Appuyez sur “Entrée” pour passer au contenu

De l’importance d’être inférieur à 1

1) La R0 (la vitesse de propagation) du Coronavirus de la Covid-19 doit rester en dessous de 1

Cela est dit et répété : le taux de propagation de la COVID-19 représente le nombre moyen de personnes qu’un porteur du virus contamine. En février et mars, il était largement supérieur à 1 (de l’ordre de 2.5 ou 3, voire plus) et la maladie se répandait alors de manière exponentielle.

R0 est une mesure de l’évolution de la vitesse de propagation du coronavirus . Moins de 1, la diffusion du virus diminue progressivement (jusqu’à disparaître un jour). Plus de 1, le virus se diffuse de plus en plus vite et le nombre de malades et de décès augmente de plus en plus vite.

Le confinement a permis de faire passer R0 en dessous de 1 et donc de freiner progressivement la diffusion de la maladie! L’enjeu majeur du déconfinement est qu’il ne passe pas au-dessus de 1, ce qui signifierait plus ou moins rapidement une nouvelle vague épidémique et la nécessité d’un retour au confinement.

Il a été dit ici ou là qu’en avril le taux de reproduction était autour de 0,5/ 0,6 (par exemple ici) , mais il n’y pas eu de publication officielle régulière sur ce point alors que les épidémiologistes le simulent certainement.

Pouvons-nous évaluer R0 et son évolution actuelle à partir des données disponibles ?

2)    Les données

Les autorités publient en continu quatre indicateurs clés sur la maladie :

  • Le nombre de cas confirmés
  • Le nombre d’hospitalisations
  • Le nombre de personnes en soins intensifs
  • Le nombre de décès depuis le 1er mars

Ces données sont publiées par Santé publique France ici : https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-et-infections-respiratoires/infection-a-coronavirus/articles/infection-au-nouveau-coronavirus-sars-cov-2-covid-19-france-et-monde

Un site privé reprend les chiffres officiels et les mets dans une forme accessible ici : https://www.bilancoronavirus.fr/statistiques/

On notera au passage que ce site recueille aussi des données très précises sur d’autres pays, à partir des données officielles nationales. De nombreux médias utilisent les données de l’université John Hopkins https://github.com/CSSEGISandData/COVID-19 . Les données du site data.gouv.fr pour l’étranger (https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/Covid619-world-data-published-by-john-hopkins-csse/ )     ou celles des cartes du Monde en sont issues. https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2020/05/05/coronavirus-age-mortalite-departements-pays-suivez-l-evolution-de-l-epidemie-en-cartes-et-graphiques_6038751_4355770.html

Plus visuellement, un journaliste de Libération, Luc Peillon, publie presque tous les soirs sur twitter des graphiques qui montrent l’évolution de la maladie https://twitter.com/l_peillon

Une question se pose pour le choix des décès à prendre en compte : les seuls décès à l’hôpital ou ceux intégrant les Ehpad et autres établissements médico sociaux ? Le premier à l’avantage d’être probablement plus fiable et d’avoir été mesuré de manière continue depuis le début de l’épidémie.

Par ailleurs, Santé Publique France publie de manière hebdomadaire un point épidémiologique où on trouve d’autres indicateurs : Nombre d’actes SOS Médecins pour suspicion de COVID-19, Nombre de passages aux urgences pour suspicion de COVID-19, Nombre de nouvelles hospitalisations de patients COVID-19, Taux de positivité des prélèvements en laboratoires hospitaliers, Taux de positivité des prélèvements de ville (3 Labo), Nombre de décès liés au COVID-19 (incluant les décès en     hospitalisation et décès en EHPA et autres EMS)  https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-et-infections-respiratoires/infection-a-coronavirus/documents/bulletin-national/covid-19-point-epidemiologique-du-14-mai-2020 les deux premier indicateurs pourraient également être utilisés pour une estimation de R0 .

3)    Estimation de R0

Comment estimer R0 à partir d’une donnée D (par exemple les hospitalisations) ?

  • Il faut prendre les valeurs quotidiennes de D (nouveaux cas, nouvelles entrées, nouveaux décès) et non les cumuls
  • Il faut lisser les valeurs obtenues en les moyennant sur plusieurs jours pour éviter les variations aléatoires
  • Ce lissage doit se faire sur une semaine pour éviter les variations liées aux sous déclarations du week–end (et leur rattrapage le lundi, voire le mardi)
  • Il faut ensuite faire le ratio entre la valeur trouvée pour une journée J et la même quelques jours plus tôt : R0 = D(j)/ D(j-7)

Quelques jours plus tôt, mais combien? Il semble que la valeur de 7 jours fasse sens pour cette maladie au regard du temps d’incubation. C’est donc cette valeur qui sera prise ci-dessous.
Il faut cependant souligner que le choix de l’intervalle impacte directement la valeur que l’on va trouver.
Par exemple, si pour un intervalle de 7 jours (soit R0 = D(j)/ D(j-7)) on a R= 0,6, alors pour un intervalle double de quatorze jours, R0 sera égal à 0,6*0,6 = 0,36.
Cependant, l’intervalle choisi n’aura pas d’impact sur le fait que R0 soit en dessous ou au-dessus de 1 (parce que 1 est l’élément neutre de la multiplication), ce qui est la question majeure

4)    Les résultats

Voilà le résultat obtenu au 14 mai si on prend comme indicateur le nombre d’entrée en soins intensifs (ou réanimation).

Avec un autre indicateur, celui des entrées à l’hôpital, le résultat est un peu différent :

Calcul à partir des décès :

Même calcul mais sur une période plus longue :

Le calcul n’a pas été fait sur les cas reconnus, pour un problème de recueil de données

4)    Interprétation

On observe que la part des hospitalisés qui sont en soins intensifs a progressivement diminué, passant de 22 % début avril à 12 % au 12 mai(et même moins de 10 % au 19 mai, ce qui explique que le R0 calculé sur les entrées en soins intensifs soit plus faible que celui calculé avec les hospitalisations.
Une explication possible serait l’évolution des capacités d’accueil des hôpitaux sur la période. Le fait que ce phénomène soit indépendant des régions (que celles-ci soient en zone verte ou rouge) conduit à écarter cette hypothèse. Faut-il voir une évolution des pratiques liée à l’expérience ?

Les trois calculs donnent une valeur de R qui se situe entre 0,6 et 0,8, avec une tendance à légère hausse en fin de période.
On peut calculer le ratio R0 pour la dernière semaine à partir des données du point hebdomadaire de Santé Publique France:
> Nombre d’actes de SOS médecins pour suspicion de Covid-19 : R0= 0,91
> Nombre de passages aux urgences pour suspicion de Covid-19 : R0 = 0,81
Ces deux indicateurs sont conformes à une augmentation récente de R0, mais les points hebdomadaires ne sont momentanément pas accessibles sur le site

Conclusion et perspectives

Quel que soit l’indicateur choisi pour le calcul, l’impact de la sortie du confinement ne devrait pas être visible avant au moins le 21 mai et plus probablement le 25. Tout l’enjeu est qu’il reste inférieur à 1. Cela dépendra bien sur du respect des gestes barrières par la population mais aussi de l’efficacité de la recherche des éventuels contaminés par un nouveau malade (cas contacts)

Dans un communiqué du 7 mai, Santé Publique France signale la mise en place de nouveaux indicateurs pour la période qui commence le 11 mai : taux de positivité des tests pratiqués, nombre de tests pratiqués rapportés à la population et nombre de tests positifs rapportés à la population.

Pour suivre l’actualité du sujet : https://www.data.gouv.fr/fr/

  1. GB GB Auteur de l’article | 22 mai 2020

    Merci de ce commentaire
    Les foyers les plus actifs (par exemple la région parisienne) ont une plus grande vitesse de propagation du virus que les zones vertes, parce qu’il y a beaucoup plus de porteurs
    Mais le coefficient R représente la manière dont cette vitesse varie (c’est le multiplicateur de la vitesse sur la période considérée, par exemple 7 jours)
    Si on part d’une vitesse lente mais qu’on la multiplie par 1,1 chaque semaine, elle va finir par être élevée (et si cela continue suffisamment longtemps, très élevée) Angela Merkel a expliqué cela un jour mais je n’ai pas le lien

    Donc il faut être en dessous de 1 partout
    Par contre, être à 0,5 plutôt qu’à 0,9 dans les zones rouges a un impact plus fort sur le nombre absolu de personnes touchées que dans les zones vertes

  2. NicoPo NicoPo 22 mai 2020

    Merci GB, ne faudrait-il pas faire cette même analyse sur les foyers les plus actifs? Par exemple la région parisienne. Ne pourrait-on pas être > 1 sur Paris tandis que les zones vertes sont bien en dessous de 1?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *