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Balade sous la pluie dans la mairie de Sceaux

La première conférence d’un cycle de trois consacrées au thème de l’eau se tenait mercredi 28 février à l’Hôtel de Ville de Sceaux. L’orateur, Auguste Gires est chercheur au laboratoire Hydrologie, météorologie et complexité de l’École des Ponts ParisTech. L’initiatrice, Florence Presson, maire adjointe en charge des Transitions, souhaite à travers ce cycle relancer l’effort de sensibilisation que la commune mène sur l’importance de l’eau comme ressource à protéger. La présence dans la salle du maire de Sceaux, Philippe Laurent, montre que le sujet tient à cœur.

Si le titre de la conférence (La variabilité de la pluie et la gestion des eaux pluviales en milieu urbain) résonne universitaire, Auguste Gires s’empresse d’emblée de la situer sur le terrain plus sensible d’une balade sous la pluie (on pense à Gene Kelly).

Se distinguer comme deux gouttes d’eau

Les gouttes sont plus mystérieuses qu’il peut sembler et on est invité à prendre le temps de les observer. Sans aller jusqu’à leur prêter des vies propres ni à se jouer une BD dont les bonshommes seraient des gouttes, on suit volontiers Auguste Gires dans ses constats. Les gouttes sont différentes. Quand on les prend sur la tête, elles sont pareilles, mais c’est une illusion. D’abord, leurs tailles vont de 0,2 millimètre jusqu’à 5 millimètres. Ensuite, elles sont de forme sphérique jusqu’à un millimètre ensuite elles deviennent oblongues. Surtout, et contrairement à une idée reçue, elles n’ont pas une forme de larme. Dommage pour la version BD.

Instruments

Qui dit science de la nature, dit instruments. Il fut question de trois. Les pluviomètres mesurent les cumuls de précipitations, l’intensité de la pluie locale. Les disdromètres détectent et classent les gouttes de pluie (et même de la grêle ou de la neige). Les radars font des mesures en altitude et à distance.

Le pluviomètre est comme un entonnoir et il détermine la hauteur de pluie tombée et dans quelle proportion du temps. Ainsi, en région parisienne on a en moyenne 650mm par an et il pleut 7% du temps. « La pluie reste donc un phénomène relativement rare. »

A écouter Auguste Gires, quand il pleut, il faut en profiter. Cette fois-ci, on pense à Brassens et à son Orage.

Le disdromètre mesure la distribution de diamètre et de vitesse de chute des gouttes. Cette dernière, et donc le temps mis à descendre « du ciel bas et lourd » dépend de la taille. Les petites tombent doucement tandis que les grosses se pressent et tombent presque jusqu’à 10m/s. A cette vitesse, elles mettent environ 2 min à descendre d’un nuage à 1 km. On apprend que les plus petites gouttes (1 ou 2mm) sont plus nombreuses que les grosses (4 ou 5mm) et que la répartition des petites est très difficile à modéliser. C’est toujours un sujet de recherche.

Les radars météo  couvrent des zones de plusieurs dizaines de km de rayon. Ils mesurent en altitude jusqu’à 1ou 2km. Ils donnent une information de quantité d’eau dans les nuages. C’est grâce à eux qu’on peut élaborer des successions de cartes de précipitation. Cela dit, dit Auguste Gires, la connaissance des volumes d’eau en altitude ne donne pas simplement les volumes au sol. Sur la trajectoire des goutes dans leur chute, le vent agit et la pluie peut se déplacer de plusieurs kilomètres avant de toucher le sol. En milieu urbain dense, l’impact est important. Se prendre une rabasse à Sceaux ou à Châtillon, ce n’est pas pareil ni pour les habitants ni les bassins de stockage.

Le besoin de statistiques

Le besoin de dimensionnement de ces bassins impose de faire des prévisions. Si l’on veut que le réseau d’assainissement soit capable de gérer des pics de précipitations encore faut-il s’en faire une idée. Les spécialistes utilisent la notion de « de période de retour » d’une pluie. L’idée est de partir d’une durée de pluie, par exemple 1 heure. On se fixe une période de retour de cette pluie, usuellement 20 ans ou 50 ans. Ensuite, à partir de l’historique des relevés, on lance des calculs sur les intensités exceptionnelles pendant 1 heure auxquelles on peut légitimement s’attendre durant 20 ou 50 ans, selon la durée choisie. Une pluie de période de retour 20 ans arrivera en moyenne tous les 20 ans. Ces calculs servent à l’évaluation des risques d’inondation et au dimensionnement des ouvrages de protection contre les crues.

Un défi

On le sait, on l’entend, les extrêmes sont de plus en plus rudes, les inondations se multiplient. Le dimensionnement des équipements de collecte des ruissellements est un vrai défi. D’autant que l’imperméabilisation croissante des sols en lien avec l’urbanisation accroît le volume d’eau à gérer. « Même en Île-de-France, les problèmes d’inondations par ruissellement sont courants. » On apprend ainsi que Jouy-en-Josas était souvent inondée.

« Autrefois, l’eau de pluie était envoyée rapidement vers le milieu naturel. » Si la végétalisation (outre qu’elle permet de lutter contre les îlots de chaleur) améliore l’infiltration dans le sol, elle ne saurait être suffisante en milieu urbain dense. Les avaloirs (les ouvertures le long des trottoirs) évacuent les eaux de ruissellement vers l’égout. L’eau collectée va dans des stations d’épuration avant d’être rejetée dans le milieu naturel. Des bassins de stockage et de dépollution l’eau permettent de faire obstacle (autant que faire se peut) aux inondations. On voit peu ces bassins, car ils sont de plus en plus intégrés dans le paysage urbain et sont parfois souterrains. Celui du parc de Sceaux est des plus discrets.

Comment gérer cela ?

Les collectivités locales sont en charge de l’assainissement des eaux usées et des eaux pluviales. Souvent, elles en délèguent la gestion à une structure intercommunale. Des travaux plus importants échoient au département. Celui des Hauts-de-Seine gère par exemple des murs anti-crues et des collecteurs d’eaux usées. Il existe ensuite des structures plus importantes comme le SIAAP (Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne), une « énorme machine » qui épure des millions de m3 par jour. Il dispose de 6 usines d’épuration, de sites de prétraitement, de relevage, de traitement des sables, de collecteurs, d’équipements de stockage.

Philippe Laurent en fut longtemps vice-président. Prenant la parole, il rappelle son action pour la construction de bassins. Il évoque la construction d’un bassin de stockage de 4 000 m3 destiné à la prévention d’inondations sur le ru d’Aulnay (qui passe par la Vallée aux Loups et alimente le parc de Sceaux) et les travaux de curage du Grand Canal.

Labos et collectivités

Des liens importants existent entre les collectivités et les laboratoires de recherche. Celui d’Auguste Gires est amené à traiter des cas d’étude visant à améliorer des installations. Calculer des probabilités de tel ou tel risque ; comment gérer au mieux les bassins. Souvent, ils ont une double fonction de dépollution et de rétention. On aura appris que si la première est souhaitable tout le temps , la seconde passe devant si les précipitations sont diluviennes. Quelles sont les bonnes pratiques en termes de gestion des stockages ? Voilà une question qui a fait l’objet d’un travail du labo.

Ce qui n’empêche que la pluie, pour elle-même, est au centre de bien des sujets de recherche. On n’en a pas fini avec la modélisation des précipitations ou la prédiction des risques d’inondation. Il y en a sans doute beaucoup d’autres questions. Ce sont du moins celles qu’on a identifiées pendant l’enrichissante conférence d’Auguste Gires.

Les deux suivantes se dérouleront à 20h à l’Hôtel de Ville (122 rue Houdan). Le jeudi 21 mars, Patrick Michely interviendra sur la protection des océans. Le mardi 23 avril, une troisième conférence sera donnée par Johan Kieken sur l’eau dans l’univers. Trois conférences, trois espaces bien différents avec leurs propres problématiques scientifiques, partageant cependant un même souci de, une même attention à une ressource à la fois menacée et incertaine, source de vie selon l’expression consacrée, source de déluge aussi, l’eau.


Pour en savoir plus

La conférence a été filmée: elle est sur la chaîne Youtube de la ville.

  1. Maurice Zytnicki Maurice Zytnicki 21 mars 2024

    Je prends avec plaisir votre compliment. Sachez que je compte continuer. De nouvelles conférences sont prévues. L’eau, trop souvent associée au pastis, reste un mystère à comprendre pour lui-même.

  2. patduvar patduvar 20 mars 2024

    Bonjour,
    Article très édifiant. on ne s’est jamais posé autant de question sur la pluie. On n’imaginait même pas. La pluie c’est la pluie. Cela a du être un grand travail de recherche. Bravo à l’auteur.

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