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Un siècle et demi d’urbanisation

Du cœur de Paris, l’urbanisation n’a fait que s’étendre. Elle touche aujourd’hui la Seine-et-Marne et l’Oise. C’est le fruit d’une très forte augmentation de la population francilienne, multipliée par plus de trois depuis 1876. Mais aussi d’une diminution notable de la taille des ménages.

L’Insee suit fidèlement les évolutions démographiques grâce à ses recensements périodiques. Les résultats montrent comment la population francilienne a grossi, à Paris, puis en petite couronne, puis en grande couronne. En France, des territoires grossissent quand d’autres maigrissent.

La récente publication de la population de toutes les communes françaises depuis 1876 permet d’observer ces évolutions.

L’analyse des données, résumée dans le tableau ci-dessous, raconte deux histoires. Les densités sont en habitants par km2.

Urbanisation

La première histoire est celle d’une urbanisation qui s’étend par vagues successives, dans Paris d’abord, dans la petite couronne ensuite, dans la grande couronne enfin.

Les six grandes gares parisiennes (Montparnasse, Saint-Lazare, Austerlitz, Lyon, Nord et Est) sont construites entre 1837 et 1852 : leur emplacement montre où se situent les limites de l’urbanisation de l’époque. Il faut en effet beaucoup d’espace libre pour construire une gare et les voies qui y arrivent. En 1851, la population à l’intérieur du mur des Fermiers généraux (correspondant à peu près aux onze premiers arrondissements actuels) est de 1.053.261 habitants. Les villages qui se trouvent entre cette enceinte et l’enceinte de Thiers (correspondants aux actuels boulevards des maréchaux) s’urbanisent rapidement. Ils comptent ensemble 223.802 habitants contre 75.574 habitants en 1831.

En 1860, pour former le Paris actuel, onze communes sont annexées en tout ou partie, et huit autres cèdent une partie de leur territoire.

En 1876, Paris compte près de 2 millions d’habitants, dont 58% dans les onze premiers arrondissements, qui ont gagné environ 100.000 habitants en 25 ans. La population des neuf autres a presque quadruplé dans le même temps. La densité au cœur de la ville (arrondissements 1 à 4) est considérable (60.600 habitants au km2), et elle est déjà de 10.731 hab/km2 dans les arrondissements 12 à 20. Si la densité de la Seine-et-Marne est proche de la moyenne française, elle monte en petite couronne, surtout dans les communes limitrophes de la capitale : à Montrouge et Malakoff, elle est respectivement de 2.458 et 3.077 hab/km2. 

La population parisienne atteint un maximum de plus de 2,9 millions d’habitants au début des années 1920. La construction se poursuit, en particulier dans les arrondissements périphériques, mais c’est désormais la petite couronne qui permet l’expansion démographique. Celle-ci gagne plus d’un million d’habitants entre 1921 et 1954 et un autre dans les 14 années entre 1954 et 1968.

La grande couronne prend le relais à partir de 1954, avec là aussi un gain de plus d’un million d’habitants entre 1954 et 1968 et de nouveau entre 1968 et 1982, puis entre 1982 et 2006.

Quelle densité ?

La densité diminue cependant au fur et à mesure qu’on s’éloigne de Paris. En 2019, elle est de 20.546 hab/km2 à Paris, pour 7.118 en petite couronne, 750 dans l’ensemble 78+91+95 et 240 en Seine-et-Marne. Bien entendu la densité est très variable selon les communes de la grande couronne, les plus proches de Paris étant les plus peuplées.

En raison de sa grande superficie, Paris ne compte pas moins de 29 communes limitrophes. Ces communes méritent qu’on s’y attarde un peu. D’abord, elles sont pour 21 d’entre elles raccordées au métro parisien, 4 autres ayant au moins une gare RER. Elles font partie des 50 villes les plus denses de France à l’exception de Joinville-le-Pont (56ème) et de Saint-Maurice(195ème). On compte parmi elles les 5 villes les plus denses (Paris est 6ème) et 15 des 20 premières. Ensemble, elles comptent plus de 1,4 million d’habitants.

Notons que parmi ces 50 villes les plus denses de France, on ne compte que 4 villes hors région parisienne : Lyon (35ème), Villeurbanne (37ème), Lannoy (41ème, près de Lille) et Annecy (45ème). 45 autres appartiennent à la petite couronne.

Il faut distinguer deux phénomènes qui se conjuguent. D’abord un phénomène d’urbanisation qui voit progressivement disparaître les terrains agricoles. Au moment de la construction des gares parisiennes, les zones maraîchères sont encore nombreuses dans des communes encore distinctes de Paris comme Belleville ou Vaugirard. Plus tard, on notera que Disneyland s’installe au milieu des betteraves.

Le deuxième phénomène est celui de la densification de la ville avec l’occupation de tous les espaces disponibles et la course à la hauteur. Ce n’est pas un phénomène nouveau : rappelons les habitations sur les ponts parisiens il y a des siècles. La maîtrise des matériaux permet de construire plus haut à partir du 19ème siècle comme le montrent la construction de la tour Eiffel ou plus tard de l’Empire State Building.

Le souci de conserver des espaces verts n’arrive que plus tard. Si les arrondissements 12 à 20 n’atteignent jamais la densité connue à une époque par le cœur de Paris, c’est aussi qu’on y trouve la plupart des espaces verts parisiens, à commencer bien sûr par les bois de Boulogne et de Vincennes. Les constructions en hauteur du 13ème n’y changeront rien. Le département des Hauts-de-Seine compte ainsi 1500 hectares de bois ou assimilés (parc de Sceaux) dont 30 % gérés par le département.

Le maintien de zones pavillonnaires dans les départements de la petite et de la grande couronne constitue aussi une limite à la densification. Dans le passé, les maisons n’ont été qu’une étape de l’urbanisation, mais on observe de plus en plus de freins à un processus de remplacements des pavillons par des immeubles.

Cette situation du centre de l’agglomération beaucoup plus dense que la périphérie n’est pas propre à Paris : on la retrouve dans presque toutes les grandes agglomérations, à Lyon par exemple. C’est particulièrement frappant à Chicago avec une périphérie où l’habitat ne dépasse pas quelques étages et un centre où tous les immeubles comptent des dizaines d’étages.

La raison est en effet simple : plus on est au centre, plus on accède facilement à tous les centres de décision et de loisirs. Cela se voit évidemment sur les prix du foncier et du logement.

C’est particulièrement vrai à Paris avec l’organisation en étoile qui caractérise le réseau de transport, qu’il soit national ou régional. On a vu le cas des 29 communes limitrophes de Paris. On pourrait citer d’autres villes à deux pas de Saint-Lazare (Asnières ou Courbevoie), sur le RER A ou B (Massy, avec plus de 50.000 habitants et plus de 7000 hab/km2 en grande couronne) D’où une question : le futur Grand Paris Express va-t-il modifier cette réalité ? Ou bien va-t-il simplement déporter le centre vers la Défense ? Ou créer une diversité de cœurs urbains : après Châtelet et Opéra/Auber/St Lazare, La Défense/ Nanterre, Saint Denis Pleyel, Arcueil Villejuif IGR ?

Décongestion

La deuxième histoire est celle d’une décongestion. Depuis 1921, la population de Paris diminue. Malgré les constructions, la ville perd 740.000 habitants en presque un siècle. Le mouvement est particulièrement important dans les 4 premiers arrondissements, qui perdent 70 % de leur population. La densité extrême de 1876 n’est plus qu’un souvenir. On imagine bien plusieurs causes : fusion d’appartements, décohabitation, diminution de la taille des ménages.

Cette diminution locale de la population s’observe dans de nombreuses communes (et même l’ensemble du département des Hauts-de-Seine) entre 1968 et 1990. Il faut dire que la taille des ménages diminue fortement sur la période : de 2,73 personnes par foyer en 1968, elle passe à 2,61 en 1975, 2,48 en 1982 et 2,46 en 1990. En 2019, elle n’est plus que de 2,29.

Cette diminution de la taille des foyers est due à l’augmentation de l’espérance de vie (ménages sans enfants car ceux-ci sont déjà grands) à la décohabitation, à la diminution du nombre d’enfants, aux divorces. Pour augmenter l’espace disponible, certains regroupent des logements. La norme d’une pièce par enfant devient largement dominante.

Il faut noter que la taille des ménages était en France plus élevée qu’en Île-de-France en 1968 (3,08) et plus faible en 2019 (2,19).

Cette décongestion n’a pu se réaliser que par un effort de construction considérable. Entre 1968 et 2022, le nombre de logements a tout simplement doublé en France ! La diminution de la taille des ménages en France de 1968 à 2019 a en effet nécessité 8,8 millions de logements. Et par ailleurs, la population a augmenté d’un tiers. Sur l’ensemble de la France, l’urbanisation est le résultat de deux phénomènes massifs depuis la guerre : augmentation radicale de la productivité agricole et enrichissement du pays ; ce dernier finance une amélioration importante du logement, tant dans sa surface que dans son confort.

Le prochain demi-siècle devrait être, selon les dernières prévisions de l’Insee, celui d’un ralentissement de la croissance démographique, puis d’une baisse de la population. Avec le vieillissement de la population et une croissance très faible de la productivité, le niveau de vie devrait ne plus croître que très faiblement. Quelles histoires nos petits-enfants liront-ils dans les statistiques démographiques en 2100 ?

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