n’ont pas grand-chose à voir avec l’intelligence artificielle ou non, féminine ou non.
Parlant de X, on a bien aimé la vidéo de l’école du même nom. La Gazette a déjà publié le lien. Mais pour ceux qui l’auraient loupé, le voilà nouveau.