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Quelle agriculture pour quelle nourriture ?

J’ai regardé comme prévu l’émission d’E=M6 consacrée à l’agriculture. On pourrait d’ailleurs dire qu’elle était d’abord consacrée aux agriculteurs, dont elle montrait une image positive, quels que soient leurs choix techniques, bien loin de l’agro-bashing ressenti ces derniers temps par la profession.

L’introduction m’a semblé longue : elle annonçait en boucle les sujets à venir. Mais la suite m’a paru au contraire très bien construite, alternant le fil de la production du blé sur 9 mois avec le traitement successif des autres sujets.

Les réponses aux questions

Dans l’annonce de l’émission, quelques questions avaient été posées. Pour ceux qui n’ont pas suivi l’émission, voilà les résultats.

  • Les œufs de poules élevées en batterie sont-ils moins bons que ceux des poules élevées en plein air ? Il n’y a pas de différence observable, ni au goût ni à l’analyse. La seule différence est le bien-être des poules (qui se paie d’un prix supérieur).
  • Nos vaches mangent-elles encore de l’herbe ? Quelle incidence sur la qualité du lait ? Une partie des vaches (en zone de montagne, mais pas que) mange de l’herbe (en été) ou du foin (en hiver) tandis que d’autres ne mangent que du maïs toute l’année ; les premières ont un lait plus riche en oméga 3 (ce qui se retrouve dans le beurre et le fromage).
  • Quelle différence y a-t-il entre une baguette faite à partir d’un blé bio ou à partir d’un blé conventionnel ? Aucune différence, ni à l’analyse ni au goût. Il n’y a pas de résidus de pesticides, quel que soit le mode de production.

L’émission a également abordé le cas des tomates (pas de différence selon qu’elles sont cultivées hors sol ou en pleine terre) ainsi que celui de l’élevage du porc et de la fabrication du jambon, le tout à la gloire de la qualité française !

Les techniciens consultés ont généralement précisé que les différences de goût étaient liées aux variétés utilisées et non aux modes de production.

Le cas du blé et les différences entre modalités de production

E=M6 a suivi une agricultrice et deux agriculteurs, pratiquant respectivement l’agriculture conventionnelle, l’agriculture biologique et l’agriculture de conservation des sols (ACS, la Gazette a depuis octobre dans ses cartons un article sur cette agriculture et se fera un plaisir de le publier prochainement). 

Les blés produits ne sont pas différentiables par l’analyse des éléments ou par le goût du pain, mais E=M6 a souligné quelques différences.

En enfouissant un tee-shirt en coton dans la terre et en le récupérant 3 mois après, l’animateur cherchait à observer la vie du sol : le coton est mangé par les micro-organismes ou les vers de terre…s’il y en a ! Il y en avait dans les trois cas, mais plus en ACS, en encore plus en bio. Le résultat en bio a été expliqué par l’utilisation assez massive de fumier (l’agriculteur concerné a aussi un troupeau de moutons) plutôt que d’engrais synthétique.

L’année 2020 a été méthodologiquement difficile pour les trois exploitations, ce qui a affecté les rendements obtenus, inférieurs aux années précédentes : 9tonnes/ha pour l’agriculture conventionnelle, 6tonnes/ha pour l’exploitation en ACS et 4tonnes/ha pour celle en bio.

Technique et expertise

L’ensemble de l’émission donne le sentiment d’une profession qui a su évoluer techniquement (outils et installations) et en compétences (une bonne maîtrise des cycles de production, des facteurs de réussite, des mécanismes à l’œuvre).

La parole a été donnée régulièrement à un expert de l’INRAe :  Serge Zaka, qui se présente sur Linkedin comme « Expert scientifique, docteur-chercheur en agro-climatologie chez ITK – Membre du conseil d’administration d’Infoclimat – Chasseur d’orage ». Celui-ci m’a paru tenir des propos raisonnables, tout en soulignant que chacune des méthodes avait vocation à être encore améliorée (ce que soulignaient aussi les agriculteurs concernés).

Sur les rendements, il a souligné une des limites du bio : une plus grande variété des productivités selon les années, et un rendement qui, si on ne produisait que bio, conduirait la France à importer une partie de sa nourriture, ou à défricher une grande partie des forêts.

Premières réactions

La Fédération nationale de l’agriculture biologique (FNAB) a réagi négativement lundi, en relayant sur Twitter un article de Télérama et en reprochant à l’animateur son manque de neutralité sur le sujet. L’article de Télérama reproche à M6 de présenter comme une émission scientifique la publicité d’un lobby pour une pratique agricole contribuant au réchauffement climatique. Voir aussi ici un article négatif.

Sur Twitter la réaction de la FNAB a reçu peu d’approbations. On trouvera ci-dessous l’un des commentaires, qui a reçu près de 7 fois plus de « like » que le tweet initial :

Un peu de sérieux s’il vous plaît. Je suis agriculteur #bio et personnellement je trouve que cette émission est objective. Au passage rappelez-vous que @MacLesggy est ingénieur agronome.

Un autre, également agriculteur bio, me semble refléter le point de vue de la très grande majorité des agriculteurs :

On est là pour défendre toutes les agricultures. Si vous n’avez pas compris, restez dans votre bulle. #FrAgTw merci à @MacLesggy

Ce dernier tweet reçoit la réponse suivante d’un autre agriculteur : Juste merci. Il y aura demain autant d’#AgricultureS qu’il y aura de consommateurs, faisons-le #TousEnsemble sans nous opposer, sans les opposer, sans les juger, car tous font de leur mieux pour produire en minimisant leur impact sur la planète. Bon semis …

Ces différentes réactions d’agriculteurs sur un réseau social reflètent ce qui a été remarqué plus haut : ils ont fortement apprécié une émission qui décrivait concrètement leur quotidien, les raisons des choix qu’ils font, leur goût pour la qualité et la relation qu’ils ont à la terre…

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