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Énergie verte : une illusion ?

Des entreprises proposent au consommateur de se fournir chez eux pour avoir de « l’énergie verte ». Mais de quoi s’agit-il ? L’électricité verte est, selon la définition de l’Union européenne, le terme utilisé pour désigner une électricité produite uniquement à partir de sources renouvelables. Le fournisseur doit être en mesure de garantir qu’une quantité d’électricité d’origine renouvelable équivalente à la consommation du client a été injectée dans le réseau au cours d’une année.

L’illusion de l’énergie verte

En pratique, il est impossible de distinguer dans l’énergie consommée celle qui vient du nucléaire, de l’éolien ou du gaz. Au-delà de cette impossibilité physique, la fourniture d’électricité « verte » ne se fait pas en fonction de la demande, mais en équivalence annuelle. Les répartitions dans le temps de la production et de la consommation sont différentes.  S’il est possible d’adapter la production hydraulique à la demande, ce n’est pas le cas avec l’éolien et le solaire : il faut donc un back-up avec une énergie non qualifiée de verte, c’est-à-dire nucléaire, gaz ou charbon.

Celui qui achète à un fournisseur d’énergie verte s’illusionne donc en pensant consommer vert.

L’illusion du local

Il faut dire que le fournisseur fait tout pour maintenir cette illusion. Enercoop va plus loin en parlant de circuit court et éthique. Est-ce possible ?

Imaginons un village relié à une éolienne dont la production annuelle serait égale à la consommation du village. Celui-ci pourrait se croire autosuffisant (Eric Piolle, maire de Grenoble a ainsi parlé d’électricité 100 % renouvelable pour sa ville). Ce n’est bien sûr pas suffisant : la production de l’éolienne étant essentiellement variable et de manière tout à fait indépendante de la consommation, un back-up est indispensable. La Gazette a déjà évoqué l’illusion du caractère local des énergies éolienne et solaire.

Reprenons notre village. En France, une éolienne fonctionne en moyenne autour de 25% de sa puissance maximale, en variant entre presque rien et pas loin de 100% (voir schéma). Pour atteindre sur un an le 100% renouvelable légal, la puissance maximale de l’éolienne devra donc être égale à quatre fois la consommation moyenne. En raison des variations importantes de la production éolienne, celle-ci sera insuffisante environ 70 % du temps et excédentaire presque tout le reste du temps. Il faut donc un back-up égal à la consommation maximale du village (la production peut être quasi nulle) et un réseau capable d’évacuer la production de l’éolienne quand elle est forte : la présence de l’éolienne oblige à avoir une ligne de lien avec le réseau plus puissante que si elle n’était pas là !

Exemple d’El Hierro

El Hierro est une île des Canaries. On y a construit en 2014 une installation présentée à l’époque comme 100 % renouvelable. Sur l’île El-Hierro (~10 000 habitants), en 2015, la consommation en énergie électrique a été de 44,3GWh. Ceci correspond à une puissance moyenne de 5,1 MW avec des pics de consommation pouvant monter jusqu’à 7,6 MW. Jusqu’en 2014, la production électrique était assurée par une centrale diesel comprenant plusieurs turbines pour une puissance maximale de 11,2 MW, donc largement suffisante. On y a donc installé en 2014 un parc éolien de puissance 11,5MW.

L’île est considérée comme très ventée. Sa position au large des côtes marocaines correspond à ce qu’on peut attendre d’un parc éolien en mer. Mais bien sûr, la puissance du vent est très variable. On a donc conservé l’installation diesel. Mais on a aussi eu l’idée d’installer un moyen de stockage, en l’occurrence une nappe d’eau en haut du volcan (éteint) local, avec une station de pompage (STEP) pour remonter l’eau en période de production excédentaire de l’éolienne et des turbines pour produire de l’électricité en faisant redescendre l’eau. La puissance de production est également de 11MW.

Le projet a été présenté à l’Union européenne comme pouvant assurer du 100% renouvelable. Ségolène Royal, alors ministre de l’Environnement s’est enthousiasmé pour le projet et sa réussite. Les études ont-elles été truquées, le seul but étant de toucher des subventions ? Toujours est-il que la STEP n’assure quasiment aucune production. Parce que la réserve d’eau est très largement sous-dimensionnée. Et aussi parce qu’il y a un problème de stabilité de la grille dû à la variabilité instantanée de la puissance des éoliennes ; une variabilité que les turbines hydrauliques n’arrivent pas à compenser, bien qu’elles aient été choisies pour cela. Ce dernier problème est l’un de ceux qui expliquent que RTE considère que le « scénario 100 % renouvelable » repose sur des paris technologiques.

Le résultat est un demi-succès ou un demi-échec. Les éoliennes et la centrale diesel assurent aujourd’hui chacun environ la moitié de la production. L’empreinte carbone a donc diminué, mais l’objectif affiché (100% renouvelable) n’est pas atteint ; malgré une puissance installée 6 fois plus importante que la pointe de consommation…

 L’illusion de l’aide au développement du renouvelable

Si l’alimentation verte est une illusion, on peut comprendre que des personnes bien intentionnées achètent de l’électricité verte pour aider au développement de la filière : la présence de fournisseur d’électricité verte devrait permettre à ceux qui veulent investir dans la production verte de trouver des clients. Illusion encore une fois : de toute manière RTE est obligé de leur acheter leur production.

L’illusion du 100 % renouvelable

Mais après tout, tout cela n’a guère d’importance ; beaucoup plus graves sont les illusions très répandues autour des conditions et donc de la possibilité d’un 100 % renouvelable. La plupart de ceux qui plaident pour en faire un objectif semblent ignorer les problèmes qu’il pose pour obtenir une adéquation permanente de l’offre et de la demande, semblant croire qu’il suffit d’atteindre 100% en moyenne annuelle.

C’est particulièrement net quand ils mettent en avant que le renouvelable coûte moins cher que d’autres solutions (notamment le nucléaire). Ce faisant, ils oublient de prendre en compte les coûts du stockage indispensables comme la nécessité d’un réseau beaucoup plus important. Et comme aucun moyen de stockage n’a un rendement de 100% (on parle par exemple de 25% pour un stockage par hydrogène !), une production renouvelable sans back-up exigerait une capacité bien supérieure à ce que donnerait un calcul qui n’en tiendrait pas compte.

Dit autrement, si du renouvelable intermittent (de type éolien ou solaire) assure 50 % de la production électrique d’un pays, il ne suffit pas de doubler la capacité installée pour en assurer 100%. Parce que ce 50% n’est pas constant. Certains jours c’est plutôt 5%. Ces jours-là, avoir doublé la capacité sera insuffisant. Il faut donc être capable de transférer la surproduction des jours de grands vents ou de grand soleil vers les jours de sous production. Ce qui exige des moyens de stockage considérables et donc très coûteux, comme l’a montré le rapport RTE.

Bien entendu, cela dépend de la situation de chaque pays et notamment de la part de l’hydraulique, lequel est adaptable. Les pays qui ont beaucoup d’hydraulique, tels la Norvège ou l’Islande, sont déjà à 100% renouvelables. Pour la même raison, la région Rhône Alpes pourrait probablement l’être aussi. Mais ni la France dans son ensemble, ni l’Allemagne, ni l’Espagne, ni la Grande-Bretagne ni la Belgique ne sont dans cette situation

L’Allemagne a déjà consacré des centaines de milliards d’euros à sa transition énergétique, dont plus d’une centaine pour son seul réseau électrique. Pourtant, elle a toujours d’importantes émissions de CO2 pour sa production électrique, beaucoup plus que la France. Et on ne voit pas l’horizon « 100% renouvelables ». D’ici 2030, elle compte installer pour 20 GW de centrales à gaz, doublant sa capacité actuelle. Certes, cela permettra (sauf pénurie de gaz…) de réduire l’appel au charbon (et ses émissions de poussières nocives), mais cela n’augure pas d’un réel 100 % renouvelables avant très longtemps.

  1. Jean-Claude Herrenschmidt Jean-Claude Herrenschmidt 21 février 2023

    Échange qui me laisse perplexe. Trop compliqué pour moi.
    La seule chose dont je sois à peu près certain, c’est que l’argument coût financier dans ces domaines de l’énergie, qu’il s’agisse des investissements comme du fonctionnement, lié aux prix pratiqués dans une économie de marché, n’a aucun sens.
    Quand on parle énergie (production, stockage, transport, utilisation, solutions, technologies, etc.) il faut mesurer en énergie. C’est la seule unité stable et indépendante du temps et des choix humains. Tout doit être calculé en énergie et compté en énergie.
    Une fois que ce travail est fait, il faut faire des choix. Que ceux-ci soient dirigés par des considérations de prix, en n’oubliant pas que ceux-ci peuvent varier par des options politiques, c’est certain. Je laisse les économistes travailler et les politiques décider.
    Dans le traitement de toutes ces questions, les conséquences des décisions sont trop graves pour qu’elles puissent être traitées sans tenir compte des réalités sociales et politiques dans lesquelles nous vivons.
    Or les chiffres, quel que soit leur bien-fondé, ne mesurent pas le sens de la vie sur notre planète. Que l’on parle des bipèdes… Et de tout le reste.

  2. Gérard Bardier Gérard Bardier Auteur de l’article | 21 février 2023

    L’empreinte carbone de l’Allemagne reste largement supérieure à celle de la France : plus de 14 t/hab/an selon le CITEPA (déjà cité)

    Oui, le bio gaz, on va en faire suffisamment pour faire voler les avions, faire rouler les camions, faire produire les centrales à gaz et produire propre dans l’industrie…

    Noyer 250 km2 de vallées pour les STEP, c’est manifestement beaucoup plus grave que d’installer 1500 km2 de panneaux solaires ou d’envahir les champs de dizaines de milliers d’éoliennes
    rapport RTE, enseignement 13 page 46 https://assets.rte-france.com/prod/public/2021-12/Futurs-Energetiques-2050-principaux-resultats.pdf

    • François François 7 mars 2023

      D’après RTE, la surface de panneaux solaires nécessaire pour le 100% renouvelables est de 0,27% du territoire français et il faudrait 30 000 éoliennes de 2,5 MW, soit moins d’une par commune.

      Les éoliennes les plus puissantes aujourd’hui font 16 MW en offshore et 6 MW en terrestre, ce qui divise par 2 à 3 le nombre d’éoliennes nécessaires.

      • Gérard Bardier Gérard Bardier Auteur de l’article | 8 mars 2023

        France : 551 000km2
        0,27% = 1 488 km2
        merci de cette confirmation

  3. Gérard Bardier Gérard Bardier Auteur de l’article | 20 février 2023

    Bonjour François

    Pour ne rester que sur le contenu de article, quelques remarques :
    • L’illusion du local : tu réponds qu’il ne faut pas raisonner sur un local mais sur l’ensemble du pays. Tu es donc d’accord avec le titre
    • L’illusion du 100 % renouvelable : tu en parles assez longuement
    Tu écris que les Allemands prévoient 100% renouvelables en 2035. C’est justement l’illusion que je dénonce. Ils prévoient que leur production annuelle en renouvelables sera égale à leur consommation annuelle. Ce qui ne signifie pas qu’ils couvriront 24h/24 leur consommation par des renouvelables. On se demande pourquoi dans le cas contraire ils se préparent à investir pour 20 GW en centrales à gaz d’ici 2030…

    Par ailleurs, au moins une rectification
    tu affirmes : « l’empreinte carbone fausse la comparaison : environ 10 t/hab/an pour la France et l’Allemagne, contre 7,2t en moyenne en Europe. »
    Ce n’est pas ce que je trouve ici : https://lempreintecarbone.fr/empreinte-carbone-habitant-monde/ Allemagne : 10,445, France : 6,904
    Ou ici : https://climate.selectra.com/fr/empreinte-carbone/pays-pollueurs
    Des explications détaillées ici : https://www.insee.fr/fr/statistiques/6474294 et ici https://www.citepa.org/fr/2022_08_a06/

    • François François 21 février 2023

      Les chiffres de 6,9 et 10,4 sont les émissions carbone et non l’empreinte carbone. Ils datent de 2015, ça a baissé depuis.

      L’empreinte carbone d’un Français est de 9 9 t/hab/an, d’après carbone 4, en intégrant la déforestation importée.
      https://www.carbone4.com/myco2-empreinte-moyenne-evolution-methodo

      Aux émissions, il faut ajouter l’impact carbone de nos importations : le CO2 généré par notre consommation, même si elle est produite à l’étranger.

      Pour les Allemands, c’est l’inverse car ils sont exporteurs net, donc leur empreinte carbone est inférieure à leurs émissions

      => Malgré nos centrales nucléaires et leurs centrales à gaz, un Allemand pollue moins qu’un Français (en CO2)

      Par ailleurs, ils prévoient à terme de faire fonctionner leurs centrales gaz avec de l’hydrogène ou du gaz de synthèse, donc neutre en carbone.

      A mon avis, c’est pertinent car les centrales gaz sont très réactives et peuvent permettre de passer les pics sans générer de CO2 à terme, et ça coûte moins cher : 160€/MWh, avec du méthane de synthèse, uniquement quand on s’en sert.

      Contrairement au nucléaire qui coûte à peu près pareil, ou beaucoup plus si on ne s’en sert que pour passer les pics : même à l’arrêt, un réacteur coûte presque autant qu’en marche.

      Et avec des centrales gaz neutre en CO2, pas besoin de tripler les Step et de noyer 250 km2 de vallées

      • François François 21 février 2023

        9,9 t/hab/an

  4. François François 17 février 2023

    Bonjour Gérard,
    Tu t’en doutes surement, mais je ne partage pas vraiment ton point de vue.
    Raisonner au niveau d’un village ou avec la maille d’une journée de production n’est pas le plus pertinent.
    Pour s’en rendre compte, il suffit d’appliquer le même raisonnement avec le nucléaire. Je reprends ton texte mot à mot et je remplace « éolienne » par « réacteur nucléaire » et j’adapte les chiffres donnés à ceux du nucléaire. Voilà ce que cela donne :

    ****
    Imaginons un village relié à un « réacteur nucléaire » dont la production annuelle serait égale à la consommation du village.
    En France, un réacteur fonctionne en moyenne autour de 68% de sa puissance maximale, [seulement 52% en 2022 en raison des pannes et arrêts pour maintenance, mais prenons 68%] en variant entre 0 (pendant les arrêts) et 100%. Pour atteindre sur un an le 100% [de la consommation], la puissance maximale du réacteur devra donc être égale à 1,47 fois la puissance moyenne. En raison des variations importantes de la production nucléaire, celle-ci sera insuffisante (nulle) environ 32 % du temps et excédentaire tout le reste du temps. Il faut donc un back-up égal à la consommation maximale du village (la production peut être nulle) et un réseau capable d’évacuer la production nucléaire quand elle est forte : la présence du réacteur oblige à avoir une ligne de lien avec le réseau plus puissante que s’il n’était pas là !
    ****

    A l’évidence, ce raisonnement n’est pas très pertinent (sinon, il n’y aurait aucune centrale nucléaire en France), justement car il est à toute petite échelle. Il vaut mieux raisonner à l’échelle de la France, ou mieux de l’Europe, vu que l’électricité se déplace presque à la vitesse de la lumière, à 200 000 km/s : l’endroit où elle est produite n’a pas beaucoup d’importance si le réseau est capable de la faire transiter (et l’Europe prévoit un très fort développement des interconnexions).
    Avec 61 GW nucléaire et des pics à 100 GW, si on évite le black-out les soirs d’hiver en France, c’est grâce aux centrales à charbon polonaises ou allemandes, qu’ils maintiennent en activité en partie pour nous (sans que le CO2 généré ne nous soit imputé)

    NB : le nucléaire est capable de faire un peu de suivi de charge, et donc de s’adapter en partie à la demande, mais avec plusieurs bémols :
    1. Si on diminue la production, on augmente le coût du MWh, qui est déjà très cher : entre 80 et 110€ pour le nouveau nucléaire d’après la cour des comptes, 150€ d’après l’AIE.
    2. La France est le seul pays qui fait du suivi de charge (pour la raison n°1, personne d’autre ne le fait), mais aussi parce que la France était jusqu’à présent en surcapacité nucléaire, et donc baissait la production pour éviter les prix négatifs
    3. Parce que le suivi de charge aurait tendance à user plus vite les assemblages de combustibles et à augmenter le risque d’accident, voire réduire la possibilité de prolonger les réacteurs

    Tu dis « s’il est possible d’adapter la production hydraulique à la demande, ce n’est pas le cas avec l’éolien et le solaire : il faut donc un back-up avec […] nucléaire, gaz ou charbon. »
    En effet, l’hydraulique de barrage peut s’adapter à la demande, ce qui n’est pas le cas du solaire ou de l’éolien (même s’il peut s’adapter à la baisse https://www.revolution-energetique.com/pourquoi-certaines-eoliennes-ralentissent-par-grand-vent/). Mais il existe bien d’autres manières de s’adapter aux variations : en pilotant une partie de la demande (par ex. en déclenchant ou éteignant les chauffe-eau, comme aujourd’hui en heures creuses), avec du stockage (giga batterie, batteries des futures voitures électriques en V2G, air comprimé, stockage gravitaire via une STEP classique ou avec un liquide ultra visqueux ou des blocs de béton, volants d’inertie, giga condensateurs…), ou de l’effacement (on paye les industriels ou les particuliers, par exemple qui rechargent leur voiture, pour ne pas consommer à un moment donné : un parc de 15 millions de voitures électriques, dont 80% peuvent décaler leur charge de quelques heures peut permettre d’effacer 84 GW, ce qui est énorme, sur la base de chargeurs de 7kW, ce qui est une hypothèse basse).
    Ces solutions de stockage sont très diverses et de plus en plus compétitives, par exemple, le coût du stockage par batterie a diminué de 85% en 10 ans.
    De nombreux pays investissent massivement pour les développer à grande échelle (mais ce n’est pas le cas de la France):
    Les chinois investissent dans un système américain de stockage gravitaire avec blocs de béton de 2GWh, les américains ont déployé 5GWh de batteries en seulement 3 mois et investissent dans des installations de stockage à air comprimé de 4 GWh, les foyers allemands s’équipent massivement de batteries pour stocker l’électricité de leurs panneaux solaires.
    Tous les moyens de stockages possibles sont détaillés dans le rapport RTE, qui chiffre à 17% le besoin de stockage.
    RTE dit clairement que, contrairement à ton village, on n’a pas besoin de 100% de back-up.
    Par ailleurs, RTE est en train de relever un des défis technologiques pour la stabilisation d’un réseau 100% renouvelable grâce à de l’électronique de puissance et des rotors qui tourneraient à vide pour assurer l’inertie du système.
    Et les australiens ont réussi à atteindre le 100% renouvelable pendant 1h sans défaillance du réseau : c’est bien la preuve que c’est possible.

    D’autre part, le nucléaire lui aussi a besoin de flexibilités si on veut se passer des centrales fossiles (françaises ou européennes) qui permettent aujourd’hui d’éviter le black-out pendant les pics. Le scénario Terrawater, qui propose de construire beaucoup plus d’EPR2 pour rester à 70% de nucléaire (alors que RTE dit qu’EDF et Framatome annoncent que 50% est le maximum atteignable pour la filière) nécessite de tripler les STEP actuelles en France, ce qui obligerait à noyer 250 km² de vallées et exproprier des milliers de personnes pour créer de nouveaux barrages.

    Tu dis « ils mettent en avant que le renouvelable coûte moins cher que d’autres solutions (notamment le nucléaire). Ce faisant, ils oublient de prendre en compte les coûts du stockage indispensables comme la nécessité d’un réseau beaucoup plus important. »
    RTE a (re)fait les calculs, et, même en prenant des hypothèses très favorables au nucléaire, les scenarios N3 (50% nucléaire) et M23 (100% EnR) sont au même prix. Cf 2eme version du rapport, de février 2022, imposée à RTE par référé de la cour des comptes avec le cout des déchets et les vrais taux d’actualisation (mais publiée au cœur de l’été, tu ne l’as peut-être pas vue ?)

    Tu dis « la production éolienne peut varier beaucoup aussi sur des intervalles courts
    La semaine passée, elle a varié entre un maximum de 8123 MW le 23 à 18 h vers un mini de 1302 MW le 25 à 23 h 45. »
    Quand on regarde la maille d’une journée de production, on peut dire aussi que le nucléaire est incapable de faire face aux variations de la demande. Par exemple toute la journée du 25 janvier, on a entre 5 et 8 GW d’imports, et pour passer le pic du soir, on a eu besoin de 8,3 GW d’import et de 13,5 GW de fossiles, preuve que le système actuel a au moins besoin de l’équivalent d’une vingtaine de réacteurs nucléaires en back-up pour pallier ses manques de production. C’est pourquoi Terrawater veut tripler les STEP…

    Tu dis « L’Allemagne a déjà consacré des centaines de milliards d’euros à sa transition énergétique, dont plus d’une centaine pour son seul réseau électrique. Pourtant, elle a toujours d’importantes émissions de CO2. Et on ne voit pas l’horizon « 100% renouvelables ». »
    C’est effectivement vrai, mais plusieurs remarques :
    1) Les émissions Allemandes baissent tous les ans depuis des années, et ce malgré la fermeture des réacteurs nucléaires. Elles vont devenir nulles en 2035 puisqu’ils prévoient 100% renouvelables à cette date
    2) Au contraire, les émissions en France ont nettement augmenté en 2022, à cause de la défaillance du parc. La diminution de la production nucléaire en France entraine une forte hausse de CO2, contrairement à ce qu’il se passe en Allemagne, parce que nous sommes très en retard sur les EnR et que les 2 premiers EPR2 ne seront pas finis avant 2037 (si EDF respecte les délais)
    3) Ne regarder que l’électricité pour le CO2, alors que l’indicateur pertinent pour la crise climatique est l’empreinte carbone fausse la comparaison : environ 10 t/hab/an pour la France et l’Allemagne, contre 7,2t en moyenne en Europe.
    4) Leurs centrales gaz pourront fonctionner au biogaz, au gaz de synthèse ou à l’hydrogène. Coût méthane de synthèse : 160€/MWh, d’après RTE : on est pas loin du coût du nouveau nucléaire, sans les déchets ni les risques. C’est même moins cher qu’un EPR qui ne serait utilisé que pendant les pics. Les centrales gaz seront beaucoup plus souples pour être mobilisées pendant les pics, contrairement au nucléaire.

    Seule la France est énormément en retard sur les renouvelables et le stockage, et rien qu’en 2022, cela nous a couté 7 milliards d’importations d’électricité à nos voisins.
    Ce montant aurait été nettement réduit si la France avait respecté ses propres engagements européens, contrairement à tous les pays qui les ont atteints ou largement dépassés.
    La France devra payer un demi-milliard de pénalités à cause de cela, plus les 7 milliards.
    Et vu les retards prévisibles de l’EPR, je crains qu’à l’avenir on doive acheter bien plus que 7 milliards de courant à nos voisins.

  5. Gérard Bardier Gérard Bardier Auteur de l’article | 30 janvier 2023

    Source de secours donne le sentiment que le recours est rare, voire exceptionnel. On n’est pas ici dans cette situation. Pour donner un exemple évident, le solaire a besoin d’un back-up la nuit, une situation qu’on ne peut guère qualifier de rare
    Mais la production éolienne peut varier beaucoup aussi sur des intervalles courts
    La semaine passée, elle a varié entre un maximum de 8123 MW le 23 à 18 h vers un mini de 1302 MW le 25 à 23 h 45. Elle est remontée progressivement à un maxi de 8210MW le 27 à 8 h 30, avant de redescendre à 1093 MW le 29 à 11 h
    Cela fait de sacrés montagne russes
    et un back-up très fréquemment sollicité !

  6. Jean-Claude Herrenschmidt Jean-Claude Herrenschmidt 29 janvier 2023

    Merci Gérard. Peut-on traduire backup par source de secours ?

  7. Gérard Bardier Gérard Bardier Auteur de l’article | 25 janvier 2023

    Une unité de production pilotable est une unité dont on peut piloter les variations de production. Pour les unités non pilotables, les variations sont subies
    Prenons l’exemple de l’hydraulique. De nombreux aménagements ont été construits le long du Rhône pour en récupérer une partie de l’énergie potentielle liée à la descente de l’eau. On pense souvent aux grands barrages des Alpes, mais il y en a aussi tout le long du fleuve. https://www.lescircuitsdelenergie.fr/fr/carte/
    Ces centrales sont dites au fil de l’eau (ce qui est un raccourci, il y a de fait une chute et en général un canal de dérivation). Leur production est directement liée au débit du fleuve, au moins jusqu’à un niveau maximal (au-delà l’eau passe par le canal de dérivation). On ne peut la faire varier volontairement qu’à la marge, faute de retenue d’eau suffisante. Celle-ci n’est d’ailleurs même pas indiquée dans la description de ces barrages. https://fr.wikipedia.org/wiki/Centrale_hydro%C3%A9lectrique_de_Br%C3%A9gnier-Cordon
    Les grands barrages comprennent à l’opposé une possibilité de retenue d’eau très importante. Il a fallu un an et demi pour remplir le lac de Serre Ponçon, derrière le barrage du même nom. La superficie du lac est de 28 km2. L’existence de cette réserve permet de faire varier la production électrique avec toutes les valeurs comprises entre 0 et la puissance maximale. https://fr.wikipedia.org/wiki/Lac_de_Serre-Pon%C3%A7on
    L’existence d’un stockage permet de produire à un moment donné plus que le débit instantané de la rivière (ou du fleuve) qui l’approvisionne. Ce qu’on ne peut pas faire ni avec une centrale au fil de l’eau ni avec une éolienne ou un panneau solaire.
    Les STEP (station de transfert d’énergie par pompage) sont le nec plus ultra du pilotable, puisqu’elles permettent de retirer de l’énergie du réseau pour la stocker, avec un rendement très satisfaisant
    https://www.edf.fr/hydraulique-lot-truyere/chantier-de-montezic-ca-demonte/une-step-comment-ca-marche
    Voir aussi ici : https://www.edf.fr/groupe-edf/espaces-dedies/l-energie-de-a-a-z/tout-sur-l-energie/produire-de-l-electricite/les-differents-types-de-centrales-hydrauliques
    Les éoliennes et les panneaux solaires sont également non pilotables : leur production dépend uniquement de facteur non maîtrisables que sont le vent et le soleil. Il doit probablement être possible de faire des arrêts pour maintenance, mais cela nécessite sans doute une intervention humaine complexe.
    On notera un avantage des installations non pilotables : elles n’ont pas besoin de pilote ! Ce qui signifie des dépenses de fonctionnement limitées.
    Les centrales nucléaires ou au charbon sont au contraire pilotables : on peut faire varier leur production avec des délais assez faibles (en heures, voire en minutes). Il suffit de réduire le débit d’arrivée du combustible. En France, les centrales nucléaires sont souvent ralenties la nuit et le week-end pour s’adapter à la baisse de la demande. Voir par exemple soir du 18 janvier https://www.rte-france.com/eco2mix/la-production-delectricite-par-filiere#

  8. Jean-Claude Herrenschmidt Jean-Claude Herrenschmidt 24 janvier 2023

    J’ai besoin d’une explication : qu’entend-on par pilotable ?

  9. Gérard Bardier Gérard Bardier Auteur de l’article | 21 janvier 2023

    j’ajouterai dans les productions prioritaires les centrales hydrauliques dite au fil de l’eau, également non pilotables, contrairement aux grands barrages et aux STEP

  10. Gérard Bardier Gérard Bardier Auteur de l’article | 21 janvier 2023

    Personne n’arrête une éolienne en fonction de la production; Sinon, on ne se retrouvait pas avec des prix négatifs de l’électricité comme cela est encore arrivé il y a quelques semaines. Il n’y a pas de répartition de la demande; les productions non réglables (éolienne et solaire) sont prioritaires sur tous les autres
    Deux raisons arrêt d’une éolienne
    un problème technique (ou un besoin de travaux de maintenance, je suppose que cela arrive)
    un vent trop fort : la plupart des éoliennes s’arrêtent automatiquement si le vent est trop fort car risque de casse

  11. Francois BRun Francois BRun 20 janvier 2023

    Une question : RTE est obligé dd’achetr une part de la production électriques des installation de type ENR mais laquelle ? Qui décide du déclenchement de la production d’une éolienne (une éolienne (on a tous vu des éolienne à l’arrêt alors qu’il y avait du vent)
    et qui répartit la demande (j’imagine qu’il y a une question d’égalité de traitement économique entre tous les détenteurs de ces outils de production)? Bref il y a beaucoup de choses à encore comprendre dans cette gestion des ENR.
    Les choses étaient quand même plus simple quand nous n’avions qu’un seul producteur et un seul distributeur qui s’appelait EdF !

  12. Jean-Claude Herrenschmidt Jean-Claude Herrenschmidt 20 janvier 2023

    Voilà une mise au point qui était tout à fait nécessaire.
    Avec peut-être un petit bémol.
    Tous ces investissements et vente d’énergie verte ne sont pas du tout illusoires.
    Les fabricants d’éoliennes en savent quelque chose et les investisseurs qui profitent de la manne des aides publiques le savent bien. Ça rapporte gros. Et ce n’est pas une illusion.
    Sauf à admettre que l’économie n’est qu’une science à vendre de l’illusion.

    • François François 17 février 2023

      Objection.

      Voici ce que dit la CRE : « toutes les filières d’énergies renouvelables en métropole continentale représenteront des recettes pour le budget de l’Etat, pour une contribution cumulée de 30,9 Md€ au titre de 2022 et 2023 »

      https://www.cre.fr/Documents/Deliberations/Decision/reevaluation-des-charges-de-service-public-de-l-energie-pour-2023

      Contrairement aux énergies fossiles dont les super profits ont été taxés à 20%, ceux des énergies renouvelables ont été taxés à 100% et l’ensemble des subventions perçues par les EnR depuis le début seront bientôt remboursées.

      Les EnR sont tellement rentables que c’est une véritable machine à cash pour les finances publiques et pour les investisseurs, contrairement au nucléaire : EdF n’arrive pas à trouver des investisseurs pour ses EPR.

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