Les Parisiens viennent de se prononcer sans ambigüité et, comme l’indique leur maire, ils ont raison. La participation de 5% à la votation ne laisse planer aucun doute sur la conviction parisienne. D’ailleurs elle s’est largement imposée avec 56% des voix exprimées. On ne veut plus de SUV (sport utility vehicle), ces voitures imposantes, pesantes et consommatrices boulimiques d’énergie. Sauf, pourquoi insister, pour les SUV des Parisiens eux-mêmes qui ne relèvent pas de cette condamnation pour une raison simple : ils permettent à leurs propriétaires parisiens de rentrer chez eux. Et d’en partir. Bref d’aller faire un tour.
En fait, il ne s’agit pas d’interdire la circulation de ces voitures, mais de surtaxer le stationnement. Mais l’idée est la même : dissuader les non-Parisiens de venir à Paris avec ce genre d’équipage.
Mais pourquoi viennent-ils à Paris, ces banlieusards ? Un de mes amis me disait récemment qu’il a consulté un grimoire de l’Insee. Il y a appris qu’en 2020, on comptait 1.862.186 emplois à Paris, dont 734.572 occupés par des Parisiens. Donc 1.127.614 occupés par des non Parisiens qui viennent encombrer les rues ! Seul point positif vu de Paris, tous ces emplois sont aussi des recettes fiscales. Notons au passage que 338.499 Parisiens vont travailler ailleurs que dans leur commune, quelle idée ! La Gazette réfléchit (intensément mais pas trop) à une pétition pour taxer les SUV de Parisiens hors la capitale.
En fait, tout serait plus simple si les Parisiens travaillaient à Paris, les banlieusards en banlieue et les provinciaux en province. Et même, pourquoi pas, si les habitants du 1er arrondissement travaillaient dans leur arrondissement, ceux du 2e de même, etc. ! Les circuits courts dans le monde du travail.
Paris n’appartient-elle qu’aux Parisiens ?
Cette preuve par cinq de l’existence de l’égoïsme urbain demande à être interprétée. Qu’une population citadine veuille se protéger des nuisances polluantes se comprend bien. De même qu’elle veuille « ensauvager » sa nature. On pense à cette chanson enfantine et pourtant si parisienne : « Brousse, brousse, j’aime ma brousse, j’aime ma brousse et ma jolie savane, Y’a des tigres, y’a des lions, y’a des léopards… ». Nombre d’élus de la capitale sont dans cette perspective. Ne parle-t-on pas depuis un temps déjà « d’ensauvager » Paris pour sauver la biodiversité ? C’était le titre d’un article du Monde de 2016 qui parlait du « top 5 de ces « sauvageonnes » : le pâturin annuel, la vergerette du Canada, la pariétaire de Judée, le laiteron maraîcher et le pissenlit. »).
Du point de vue des Parisiens tout ceci se comprend. Comme se comprend que les habitants d’une ville veulent la voir évoluer pour les satisfaire. Mais Paris pose une question particulière qui ne se pose pas dans les mêmes termes à Romorantin ou à Guéret : est-elle seulement la ville de ses habitants ? Car s’y trouvent les ministères, le Sénat, l’Assemblée nationale et bien d’autres institutions à vocation nationale.
La ville à la campagne et réciproquement
Imaginons une décentralisation franche avec une capitale administrative différente de la capitale économique, un peu comme Washington et New York. Les alternatives ne manquent pas. On exclut toutefois des lieux comme le plateau de Millevaches, car les constructions dénatureraient les sols. On exclut aussi le quartier des Mouilleboeufs sous la responsabilité de quatre communes (Châtenay, Fontenay, Le Plessis-Robinson et Sceaux), ce qui ralentirait le processus de décision . Retenons en revanche le déplacement des ministères à Chartres, Orléans, Tours ou peut-être Reims la ville du sacre de Charles VII. Paris alors se verrait soulagée de centaines de milliers d’emploi, ce qui diminuerait le nombre de logements, de commerces et de salles de sport. Autant de mètres carrés pour « ensauvager ».
Et quelle opportunité pour nous, du sud de la capitale. Plus besoin de construire pour loger, plus besoin d’extensions du métro ou de trams supplémentaires. Plus de « bétonisation ». Du vert dans les lieux libérés.
On le voit, il existe une solution simple à l’engorgement et la pollution de Paris. Il suffit d’en faire une authentique ville de province. Mieux, une ville peinarde. Ceci suppose, pour reprendre une expression plus que consacrée pour ne pas dire plus que rituelle, une volonté politique. Eh oui!
Mais songeons au bonheur des amoureux de l’arbre. Rien ne vaut pour leur repos que des gens pliant bagage.
Sur le fond, vous avez parfaitement raison. Dans ce geste d’humeur, j’ai préféré mettre l’accent sur les SUV qui ont fait l’objet de la campagne de communication de la ville de Paris.
La votation ne concernait pas le SUV mais le poids des voitures, ce qui conduit Hidalgo à taxer par exemple les berlines électriques de plus de deux tonnes