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Une explosion des tirs policiers mortels ?

Dans un article de LGdS du 27 septembre intitulé « Refus d’obtempérer, refus de République » j’annonçais un article à propos des tirs de forces de l’ordre, sujet dont l’actualité suit précisément celle relative aux refus d’obtempérer.

Une explosion selon Libération

Selon Libération, (23 septembre 2022), « L’analyse statistique menée par trois chercheurs établit une corrélation entre une loi sur la sécurité intérieure votée en 2017 et la multiplication par cinq du nombre de personnes tuées par des agents dans un véhicule ».

Le journal n’hésite pas à parler de l’explosion des tirs policiers mortels. Trois chercheurs s’expriment sur les causes de ces homicides. Ils estiment que le cadre juridique de l’usage des armes qui a été assoupli en mars 2017 avec le vote par la majorité socialiste de l’article 435-1 du code de la sécurité intérieure, est la raison principale de cette situation. Ce texte permet notamment aux forces de l’ordre d’ouvrir le feu en cas de refus d’obtempérer d’un véhicule, si « les occupants sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui ». Une situation où les agents peuvent donc tirer alors qu’il n’existe pas une menace réelle et imminente pour eux ou d’autres personnes – il suffit qu’elle soit « susceptible » de survenir.

Crédit : Wikimédia Commons

Les tirs sont-ils plus mortels ?

Tirs mortels de policiers à Paris : Neuf tirs et des questions sur la légitime défense des forces de l’ordre lors des contrôles routiers titrait 20 minutes récemment.

Est-ce donc la proportion de tirs occasionnant le décès du contrevenant qui progresse trop rapidement ? L’évolution est-elle homogène entre policiers et gendarmes ?

En 2018, un article du Parisien relayait le dernier rapport de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN). La police n’a jamais autant ouvert le feu en France. Ces tirs interviennent souvent dans le contexte de contrôles routiers tendus marqués par le « refus d’obtempérer » du conducteur.

Le dernier rapport de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) pointe une forte hausse l’année dernière. Soit environ 400 tirs, représentant une augmentation de… 54 % par rapport à 2016. La police des polices est alors systématiquement saisie, que l’ouverture du feu semble légitime ou non. Cette tendance correspond à l’application de la nouvelle loi de février 2017 précitée. Celle-ci a élargi les règles de la légitime défense notamment dans un but de meilleure prévention du terrorisme. Depuis, les policiers peuvent faire usage de leur arme sans risquer d’être sanctionnés, en particulier en cas de la présence d’un véhicule « dont les occupants sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui ».

Les gendarmes sont eux aussi concernés par cette tendance à la hausse, mais dans une moindre proportion. Dans la très grande majorité des cas, les fonctionnaires ont recours au pistolet Sig Sauer 9mm de dotation.

Dans son dernier bilan, l’IGPN a aussi rendu public un indicateur mis en place à l’initiative de sa directrice, Marie-France Monéger-Guyomarc’h : le nombre de personnes tuées à la suite d’intervention de police. Quatorze au total entre juillet 2017 et mai 2018, qu’elles aient été touchées par balles, qu’elles soient mortes noyées ou par accident dans leur fuite ou qu’elles se soient suicidées lors de l’intervention des forces de l’ordre.

Selon le ministre, la situation semble cependant, s’être améliorée depuis le rapport de l’IGPN précité.

« Les tirs des policiers et des gendarmes ne sont pas particulièrement en augmentation » indique le ministre

Chiffres à l’appui, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a affirmé mardi 20 septembre devant la commission des Lois de l’Assemblée nationale que « les tirs des policiers et des gendarmes ne sont pas particulièrement en augmentation » lors des refus d’obtempérer, alors qu’au moins neuf personnes sont mortes depuis le début de l’année, tuées par des tirs de policiers dans cette circonstance selon un décompte de France info. Gérald Darmanin compte les tirs des policiers et des gendarmes. « 137 en 2016, 202 en 2017, 170 en 2018, 147 en 2019, 153 en 2020, dont je rappelle que c’était une année Covid où il était censé y avoir moins de véhicules sur la route, 157 en 2021. Si je compare avec les années pleines de 2018 et 2017, ils tirent même en proportion moindre que dans les années avant le Covid, conclut-il. »

Il rappelle qu’à chaque fois qu’un policier ou un gendarme utilise son arme de service une enquête est ouverte et il est entendu par un magistrat. 

Tirs maîtrisés ou pas ?

« C’est la première fois qu’ils utilisaient leurs armes », indique par ailleurs l’avocat des policiers, Me Laurent-Franck Liénard, sur France info. …  [Ils sont] terriblement éprouvés. Ils ont entre 25 et 30 ans, effectivement jeunes, et n’ont jamais tiré [avant le 3 juin 2022 dans la matinée]. Les trois personnes en garde à vue ont fait usage de leur arme. J’ai écouté des gens qui étaient dévastés, en larmes, complètement abasourdis. C’est vraiment terrible cette expérience de garde à vue, cette expérience de l’épée de Damoclès judiciaire. C’est très difficile à supporter. Ils ont tous exprimé leurs regrets profonds du décès de la passagère, parce qu’évidemment un policier se lève le matin pour sauver des vies, pas pour donner la mort.».

Pour le syndicat CFDT Alternative Police, « il ne faut pas oublier que nous sommes majoritairement formés à ne pas utiliser l’arme. L’objectif est d’éviter le tir autant que faire se peut. Néanmoins, pendant la formation initiale, qui est revenue à une durée de douze mois après une période pendant laquelle elle ne durait plus que huit mois – ce qui était une aberration sans nom –, il existe évidemment des cours sur l’arme….

Du côté de la formation continue, nous sommes dans une situation inquiétante que nous dénonçons depuis plusieurs années. Tous les agents ont normalement obligation de participer à trois séances de tirs par an. Trois séances de 30 cartouches pour être précis. C’est trop peu…

Savoir bien tirer est important, mais savoir quand tirer est le plus difficile. Nous avons des cours avec des cibles mouvantes de forme humaine. Quand elles apparaissent, elles peuvent être armées ou non, on doit prendre la décision de tirer ou pas en un dixième de seconde…

C’est une analyse qui sera toujours subjective…car chaque situation est si différente. Un collègue peut estimer avoir été en insécurité suffisante, tirer, puis une analyse conclura plus tard que non, en se décalant d’un mètre, le policier pouvait se sortir de la situation sans tirer. J’ai déjà vécu cette situation et, heureusement, je n’ai pas tiré. Vous n’imaginez pas à quel point cela est rapide, à quel point il peut être difficile de trouver une autre solution que le tir. C’est très compliqué de faire l’analyse de notre environnement. C’est d’ailleurs toute la complexité des règles, que l’on apprend en école, de la légitime défense…

De toute façon, plus il y aura de formation, plus ce sera bénéfique et sécurisant, pour les agents en premier lieu. Quand on connaît bien son arme et que l’on a une bonne assurance avec, on maîtrise beaucoup mieux la situation. On se laisse moins emporter par des émotions ».

Tirs légitimes sur le principe mais formation à renforcer…

En définitive, nul ne contestera aux forces de l’ordre d’avoir à prendre la décision de tirer en un quart de seconde lorsqu’elles jugent que la situation rend nécessaire cette action de dernier recours pour éviter le pire.

Le droit règne dans ce domaine dans la mesure où après tout tir d’un membre des forces de l’ordre, une enquête est systématiquement ouverte par L’IGPN ou l’IGGN et le tireur auditionné par un magistrat.

Mais les citoyens que nous sommes devons exiger des pouvoirs publics de tout mettre en œuvre pour que policiers et gendarmes se servent de leur arme dans les meilleures conditions de sécurité pour la collectivité. Le maintien du niveau de compétence est de ce point de vue une nécessité aussi bien par la formation initiale que par la formation continue

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