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Les effervescences du Krav Maga sur le dojo Saint-Marcel

L’insécurité. De celle qu’on imagine ou qu’on a vécu, celle qui survient dans la rue n’importe où, n’importe quand, de l’altercation jusqu’au tragique Un jour au mauvais endroit chanté par Calogero. La crainte diffuse d’une agression : où aller chercher en soi de quoi réagir ? de quoi maîtriser le stress qui survient et peut nous envahir ? Il y a parmi les Arts martiaux le plus singulier d’entre eux, le Krav Maga. Il est très tendance. Il semble apporter une réponse. Vraiment ? Rendez-vous fut pris au dojo de Sceaux Arts Martiaux, rue du Clos Saint-Marcel.

Benjamin Le Calvez est instructeur et Maryline Pignarre dirige le club. Ils partagent une vision. Self défense se conjugue avec la capacité à comprendre une situation agressive, à dominer ses émotions et agir. Comment ?

S’attendre à l’inattendu

« Les arts martiaux traditionnels comme l‘aïkido ou le karaté, explique Benjamin, sont basés sur le duel. Ils utilisent des armes traditionnelles comme le sabre, qui n’ont plus d’usage aujourd’hui. » Ils s’inscrivent dans la coutume. Bien distincte de cet esprit de joute, cadré et ritualisé, le Krav Maga pense l’embuscade, l’attaque par surprise, le stress inhérent à ces inattendus qui, pardonnez le truisme, arrivent toujours au mauvais moment. Le délinquant ou le simple querelleur ne se présentent pas avec un salut respectueux. « Ils cherchent une proie, ils la veulent la plus faible possible. » Le rêveur, la senior, l’ado voûté les écouteurs hurlant dans ses oreilles, sont de bonnes cibles. Comment apprendre à réagir ?

« Krav Maga, en hébreu, dit Maryline, signifie combat rapproché. » C’est du combat au contact. La technique a été conçue par des militaires israéliens pour leur propre entraînement. Elle a été adaptée ensuite à des situations civiles. Pour vous, moi, le quidam, qui ne sommes ni en treillis ni munis d’un fusil. Il en est résulté une pratique que Wikipedia qualifie d’applicative, c’est-à-dire centrée sur les simulations de situations réelles, basées sur le quotidien le plus banal.

Avec le Krav Maga, on est dans le réalisme, dans le mental, l’assurance, la confiance en soi. Il faut se rendre vigilant et adopter la bonne posture. Elle doit être sereine. Pour Benjamin, c’est « marcher droit, la tête haute, sans dégager une attitude de faiblesse, un doux équilibre pour ne pas basculer dans l’arrogance provocatrice non plus. »

Deux dimensions : comprendre et combattre

La formation, le club scéen la décline à deux niveaux : la self défense et le combat. Le cours est charpenté sur cette double acquisition. Les deux sont différentes en ce qu’elles sollicitent des ressorts humains spécifiques. Mais elles sont imbriquées et contribuent à l’habilité dans la réaction. Pas de self défense, sans capacité à combattre. Et le combat prend son sens dans une analyse correcte de la situation.

« Le but ultime de la partie self défense, dit Benjamin, c’est la capacité à réagir à l’agression. C’est se protéger, parer et simultanément riposter. La riposte dépend de l’environnement. » On peut être conduit à fuir ou à maîtriser l’agresseur, il n’y a pas d’autre règle que de se préserver. « Le but, c’est de ne pas perdre. » Autrement dit, de s’en sortir. Le contexte est déterminant. On ne réagit pas de même à une agression par un individu que par deux. En l’occurrence, « l’objectif premier est de pouvoir saisir rapidement la situation. On agit dans le domaine du réflexe, explique Maryline. C’est notre cerveau reptilien qui travaille ! » Le « reptilien », ce siège de nos comportements antédiluviens. Allez voir si le Krav Maga n’était pas pratiqué par les premiers hommes ! Il semble si naturel.

« L’agression, continue Benjamin, met en situation de peur. Et il existe trois types de réactions à la peur : la lutte, la fuite et la tétanie. La peur crée une montée d’adrénaline qui tend les muscles et augmente la pulsation cardiaque. En l’absence de mouvement, l’adrénaline submerge le corps et c’est la tétanie. » Il faut bouger, c’est crucial. Ne pas être paralysé par la peur…. « L’action tue l’émotion. On utilise le cerveau préfrontal qui prend la relève du reptilien, pour mobiliser les acquis vus en cours. » Nos réactions se jouent dans les tréfonds de nous-mêmes. C’est cela qu’il faut entraîner.

Le cours récrée des situations de stress (sous le contrôle de Benjamin ! 😉). Il a des méthodes avec des exercices permettant de récréer de l’inattendu. Un premier et tout simple exemple : on démarre un échange dos contre dos pour ne pas savoir ce que l‘autre va faire, savoir réagir face à l’aléatoire. L’objectif est d’acquérir une capacité d’analyse rapide de la situation.

La partie combat est différente. Elle est plus technique, plus sportive. Le cadre est identique pour tous. Le challenge est autant de savoir porter les coups que les éviter. Comme dans tous les sports de combat. Le public du club n’est pas spécialement belliqueux ; il faut lever les inhibitions et convaincre de frapper. Que les anxieux se rassurent, le Krav Maga civil a pensé aux équipements de protection !

Le club scéen

A Sceaux, l’activité existe depuis 7 ans. Elle fut créée et animée au début par Stéphane Pignarre, diplômé d’état, vice-champion d’Europe et triple champion de France de Taekwondo, qui fut l’époux de Maryline. A son décès dans la force de l’âge, Benjamin prend la suite. Il est instructeur diplômé d’Etat. Il a suivi une formation STAPS[1] et à l’AFKMSD[2] pour les aspects spécifiques au Krav Maga.

Les participants sont répartis en trois catégories : les 8-14 ans, les 15-20 ans et les plus de 20 ans. Les cours durent 1h à 1h30 et se décomposent en trois phases. La première est consacrée à l’échauffement individuel, au renforcement musculaire, au positionnement physique.

La suivante est l’apprentissage des techniques de self défense. « Il s’appuie sur la connaissance du corps, la biomécanique et les points vitaux. » Autour de scénarios d’attaque, elle vise à exercer les réflexes, à s’habituer peu à peu à ces imprévus stressants.

Enfin la phase de combat sportif, « permet de développer son arsenal de frappes et d’accepter de s’en servir, sous une forme codifiée, ludique et sécurisée. »

La discipline attire autant de filles que de garçons ! Cette mixité ne surprendra pas quand on connaît la « réalité terrain » avec les nombreuses agressions visant les femmes. Elle confirme aussi la conviction croissante que les femmes disposent d’atouts pour se défendre et qu’elles peuvent les amplifier.

Savoir redescendre

Les échos médiatiques des agressions et des incivilités font prendre conscience de nos fragilités. D’où le besoin d’anticiper les menaces, de reconnaître la dangerosité, d’apporter une réponse adéquate (Maryline et Benjamin rappellent plusieurs fois le principe de proportionnalité de la réponse). Il faut de l‘agressivité, développer sa combativité, refuser l’abandon, « Il faut aussi savoir s’arrêter. »

Maîtriser ses émotions, c’est savoir revenir à une situation normale, « redescendre et ne pas s’acharner, souligne Benjamin ». La défense enclenche une sorte de chaîne mettant en jeu la confusion, la peur, l’engagement psychologique et physique, le dynamisme. Elle doit trouver son point d’arrêt.

Ambiance

Donc, pas de place pour la rage. Ce qui tombe bien. A suivre Maryline, les membres du club n’ont rien d’enragés. « On vient pour s’entraîner à la riposte, non à l’agression. Apprendre des gestes simples et rapides… avant tout, efficaces. »

On s’inscrit souvent en groupe ou en couple, entre amis. On y fait connaissance. « Le club crée du lien. » Du cool et du battant. Maryline avait annoncé la couleur dès le début de la rencontre : « Le Krav Maga est avant tout une pratique, un développement personnel. » Sa présentation détendue des qualités requises pour se défendre fait penser à une effervescence. Comme si la prise de confiance en soi en acquérant de bons réflexes faisait des bulles. Cette impression de légèreté peut sembler paradoxale pour un sport de combat. C’est que Maryline décrit l’esprit du groupe comme très convivial. Les « reptiliens » du dojo Saint-Marcel savent faire bon accueil.

Et, devinez quoi, il est toujours possible de les rejoindre ou tout simplement d’ en savoir un peu plus. Voilà le lien vers le contact. A moins que vous préfériez le 01 45 37 00 00 !


[1] Les formations STAPS (Sciences et techniques des activités physiques et sportives) associent de la pratique sportive, des enseignements scientifiques et une formation professionnelle correspondant à l’orientation choisie. (source : ONISEP)
[2] AFKMSD : Association francilienne de Krav-Maga Street défense.

  1. Jean-Claude Herrenschmidt Jean-Claude Herrenschmidt 26 novembre 2022

    Quel sport de défense les personnes âgées, souvent les vieilles dames, appuyées sur une canne pour ne pas perdre l’équilibre, doivent-elles pratiquer pour ne pas se faire piquer à la volée le billet de 50 € qu’elles viennent de sortir du distributeur ?
    Histoire vraie, juste à côté de la bibliothèque de Sceaux.

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