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Vivre avec

Les vaccins vont arriver. On le dit. Un jour ou l’autre. Plutôt l’autre que l’un, car il faudra du temps pour piquer quelques milliards de terriens.  On ne passera pas tous au premier jour. Il y aura des priorités. Des urgences. Des plus fragiles.

II va falloir « vivre avec le virus sur le temps long » a prévenu le Premier ministre[1], Jean Castex. Peut-être, pense-t-il à ces habitudes prises en Extrême-Orient où, à chaque alerte, les masques réapparaissent massivement, les comportements s’adaptent, les rues se vident. Il y a là-bas un « vivre avec » qui semble reposer sur le sentiment d’une menace permanente, du moins toujours possible. Les épidémies du passé ont élevé la précaution au rang de valeur collectivement partagée.

A Sceaux comme ailleurs en France, le « vivre avec » n’est certainement pas une anticipation chimérique. Le temps de vaccination s’étendra des mois et, en fonction de la durée de l’immunité, des campagnes régulières devront peut-être être menées.

Il y aura les prudents qui, devant la nouveauté (ne dit-on pas que les vaccins reposent sur des innovations technologiques) préféreront laisser quelques mois passer, par crainte de possibles effets secondaires.

Et il y aura les hostiles par principe à la vaccination, les activistes antivax, les bien portants qui renvoient Pasteur au rang des imbéciles. Ils seront des vecteurs de propagation aussi constants que les accros de la teuf (la bonne centaine de décibels dans un lieu bien fermé pour que ça pulse mieux, piste de danse bien tassée, transe bien arrosée).

Mais l’entretien du risque contagieux ne se réduit pas aux intégristes de la liberté individuelle qui ne doit subir aucune contrainte collective. Dans un sondage Ipsos publié en septembre, la France se situe parmi les pays où l’intention de recourir au vaccin est la plus faible. Ils ne seraient ainsi que 59% à se faire vacciner contre le Covid-19 en France, contre 74% au niveau mondial.

Au pied du mur, les comportements pourront changer. Si le nombre de morts explose ou si la connaissance des effets secondaires, non pas du vaccin mais du virus, avance dans un sens alarmant, les plus réticents se rendront à l’évidence. En attendant, la Covid aura circulé.

« Le virus est avec nous pour toujours, affirme ainsi au Parisien du 4 novembre Catherine Smallwood, responsable des situations d’urgence à l’OMS-Europe. Les vagues continueront de se succéder. Il faut réussir à les rendre plates afin de garder le contrôle de la situation, et ne plus subir les hauts et les bas que l’on connaît. » Cette analyse s’applique également aux virus qui suivront celui-là. A moins de supposer que la Covid 19 sera le dernier rejeton de longues dynasties de germes pathogènes, il faut bien considérer qu’elle aura des successeurs.

Le temps de les maîtriser, de comprendre les dommages qu’ils créent et leur mode de propagation, d’ajuster les réponses on aura un « vivre avec » avec le masque et les distances, les précautions, les maximums de convives, la fermeture des boîtes, les jauges dans les boutiques…. Et pour éviter la sensation de vide, on s’écharpera sur les restrictions des libertés, intolérables ou nécessaires, sur la limite acceptable entre dégâts économiques et dégâts sanitaires, sur les dangers pour la santé mentale, sur le nombre de morts que nous « admettons », et recul philosophique aidant, sur l’acceptation de la mort dans une société qui n’a plus de grandes tentures noires aux porches des immeubles au moment du départ des corps pour leur dernière demeure.

Dans son allocution d’hier, Jean Castex, appelant au sens des responsabilités et de la solidarité, au succès de la campagne de vaccination prévue l’année prochaine, précisait : « Se faire vacciner c’est aussi protéger les autres, c’est un acte altruiste. » C’est tout à fait juste, mais pas sûr que l’altruisme soit le trait principal de l’esprit dominant. Quelque chose pourtant dans l’air de Sceaux dit qu’ici on y sera sensible.


[1] Entretien donné au Monde, le 14 novembre 2020

  1. Jean-Claude Herrenschmidt Jean-Claude Herrenschmidt 29 janvier 2021

    Et puis aussi :
    « Vis comme si tu devais mourir demain. Apprends comme si tu devais vivre toujours. »
    Gandhi
    On apprend beaucoup dans la Gazette.

  2. Jean-Claude Herrenschmidt Jean-Claude Herrenschmidt 29 janvier 2021

    Les vaccins sont arrivés. Au compte goutte. Au point que dans plusieurs régions de France les rendez-vous ont été reportés sine die.
    Et puis les variants arrivent sans que personne ne dise clairement que les vaccins sont efficaces pour eux. J’ai eu la chance de pouvoir me faire vacciner. En hôpital? À la demande du professeur qui me suit pour une maladie orpheline. J’ai posé la question : est-ce qu’une équipe d’épidémiologistes vous accompagne pour enregistrer des données de suivi permettant d’améliorer les connaissances ? … Silence embarrassé. Et puis: Non, mais ça aurait sans doute été bien ! Je suis reparti perplexe.

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