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Evelyn Askolovitch à Marie-Curie

Dans le cadre de la préparation d’un voyage à Auschwitz, Evelyn Askolovitch témoignait mardi 28 novembre devant environ 80 élèves de terminale du lycée. Elle a vécu dans les camps de concentration entre les âges de 4 et 6 ans. Un témoignage qui illustre le fonctionnement du génocide nazi.

On retiendra ici trois sujets abordés au cours de ce témoignage qui suivait un ordre chronologique. Il faut au préalable noter que la famille d’Evelyn Askolowitch n’est pas envoyée à Auschwitz, car le père a pu se procurer par un cousin un passeport du Honduras. Evelyn Askolovitch est née Sulzbach : c’est aussi l’histoire de cette famille, sa famille, qu’elle raconte.

Le témoignage s’est déroulé dans un silence total.

Conditions de (sur)vie dans les camps

L’intervenante commence en interpellant ses auditeurs :

Pour visiter Auschwitz, vous allez vous habiller chaudement, vêtir des doudounes. Mais vous ne pourrez pas dire en revenant « je sais ». Parce que les déportés qui se trouvaient là n’avaient ni vêtements chauds ni doudounes. Ils n’avaient qu’une espèce de pyjama en coton qui n’était jamais changé, même quand il était trempé.

Evelyn Askolovitch a été successivement dans les camps de Vught puis Westerbork aux Pays-Bas, puis celui de Bergen-Belsen en Allemagne. Il s’agissait de camps de concentration, pas de « camp de la mort » :  elle a échappé à Auschwitz.

Les deux premiers sont l’antichambre du départ vers la mort. Les enfants y sont 4 par matelas, il n’y a pas de douche. Evelyn « a fermé à partir de là la porte de ses souvenirs ». Sa mère a noté qu’en trois mois elle a perdu l’usage de la marche et de la parole. Son père s’épuise dans un travail forcé. Les familles servent d’otages pour éviter les évasions.

A Bergen-Belsen

La famille est expédiée à Bergen-Belsen le 15 février 1944.  Elle n’est pas dans la partie camp de la mort, mais dans le « camp de l’étoile ». Les détenus portent l’étoile jaune, mais ne sont pas envoyés en camp de la mort, parce qu’ils ont un passeport de pays neutre.

Sur le blog de l’amicale des déportés de Bergen-Belsen, on peut lire :

Dans le ‘camp des neutres’ se trouvent des Juifs susceptibles d’être relâchés vers des pays neutres. Il s’agit de ressortissants espagnols et portugais amenés de Grèce à Bergen-Belsen ainsi que des Juifs turcs. D’autres Juifs venant de Grèce, des Pays-Bas, de l’Afrique du Nord, de France, de Yougoslavie et d’Albanie sont rassemblés au ‘camp de l’étoile’.

Dans toutes les sections du ‘camp de l’échange’, les conditions d’existence sont moins dures que dans d’autres camps de concentration, puisque les détenus sont considérés comme des otages.

Finalement, seuls 2560 otages juifs de Bergen-Belsen seront mis en liberté, tandis que 2 150 autres seront assassinés après avoir été transférés au camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau. Malgré leur statut d’otages, 1400 déportés meurent au ‘camp de l’échange’ de Bergen-Belsen.

Un petit calcul montre que 1400 déportés sur un total de 5800, soit 24%, sont morts sur place, de faim, de maladies ou des violences des SS. En un ou deux ans seulement. Dans un camp qui n’était même pas un camp d’extermination.

Evelyn Askolowicz raconte :

« On avait un pain de 7cm de long pour tenir la semaine. Ma mère le coupait en 7 tranches, pour qu’on en ait une tous les jours. Il y avait aussi tous les jours une soupe faite d’orties et d’épluchures de pomme de terre. Un jour, la marmite s’est renversée. Les détenus sont allés récupérer les restes par terre, tellement ils avaient faim.

Le typhus était partout. Il était propagé par les poux. Ma mère se lavait et me lavait tous les jours à l’eau (froide) pour éviter les poux et rester en vie. »

La  répression des juifs en Allemagne

La famille Sulzbach est une famille juive allemande, pétrie de littérature et de culture allemande. La mère d’Evelyn venait de Rhénanie. En 1932, année de ses dix-huit ans, elle est première dans toutes les matières et souhaite devenir juge pour enfant. Mais au moment de la remise des diplômes du baccalauréat, on lui explique que, comme juive, elle n’a pas le droit de faire des études supérieures.

Elle part alors en Angleterre pour une année d’études puis rencontre celui qu’elle épouse en 1936. Lui vient de Frankfort, mais s’est installé aux Pays-Bas pour son travail.

En juillet 1938 a lieu la conférence d’Évian (à l’initiative des U.S.A.). Les 32 pays participants n’acceptent de venir que sous la promesse qu’aucun des pays participants à la conférence ne sera dans l’obligation de recevoir les réfugiés. Hitler comprend qu’il a les mains libres. Ce sera sous le prétexte d’un crime à l’ambassade allemande de Paris la Nuit de Cristal (9/10 novembre 1938), lors de laquelle des synagogues et des commerces sont détruits, des milliers de juifs sont assassinés ou déportés.

Dans le petit village où habitaient les grands-parents maternels de l’oratrice, tous les biens juifs sont brûlés. Ils comprennent qu’il leur faut partir et arrivent à se réfugier en Argentine. Les grands-parents paternels partent aussi, mais ne peuvent se faire accueillir aux U.S.A. Ils se retrouvent à Amsterdam chez leur fils.

Un souvenir amer

Les Pays-Bas sont considérés par les juifs allemands comme un refuge possible, car ils sont restés neutres pendant la Première Guerre mondiale et espèrent le rester de nouveau.

C’était un pays accueillant, démocratique, où les juifs de toutes classes sociales faisaient partie de la population. Mais le pays est envahi par les Allemands le 9 mai 1940.

En un temps record, le pays est devenu antisémite. La seule réaction de la population est une grève (en février 1941 pour protester contre les rafles de juifs par l’occupant nazi), qui se termine par un massacre. En 1940/1941, les juifs perdent le droit d’aller au cinéma et au concert. Les médecins juifs ne peuvent plus travailler à l’hôpital ni soigner d’autres personnes que les juifs. Il n’y a plus qu’un hôpital juif. Les enseignants juifs ne peuvent plus travailler.

En 6/7 mois, les juifs ont été coupés de la population hollandaise. Ils ont dû se faire enregistrer,  coudre l’étoile jaune sur leurs vêtements. Il y a un couvre-feu pour les juifs entre 19h et 8 h du matin. Ceux qui sont pris dans les rafles ne reviennent plus. Des gens disparaissent et des trains partent pour une destination inconnue.

La famille Sulzbach est arrêtée le 12 mars 1943 et envoyée dans le camp de Vught.

Sur les 140.000 juifs vivant aux Pays-Bas au début de la guerre, 102 000 seront assassinés (pour beaucoup à Auschwitz), soit les trois quarts.

La famille Sulzbach est revenue à Amsterdam le 31 janvier 1946. Mais on n’était pas les bienvenus.

Aujourd’hui, dans le programme scolaire, on parle de la résistance pendant la guerre. Mais la Shoah et ignorée : la Hollande est amnésique. »

Ce témoignage s’adressait à des élèves dont une partie est partie en décembre à Cracovie, justement pour ne pas oublier.

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