Le projet de restructuration de la place Charles de Gaulle suscite des réactions, des interrogations, et même des oppositions. La Gazette en a rendu compte récemment en donnant la parole à Maud Bonté qui animait le samedi 9 avril un rassemblement de protestation. L’opposition s’appuyait sur quatre arguments principaux : l’identité du centre-ville est sacrifiée, les arbres sont abattus, la bétonisation, l’absence de pistes cyclables. Nous les avons soumis à Patrice Pattée, adjoint au maire en charge de l’espace public et des mobilités, qui a accepté d’y répondre.
L’identité du centre
MZ : Commençons, si vous le voulez bien, par le plus général, le plus difficile à définir : l’identité du centre-ville. On peut y investir bien des choses, chacun a son imaginaire. Mais du point de vue de la commune, comment la voyez-vous ?
PP : Ne nous voilons pas la face, le secteur de la place De Gaulle ne constitue pas le centre-ville de Sceaux au sens de la place du village, mais un simple croisement de deux voies départementales. Aujourd’hui le centre-ville où l’on aime se retrouver se situe plutôt du côté de la rue piétonne, le parc de la Ménagerie, l’église et le marché. Outre l’absence de lieu de convivialité sur cette place, il ne constitue même pas une marque identitaire de la ville, loin de là. L’esprit village caractérise avant tout la vitalité du lieu, souvent inspirée par la forme urbaine, la dimension des espaces publics, la qualité des aménagements et bien sûr très fréquemment la présence des commerces ou plus largement des lieux e convivialité.
La place Charles-de-Gaulle est aujourd’hui un non-lieu. Elle n’est pas le centre-ville, c’est un espace en creux qui n’a rien à voir avec la qualité urbaine de la ville. Il y a des raisons historiques à cette situation qui remonte aux années 1930, lorsque le Conseil général a fait démolir l’îlot Voltaire, à cause de son insalubrité et surtout élargir les rues Voltaire et Houdan. Comme chacun peut le constater, lorsque le bâti n’a pas pu être démoli, la largeur de l’espace dévolu à l’automobile a prévalu sur l’espace piéton, la largeur du trottoir à l’angle de la rue Houdan et de la place de la Poste en atteste.
La municipalité souhaite sortir de cette situation. Elle s’est entourée de compétences pouvant inspirer des projets innovants. Elle s’est positionnée sur l’appel à projets urbains lancé par la métropole du Grand Paris en 2017. La ville a fait réfléchir des urbanistes qui ont suivi eux-mêmes, au milieu des Scéennes et des Scéens, les soirées « Parlons ensemble du centre-ville » organisées par la municipalité en 2018. Le jury de la métropole du Grand Paris a sélectionné et classé trois propositions élaborées par de grands professionnels. Celle de Christian Devillers que le jury a classé en première position est du niveau d’un cabinet dont la notoriété s’est justement construite sur les projets urbains (prix de l’Equerre d’argent en 1984, grand prix de l’urbanisme en 1998).
Leur proposition de prolonger la rue piétonne jusqu’à la place de La Poste en revisitant l’implantation de l’îlot bâti en bordure de la rue Houdan permet parallèlement de reprendre l’axe de la rue Houdan elle-même dans le prolongement de l’avenue de Camberwell. Le centre du giratoire s’en trouvera décalé pour rendre plus lisible cet axe est-ouest (rue Houdan – rue Camberwell).
Un des fondamentaux du projet, pour nous, est de redonner des trottoirs confortables aux piétons en ce lieu afin d’y installer la vitalité que nous apprécions aujourd’hui vers le secteur de la rue piétonne / Ménagerie / place de l’église.
Ce que nous prendrons à la voiture, nous le donnerons aux piétons. C’est ainsi que se construit l’esprit village.
Je veux le répéter : le projet Charles de Gaulle n’a pas été concocté dans notre coin, isolément. C’est un ouvrage collectif émanant des contributions des Scéens mis en forme par des professionnels.
Pour les études d’architecture, la démarche a été la même : plusieurs architectes de l’agence Cobe ainsi que l’agence Bechu ont apporté leur expertise sous le contrôle de l’architecte des Bâtiments de France.
Les arbres sacrifiés?
MZ : J’en viens au patrimoine végétal. Vous savez que certains accusent la ville de vouloir le détruire.
PP : Je le répète et le répéterai que nous ne voulons pas supprimer la présence des arbres en ce lieu, mais renouveler les marronniers attaqués aujourd’hui par la mineuse. Nous voulons les remplacer par des arbres qui contribueront à forger une identité au lieu. Le choix des essences n’est pas encore fait ; en revanche le projet vise la création de beaux espaces piétons arborés et ombragés.
Tous ces beaux arbres qui contribueront à recréer ce lieu et cette extension du centre-ville seront plantés en pleine terre afin de leur apporter toutes les conditions d’un beau développement.
MZ : A quoi pensez-vous ? Avez-vous déjà des essences en vue ?
PP : Non, d’ailleurs la question est ouverte à la discussion. De mon côté, j’imaginerais bien que la ville s’inscrive dans l’héritage des cèdres dont elle a la chance d’être riche. Mais c’est personnel. Ce n’est pas un dogme.
MZ : Où voulez-vous donc planter ces arbres en pleine terre si le parking est en dessous ?
PP : Bien évidemment que ces arbres ne seront pas plantés au-dessus du parking enterré, personne n’a jamais pu installer des arbres de grand développement sur un ouvrage en béton puisqu’il faut bien souligner que personne ne conteste la programmation de ce parking.
C’est pourquoi, pour être à la hauteur de l’enjeu, nous avons choisi trois lieux pour planter des arbres en pleine terre : sur le carrefour, sur la pointe sud du parking et sur la place de La Poste.
La bétonisation
MZ : Venons-en maintenant à l’accusation de bétonisation.
PP : Etes-vous conscient de la dimension du projet ! Nous ne parlons que d’une soixantaine de logements ! Nous ne sommes pas à l’échelle des grands programmes que nous pouvons suivre dans le sud du département, ni même du quartier des Quatre-Chemins qui a été fléché dans le PLU pour accueillir les nouveaux logements de Sceaux, à proximité de la station RER de Robinson.
Le projet de la place du Général de Gaulle, lui-même inscrit au PLU de 2010 dans la rubrique « secteur de projet » est un sujet totalement différent. Le but est de reconstituer cette partie du centre-ville et d’y développer une extension du secteur économique / commerçant de la ville. Son point fort est le commerce et pour le soutenir nous voulons ajouter une quinzaine de boutiques nouvelles…. Et pour faire des boutiques, il faut des pieds d’immeubles sinon, c’est un centre commercial ! Ce n’est certainement pas ce que nous voulons. Les petits immeubles qui accueilleront ces boutiques, puisque tous les linéaires de pied d’immeuble seront dévolus aux commerces et services permettront de créer deux nouvelles voies piétonnes.
MZ : Si l’on comprend bien, vous souhaitez étendre l’image de la rue Houdan jusqu’à la place de La Poste en intégrant les rues du four et Voltaire. Vous voulez « faire rue » avec des commerces de part et d’autre. Mais comment justifiez-vous l’absence de pistes cyclables dédiées ? Elle a été particulièrement ressentie dans la mesure où le projet, en restructurant complètement la place, devrait a priori laisser l’espace nécessaire à leur aménagement.
PP : C’est un reproche à notre projet que je connais et qui me touche personnellement, car je suis un cycliste de longue date. Je suis très engagé au niveau national pour développer ce mode de déplacement en substitution des modes motorisés et de la voiture en particulier. C’est une cause que je défends depuis bien plus longtemps que les nouveaux cyclistes. Ce n’est donc pas par négligence pour cette cause que nous avons choisi une option différente le long de ce secteur. Notre priorité en ce lieu est le piéton dans le prolongement de la politique d’Erwin Guldner engagée dans les années 60 / 70 avec la création de la rue piétonne.
Une logique piétonne
Vous savez bien que pour moi, le cycliste ne s’oppose pas au piéton. Mais il faut aider les piétons à défendre leurs droits dans ces espaces très convoités et qui doivent être avant tout partagés. Il faut aider chacun à admettre le partage de cet espace public et l’accepter. La piste cyclable spécifique distincte en ce lieu sera forcément pratiquée comme une « autoroute », ne va pas dans le sens de cette prise de conscience.
En revanche, en ramenant la circulation à 30km/h, comme nous l’avons fait et peut-être demain à 20km/h, nous avons la conviction que les cyclistes auront la possibilité d’être dans un espace partagé qui les sécurise. Et que ce partage est le plus raisonnable.
MZ : Que dîtes-vous de l’engorgement qui subira la rue Houdan ? Il y aura des bus, des voitures, des cyclistes. Comment ne pas craindre des embouteillages à la fois polluants pour les Scéens et dissuasifs pour les clients des commerces de la ville ?
PP : Ne croyez pas que ce point ait été ignoré. Mais il faut que vous sachiez que notre projet est copiloté avec le département, propriétaire à ce jour des deux voies concernées. Il nous apporte des compétences qui évaluent les flux et des propositions de « recalibrage » des voies compatibles avec le trafic actuel et futur. J’ajoute, sans y souscrire, qu’il y a un retour possible. Nous ne réduisons pas les emprises dévolues à l’espace public. Nous opérons simplement un arbitrage entre chaussée et trottoir. Les trottoirs sont pour nous l’axe essentiel. Il n’est pas interdit d’imaginer que demain les flux de voiture vont encore baisser, puisque c’est la tendance et que les vélos disposeront entre plus d’espaces aux côtés des piétons.
Pour en revenir à la question de fond et reboucler sur votre première question, il est vrai que notre projet est dans une logique piétonne. Elle est pour nous celle qui correspond le mieux à l‘identité du lieu qui est fondée sur l’activité commerçante. La place de Gaulle est aujourd’hui un « non-lieu » qui a subi les à-coups du développement de la voiture des années 60/70. Nous considérons aujourd’hui qu’il est de la responsabilité de la commune de la transformer et de l’inscrire dans une volonté de rayonnement.
[…] Maurice Zytnicki dans Le projet de la place Charles de Gaulle vu par Patrice Pattée […]
Pauvres piétons qui n’auront pour toute verdure que quelques bacs de fleurs çà et là, ou des géraniums accrochés à quelques balcons en été. La plupart des arbres actuels disparaissent sur cette « zone ». Les quelques pins prévu couvriront le sol d’aiguilles et de chenilles processionnaires (qui installent leurs nids au sommet des branches). J’espère que les piétons n’auront pas à se protéger des cyclistes, trottinettes et gyroroues qui roulent souvent sur les trottoirs.
Ce quartier sera plus urbanisé qu’à Paris où les rues sont presque toutes arborées et plus larges, car ici elles sont très étroites. Les immeubles seront-ils au moins de couleurs claires et non par noire comme la nouvelle bibliothèque qui ressemble à un funérarium? Les architectes modernes ont des goûts très limités en matière de couleurs: noir ou gris, au choix.
Quant aux encombrements, c’est un voeu pieux que de croire qu’il y aura moins de voitures, malgré le vieillissement de la population et toutes les constructions aux alentours, surtout à Chatenay. Elles traverseront Sceaux, sinon par ce carrefour (qui sera forcément saturé en permanence), au moins par d’autres carrefours déjà saturés, comme celui de Robinson. Merci pour leurs riverains.
D’accord pour quelques immeubles nécessaires, mais pas autant!
Qu’en est-il du projet d’école de cuisine ?
Merci pour ces réponses claires et cette vision dynamique du prolongement de la rue piétonne !
Bonjour Lisandre,
Le projet d’école de cuisine, à ma connaissance, est abandonné. Hélas.
L’absence d’un élément phare pour cette place est l’aveu d’une vision d’urbanisme des années 1980.
Aucun lieu de rencontre, pas de place arborée, à l’abri de la circulation, signant le côté village et paisible de Sceaux. Aucune place à l’humain dans ce projet, qu’une vision commerciale: des boutiques et encore des boutiques.
Même les restaurants vont perdre leurs terrasses.
Sans parler de l’absence de pistes cyclables qui amèneront les cyclistes à rouler sur les trottoirs. C’est triste …
Mais demandons à Mr Pattée quand sera publié le Permis de Construire qui n’a toujours pas été délivré?