Emmanuelle Charpentier, française, vient de se voir décerner le Prix Nobel de Chimie, qu’elle partagera avec l’américaine Jennifer Doudna. Ce prix récompense leurs travaux pour « le développement d’une méthode permettant de modifier le génome », ce qu’on a appelé CRISPR.
En France ou à l’étranger ?
Tout le monde s’en félicite, à commencer par la ministre de la recherche, Frédérique Vidal. Et là, hurlements : la récipiendaire a certes été formée en France, mais a fait toute sa carrière à l’étranger (aux USA, en Autriche, Suède et Allemagne). Aurait-elle eu les moyens de faire ses découvertes en France ?
Ceux qui pointent cette question soulignent également que les deux prix Nobel français précédents (Esther Duflo en économie et Gérard Mourou en physique) avaient fait à l’étranger les travaux leur ayant valu le prix Nobel.
Depuis la définition au niveau européen de la stratégie de Lisbonne, la France n’a pas augmenté la part du PIB qu’elle consacre à la recherche publique, alors que l’Allemagne l’a augmentée.
Le financement de la recherche
De plus, le mode de financement de la recherche a été modifié : il repose aujourd’hui sur un système d’appel à projets auprès de l’Agence Nationale de la Recherche. Ce système se propose entre autres de fédérer des équipes différentes autour de projets reconnus en principe comme innovants.
Cet objectif est-il atteint ? Impossible à dire pour le profane. Il est cependant possible de pointer une conséquence peu appréciée des chercheurs : le temps passé à remplir des dossiers, à faire de l’administratif plutôt que de la recherche ne fait qu’augmenter et consomme beaucoup du temps des responsables de labo.
L’actualité donne l’occasion de montrer que la sélection n’est pas toujours pertinente, puisque l’IHU du professeur Raoult a bénéficié de financements exceptionnels. Pour finalement servir un discours anti scientifique…
Ce n’est pas qu’une question de financement !
Dans un entretien donné à France TV Berlin, Emmanuelle Charpentier est amenée à répondre à une question sur ce thème. Elle souligne l’importance de la mobilité pour les chercheurs : « J’ai eu l’idée qui a mené au CRISPR au moment de passer d’Autriche en Suède. » Et elle rappelle que la tendance à plus d’administratif n’est pas propre à la France : « Les scientifiques sont débordés par des fonctions ou des demandes administratives et managériales qui prennent beaucoup de temps, par rapport à la science. »
Si elle avait travaillé en France, Emmanuelle Charpentier aurait-elle été financée ? La réponse n’est pas qu’une question de financement. La découverte porte sur un outil qui rend beaucoup plus faciles les modifications génétiques. Lesquelles sont encadrées par de fortes contraintes éthiques, quand elles concernent l’homme. Et par des interdits concernant les OGM. Patrick Cohen l’a expliqué dans son édito du 7 octobre. Sa conclusion : une française est récompensée pour une découverte en partie inapplicable dans son propre pays.
Sur le même sujet, un article de blog assez complet.
En guise de conclusion
Interrogée par France TV Berlin a reconnu à demi-mot que ce Nobel n’est pas une surprise. Il faut dire que sa découverte est suffisamment révolutionnaire pour qu’elle ait déjà bénéficié de plus de 20 prix dans le monde depuis 2014 ! Bravo !