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DPE : On n’y voit que… du bleu ?

Aujourd’hui, cette image du Diagnostic de performance énergétique n’a plus de secrets pour personne. Et pourtant… !

L’information qu’elle donne est-elle en accord avec ce qu’elle contient ?

Un rien manipulatoire

Au premier coup d’œil on voit de jolies couleurs. Depuis le rouge, symbole de l’interdit, qui s’étend largement comme une base infernale, jusqu’au vert, symbole de l’espoir, qui plane modestement vers les hauteurs de la vertu. Pour que ce soit bien clair, ces niveaux colorés sont affectés d’une lettre qui, du haut vers le bas, donnent du A comme l’Azur jusqu’au G comme Géhenne. Le lecteur pourra certainement trouver les mots qui complètent ce début d’acrostiche alphabétique.

Pour en terminer avec l’image, on peut y voir, de courtes barrettes noires rappelant les niveaux A, B, C… et G, renvoyant avec insistance vers son centre en une sorte de tautologie technocratique. On n’a que le choix d’y rester !

Il y a aussi des textes, ou éléments de langage, qui sont censés apporter des explications sur ce qu’il faut comprendre. La pédagogie du marketing s’affirme.

Il s’agit donc des Consommations énergétiques de nos logements. Depuis le Logement économe, qui qualifie la vertu, jusqu’au Logement énergivore où réside l’ogre affamé.

Petite révision

Comme chacun le sait, pour nous chauffer, nous rafraîchir et faire cuire nos aliments — car c’est bien de cela qu’il s’agit – nous consommons de l’énergie qui se limite à quelques fossiles, du bois et de l’électricité. Pour tenir compte de tout le reste et remonter aux énergies primaires, il faudra bien, que dans les estimations de consommation, il y ait des conversions qui se fassent quelque part avec force calculs et approximations habituelles. Passons. C’est aussi l’objet du DPE.

La formule indique que cette consommation est rapportée à la surface de nos logements exprimée en m2 et par an. On pourrait s’attarder sur la manière d’estimer la surface mais ceci nous emmènerait bien au-delà de cette courte revue. On peut aller lire et analyser le Guide_pour_les_diagnostiqueurs_DPE (version 2-octobre 2021)qui est téléchargeable ici. Ce document de 183 pages donne un aperçu de la gymnastique physique et cérébrale imposée au diagnostiqueur pour faire ses estimations.

Enfin on nous précise que cette estimation de consommation énergétique est à rapporter à la durée d’une année, sans préciser si on doit tenir compte des années bissextiles. 😉

Emprisonnés dans une fourchette

Mais la dernière information est sans doute la plus importante : la consommation affectée à la classe du logement. Celle-ci est donnée par une paire de nombres figurant dans chaque barre de couleur. On comprend que le classement énergétique d’un logement se fait par sa position énergétique dans cette fourchette.

Cette longue description n’est faite que pour introduire le graphique suivant.

Les mêmes informations y figurent.

C’est évidemment moins joli.

Mais cela montre les choses d’une manière plus claire.

Ainsi, par exemple, les logements de catégorie G ont une consommation énergétique qui commence à 450 et pas à zéro.

Les consommations minimum et maximum de chaque catégorie sont clairement visibles.

On peut aussi facilement lire qu’un logement dont le DPE établi une consommation de 451 kWhEP/m2.an et passe, après isolation, à une consommation de 329 kWhEP/m2.an, va sauter de catégorie G à la catégorie E. Bravo !

Par contre celui qui va passer de 450 à 331 kWhEP/m2.an (-1 d’un côté, +1 de l’autre), restera en catégorie F. Pas de chance !

À la suite de ces deux remarques, découlent toute une série de questions sur la rénovation énergétique elle-même, et surtout sur la manière dont sont établies ces catégorisations.

Comment serons-nous mangés ?

Les estimations qui découlent du travail décrit par ce Guide_pour_les_diagnostiqueurs_DPE, se transforment en expertises. Il y est écrit en préambule :

Avec le nouveau DPE, qui sera désormais opposable juridiquement… Où va-t-on ?

Après le plomb et l’amiante, voici que s’impose une nouvelle réglementation.

Celle-ci, contrairement aux deux précédentes (qui se bornent à faire un constat factuel sur la présence ou non d’un élément physique) encadrées par le Code de santé publique, découle d’examens et de relevés multiples très compliqués, où la part de subjectivité est grande.

Ce guide précise également : « C’est aussi sur cette base solide que seront fixées, à travers la future loi « Climat et résilience », les obligations de rénovations… ».

J’ai vainement cherché la solidité de ces bases.

J’ai même trouvé une analyse qui en montre la fragilité : ici

Qui plus est, ce guide annonce (page 15) en caractères gras : Afin de permettre une comparaison entre logements, il est nécessaire de supposer une occupation « conventionnelle » en saffranchissant des spécificités doccupation liées à chaque foyer.

Ainsi, les « kWhEP/m2.an » sont établis de manière « conventionnelle ». Les kWhEP comme les m2… !

Tout ceci veut clairement dire que le placement dans une catégorie ne dépend pas de la consommation réelle d’énergie, quelle qu’en soit la source, ni de la surface occupée, comme peut le laisser penser cette image colorée.

Réduisez votre température, mettez des pulls et ne chauffez pas les pièces inoccupées, ça ne sert à rien. La catégorie de votre logement est celle qui découle du travail du diagnostiqueur.

Ça devient kafkaïen ou ubuesque suivant les catégories bureaucratiques auxquelles on se réfère.

Ça coûte un bras

On peut aller plus loin. Il est de notoriété publique que le parc de logements en France nécessite un effort considérable pour atteindre l’objectif de la COP 21 qui est, faut-il le rappeler « de limiter le réchauffement climatique à un niveau bien inférieur à 2, de préférence à 1,5 degré Celsius, par rapport au niveau préindustriel ». Ce qui impose de réduire la production de gaz à effet de serre (GES), donc de CO2.

Or, les moyens industriels (fabrication des isolants et des chauffages nouveaux) et les entreprises capables de mener à bien ces travaux sont en nombre limité.

Il faudrait, logiquement, remplacer tous les moyens de chauffage utilisant des combustibles fossiles et, en même temps, isoler en priorité les logements énergivores. En a-t-on les moyens ?

S’il faut faire un choix, la raison nous incite à privilégier d’abord un mode de chauffage qui n’utilise aucun combustible fossile : charbon, fuel, gaz et même le bois. Par exemple une pompe à chaleur (PAC) qui ne consomme que de l’électricité.

Ce choix devrait être examiné au cas par cas. On peut avoir intérêt à aller voir la géothermie de surface comme le préconise le Haut-Commissariat au Plan ou même la géothermie profonde pour les gros bâtiments anciens dont l’isolation est problématique.

Ensuite l’isolation serait mise en place en privilégiant les zones qui laissent fuir le plus de chaleur.

Un effort collectif ?

On peut penser que les incitations individuelles, carottes offertes aux contribuables, n’y suffiront pas.

Il a donc des choix draconiens à faire, et sans tarder, supportés par un financement collectif par l’impôt.

Et tout le monde devra y mettre de sa poche, surtout ceux qui l’ont grande et profonde.

Et il faudra qu’elle soit très profonde.

C’est raide, mais l’urgence le commande.

C’est une stratégie nationale qu’il y faut. Exemplaire, car c’est la planète qui est concernée.

Un plan d’action pourrait s’imposer. C’est peut-être une des missions du Haut-Commissariat au Plan.

Ne faudrait-il pas que celui-ci soit, en même temps, saisi de la mission de reconsidérer les règles de catégorisation des performances énergétiques des logements ?

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