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Fin de vie

LIBRE OPINION La France s’oriente doucement mais sûrement vers une légalisation du suicide assisté et peut-être même de l’euthanasie. L’opinion personnelle ci-dessous est manifestement minoritaire.

Il y a quelques mois, la Gazette a donné la parole à une militante de « la liberté de passer l’arme à gauche » puis à une personne d’un avis contraire. Elle s’était ensuite risquée à en présenter les arguments dans un article récapitulatif, soulignant au passage qu’un « sondage de l’IFOP montre une très large acceptation de l’aide active à la fin de vie ».

Votes à la Convention citoyenne sur la fin de vie

Depuis, les travaux de la Convention citoyenne sur la fin de vie ont beaucoup avancé. La Croix en rapporte les derniers votes. À l’issue de trois mois de débats, 72% des participants se sont prononcés en faveur du suicide assisté et 66 % en faveur de l’euthanasie.

La commission envisage même d’ouvrir ce droit aux mineurs : « Faut-il, par exemple, réserver l’aide active à mourir aux majeurs ou, au contraire, l’élargir aux mineurs ? 92 des participants sont favorables à cette dernière position dans le cas du suicide assisté, 37 sont contre et 35 s’abstiennent. 107 sont d’accord pour accueillir la demande d’euthanasie de mineurs, 19 s’y opposent et 33 ne se prononcent pas. »

Position personnelle

Rappelons qu’il y a quelques mois, l’Assemblée nationale a voté un texte expliquant qu’il ne pouvait y avoir de consentement d’un mineur de moins de 15 ans à une relation sexuelle avec une personne majeure. Cela avec la bénédiction de l’opinion publique. Cohérence ?

Mon avis sur le sujet est assez simple. Je crois que tourner le dos à une très longue tradition humaine (« Tu ne tueras pas «) est une profonde erreur. Je partage le refus de l’acharnement dit « thérapeutique » et les soins palliatifs sont pour moi un progrès évident. Mais le suicide assisté ou l’euthanasie, c’est non.

Je n’ai guère d’arguments, en dehors d’une conviction profonde. Mes seuls arguments sont développés ci-dessous : l’avis de soignants d’abord. Et aussi l’idée qu’en supprimant cette limite on s’expose à tous les excès.

Point de vue de soignants

La SFAP Soins palliatifs (Société Française d’Accompagnement et de Soins Palliatifs) a publié avec 12 autres organisations « représentant 800 000 soignants » un communiqué affirmant que « l’euthanasie et le suicide assisté ne peuvent pas être considérés comme des soins ». Le communiqué précise :

« Les personnes vulnérables pour lesquelles l’impératif d’autonomie est inadapté seront directement menacées par le message que leur renverrait cette législation : enfants, personnes dépendantes, atteintes de troubles psychiatriques ou cognitifs, ou en situation de précarité »

Ces organisations demandent au législateur et au gouvernement de 1) rendre effectif l’accès aux soins palliatifs de tous ceux qui en ont besoin ; 2) laisser le monde du soin en dehors de tout projet légalisant la mort administrée ; 3) s’attacher à réparer le système de santé « .

L’exemple du Canada

Selon Wikipédia, « depuis 2016, l’euthanasie active volontaire, appelée « aide médicale à mourir », est légale au Canada pour toutes les personnes âgées d’au moins 18 ans qui ont une maladie en phase terminale qui a progressé au point où une mort naturelle est « raisonnablement prévisible ». Le Québec avait anticipé cette décision en adoptant en 2014 la Loi concernant les soins de fin de vie qui introduit l’« aide médicale à mourir » dans le système de santé québécois.

En 2022 5% des décès ont eu lieu dans ce cadre et l‘on s’attend à en compter 7% en 2023.  Les réactions sont variables. Sur Facebook, la SPAP soins palliatifs notait le dépôt d’un nouveau projet de loi étendant l’accès à l’euthanasie. Son contenu : fin du critère de mort imminente, éligibilité des personnes atteintes d’un handicap neuromoteur, obligation de proposer l’euthanasie en soins palliatifs.

Un périodique canadien publie le point de vue d’une femme médecin qui s’inquiète : les lois canadiennes sur l’AMM manquent de garanties fondamentales pour les personnes vulnérables.

Et demain ?

C’est le principal risque : demain, qu’est-ce qui empêchera de pousser à mourir les personnes handicapées, les personnes fragiles où les personnes âgées dont on attend l’héritage ?

Après tout, le film « Soleil vert » est censé se dérouler en 2022. Mais c’est à une œuvre de science-fiction de 1954  de Richard Matheson, « L’examen » que je pense.

Babelio en offre un résumé. « Que diriez-vous si votre père, comme toutes les personnes de plus de 60 ans, devait passer régulièrement un test qui détermine si sa vie offre encore quelque intérêt pour la communauté ? En 2003, dans une société régie par la productivité, les personnes âgées ne peuvent être un « poids » pour les actifs. Aussi, passé un certain âge, chacun est contraint par la loi de passer un examen pour évaluer ses aptitudes intellectuelles et physiques et dont le résultat déterminera la suite de son existence. » Voir aussi une description plus longue.

Dans le livre, un grand-père prépare le test avec son fils chez lequel il vit, mais il n’y arrive pas. Le jour du test, sa bru, désabusée, dit au fils : « Il ne va pas y aller. Il va acheter des petites pilules pour en finir. Ils le font tous. »

On l’a compris, dans ce livre, la pression sociale pousse au suicide. Demain chez nous ?

  1. Jean-Claude Herrenschmidt Jean-Claude Herrenschmidt 5 mars 2023

    Une petite précision car, dans mes conversations, je m’aperçois que la compréhension du mécanisme législatif n’est pas toujours claire.
    Cette loi n’impose à personne de mettre fin à ses jours. Chacun de nous reste libre de son choix. Encore faut-il qu’il reste conscient et responsable.
    De même, cette loi n’impose pas aux soignants de décider à la place de leurs patients. Elle les protège car, dans leur désespoir, il arrivait que certains parents poursuivissent devant les tribunaux des médecins qui, croyant bien faire, avaient abrégé les souffrances d’un malade. J’écris à l’imparfait car c’est ce qui arrivait autrefois avant que ces lois sur la fin de vie apportent des réponses à ces douloureuses questions.

    Mais le monde n’est pas parfait. Il arrivait aussi que, dans certaines familles, les intérêts des héritiers rejoignent une compréhension trop laxiste du serment d’Hippocrate de la part du médecin présent. La loi a aussi voulu mettre fin à ces dérèglements.

    J’écrivais ci-dessus que la loi impose un consentement éclairé de celui qui exprime de souhait de mettre fin à une vie devenue insupportable, qu’elles qu’en soient les raisons. On comprend bien que dans beaucoup de cas extrêmes le recueil de ce consentement soit très difficile, voire impossible. La loi envisage aussi ce cas.

    Il y a enfin le cas des mineurs. Sont-ils consciemment consentants ?
    Ma position personnelle est fondée sur mon vécu.
    J’avais 7 ans quand mon cher cousin germain, compagnon nécessaire de toutes mes grandes vacances, a bu accidentellement une gorgée d’acide chlorhydrique ménager.
    Œsophage brûlé. Interventions nombreuses. Trachéotomie. Plaie insoignable et toujours plus insupportable. Plusieurs mois de calvaire. J’ai appris un jour de ma mère qu’il était mort et que ses derniers mots avaient été : « Laissez-moi en paix ».

    Tôt, très tôt sans doute, les êtres vivants savent que leur fin est arrivée. Avant les autres. Il faut savoir leur rendre justice.

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