Le conseil municipal du jeudi 24 mars, au lieu de l’installation en carré en vigueur ces derniers temps, avait adopté une disposition en U qui permettait à la dizaine de citoyens présents de faire face au conseil. L’ordre du jour comprenait 20 points d’importance très variable, depuis le point 1 de simple ouverture de la séance jusqu’à la très importante adoption du budget primitif . Ce point arrivait en 13e place. Je suis parti juste après et n’ai donc suivi que les débats des 12 points précédents. Le tout m’a conduit à quelques réflexions sur le rôle de ces séances officielles du conseil et plus particulièrement des conseillers municipaux. Des réflexions que je partage ici.
Contrôle et transparence des décisions
Si le nombre de points à l’ordre du jour est si important, c’est notamment parce que le législateur a voulu que certaines décisions soient formellement approuvées par le conseil municipal : si le maire a de nombreux pouvoirs, il ne peut pas faire n’importe quoi. Le cadre légal et réglementaire s’impose à lui. Mais il doit aussi respecter des nombreuses décisions générales prises par le conseil municipal, que ce soit le budget ou le P.L.U., pour prendre deux exemples.
En pratique, les décisions à l’ordre du jour sont, sauf exception, toujours votées, un maire disposant de la majorité des élus. Les cas d’explosion d’une majorité municipale existent, mais ils sont rares. Et ce n’est pas la situation scéenne.
La volonté de transparence de la part du législateur est le fruit de l’histoire : il y a eu des élus corrompus dans notre histoire démocratique ! Il y a par ailleurs toujours un contrôle de légalité par la préfecture. La transparence de ces décisions est accentuée par le fait que les séances du conseil sont publiques.
A Sceaux, chaque point de l’ordre du jour fait d’abord l’objet d’une présentation (généralement par l’élu en charge du dossier), puis on passe aux interventions (la plupart du temps de la part d’élus de l’opposition). Celui qui a présenté le dossier répond si nécessaire et on passe au vote.
Quelques sujets évoqués le 24 mars
Quelques exemples pour illustrer la manière dont comment l’opposition joue son rôle à Sceaux :
Déploiement d’une nouvelle station « Vélib’ » (en face de la mairie). Cet avenant à la convention existante a conduit les intervenants à s’interroger sur le choix de l’emplacement de la nouvelle station, sur l’impact financier de la décision (10 K€/an), sur la logique poussant à une augmentation du nombre de cyclistes tout en refusant les pistes cyclables.
Déclassement de terrain sentier de la Tour (jouxtant la Coulée verte). Ce terrain situé au sud du parc pour enfants, d’une superficie totale de 1 057 m², a servi de parking pendant un temps. Les recours contre le programme de construction de logements étant épuisés, la mairie va pouvoir le vendre, ce qui nécessite au préalable son déclassement du domaine communal et un vote du conseil. Le sujet a provoqué les réactions des défenseurs des arbres qui trouvent que l’on construit trop à Sceaux.
Constitution d’une commission d’indemnisation amiable des acteurs économiques riverains des travaux dans le cadre de l’opération de l’îlot Voltaire. Il s’agit des commerçants ou autres acteurs dont l’activité pourrait être réduite en raison des divers travaux prévus, notamment sur les réseaux, donc des travaux de courte durée apparemment. Maud Bonté a demandé qu’un élu de l’opposition puisse être intégré à cette commission qui comprendra 4 élus titulaires et 4 suppléants. Ce qu’on peut lire sur le compte rendu provisoire montre qu’elle n’a pas été écoutée.
On notera qu’une partie des citoyens présents l’étaient pour ce sujet puisqu’ils sont partis après le vote.
Réseau de tiers lieux. La résolution mise au vote et présentée par Florence Presson consistait à adhérer à l’association A+ c’est mieux. Fabrice Bernard a expliqué que, ne connaissant pas cette association, il a regardé la page d’accueil de son site qu’il a lu en séance et qu’il a trouvée « très fumeuse » avec notamment cette phrase : « Avec une gouvernance sociocratique inclusive, elle fédère largement les tiers-lieux, les travailleurs des tiers-lieux et des Communs et des partenaires divers. » Dans le document de présentation du projet de résolution, cette phrase avait été modifiée comme suit : Avec une gouvernance inclusive, elle fédère largement les tiers-lieux, les travailleurs des tiers-lieux, des communes et des partenaires divers. Le mot « sociocratique » avait disparu et les Communs étaient devenus des communes…
Association sportive « Antony Métro 92 ». Il s’agissait d’approuver la convention d’objectifs avec ce club de rugby dont 31 des adhérents habitent Sceaux. La discussion a permis d’apprendre qu’il est prévu une subvention annuelle de 5000 €. Liliane Wietzerbin a demandé quel était le critère pour définir le montant de la subvention. Il lui a été répondu qu’il s’agissait du résultat de la discussion avec les responsables du club. La même ayant suggéré (à cette occasion, me semble-t-il) que l’un des critères soit le genre, l’adjoint au sport lui a répondu que le club a une section féminine (on pouvait en effet rencontrer une joueuse de ce club lors de la fête du sport en septembre).
Forum français pour la sécurité urbaine (FFSU). Ici aussi, il s’agit de faire adhérer la ville à une association à laquelle participent déjà 40 villes dans le département. Lilian Wietzerbin a noté qu’il existe une commission sécurité délinquance (avec des élus, la police nationale et d’autres intervenants), qui permet au maire d’avoir des informations sur la délinquance, mais qui n’est pas ouverte aux élus de l’opposition. Jean-Christophe Dessanges a observé que la ville compte de nombreux cambriolages et que le maire y répond en adhérant à une association…Philippe Szynkowski a de son côté pointé le déploiement massif de caméras de surveillance, alors que les études sur le sujet pointent la très faible efficacité de ce type de dispositif.
Budget primitif 2022. Isabelle Drancy a présenté le budget en précisant dès le départ que « les élus avaient reçu des documents précis » » : le document budgétaire fait 157 pages et le rapport explicatif 49 pages, le tout envoyé 5 jours avant le conseil, comme les autres documents discutés ce jour-là. Elle a pointé les principaux éléments de changement par rapport à l’année précédente. Elle a à chaque fois souligné la qualité de la politique menée, qu’il s’agisse des jeunes ou des seniors, de l’environnement ou de la sécurité, de l’Eglise ou des Blagis.
Dans son intervention, Jean-Christophe Dessange a fait remarquer (comme lors du débat sur les orientations) qu’elle aurait pu utiliser l’écran pour sa présentation, au moins au bénéfice des citoyens présents. Il a aussi regretté que le sujet n’ait pas fait l’objet d’une réunion préparatoire.
Une opposition constructive ?
Sur le point « Déclassement de terrain sentier de la Tour », Xavier Tamby a montré son opposition à une politique de construction qu’il a jugé « immorale » (si j’ai bien compris). Philippe Laurent l’a remercié pour son « intervention constructive », remarque évidemment ironique (et doublement puisqu’on parlait de construction).
Il est clair que Xavier Tamby a décidé de se positionner dans une opposition radicale, ce qui l’a amené à ne pas rejoindre le groupe « Sceaux Ensemble » alors qu’il a été élu sur cette liste.
Faut-il en conclure que Philippe Laurent souhaite une opposition constructive ? Si c’est le cas, cela ne se remarque pas quand on assiste aux séances du conseil municipal.
L’opposition radicale de Xavier Tamby lui permet une préparation minimale des conseils : il n’a pas besoin d’une longue analyse des documents pour exprimer en synthèse que le maire conduit la même politique depuis 10 ans, politique qui se traduit selon lui par une dette toujours aussi élevée qu’en 2009.
Il n’en est absolument pas de même des 4 élus du groupe Sceaux Ensemble ou des 2 élus de Sceaux en commun, qui font manifestement l’effort de préparer sérieusement les séances (en lisant des dossiers parfois épais et envoyés 5 jours avant), pour intervenir sur chaque sujet en posant des questions ou en faisant des commentaires, voire des propositions. Les deux groupes n’ont cependant pas le même positionnement, le premier étant plus souvent dans l’opposition que le second, au moins au moment des votes.
On peut comprendre que le moment du vote n’est plus celui de la prise en compte des propositions. Encore faut-il qu’il y ait un autre lieu pour cela : la pratique de commissions ouvertes à l’opposition semble au contraire au point mort. Elle pourrait notamment donner la possibilité aux demandes d’explications, alors qu’il est manifeste que les présentateurs ne répondent pas à toutes les questions d’explication qui leur sont adressées.
Dans ces conditions, le seul rôle possible pour l’opposition consiste à obliger la majorité à expliquer les dossiers qu’ils présentent. Avec plus ou moins de bonheur. Il est cependant clair que c’est le principal intérêt qu’on peut attendre de la présence des minorités dans un conseil municipal.
Que la majorité n’ait pas envie de prendre en compte les propositions ou remarques des élus de l’opposition est un choix qui ne va à l’encontre ni de la lettre ni de l’esprit des institutions. Qu’elle fasse tout pour donner le minimum d’informations (ou le plus tard possible) aux élus d’opposition me paraît plus discutable.
En ce qui concerne l’information des citoyens, il faut noter (positivement) que les comptes rendus de séance sont disponibles sur le site de la mairie, avec généralement les documents présentés en séance. En ce qui concerne le budget, les documents publiés sont la note de présentation (très complète, elle faisait cette fois 49 pages), mais pas les comptes eux-mêmes, qui sont généralement publiés sur les sites des villes voisines.
Il se trouve que dans ma carrière professionnelle j’ai souvent eu l’occasion de participer aux réunions d’instances représentatives de salariés (Comité d’entreprise, C.H.S.C.T.), que ce soit du côté de la direction ou du côté des salariés. J’y étais présent soit comme dirigeant, soit comme salarié, soit comme consultant ou expert intervenant dans des séances. Les relations y étaient très variables. Dans le milieu des ressources humaines, il est courant de considérer qu’on a (au moins en partie) les syndicats qu’on mérite. Dit autrement que l’attitude des représentants du personnel est le reflet de celle des dirigeants.
Faut-il comprendre que le maire de Sceaux préfère avoir des opposants radicaux et qu’il considère cela comme plus confortable ?
[…] Mais l’étonnement ramène à une question majeure : qu’attend-on d’un élu ? Du côté de la majorité, l’équipe dispose des moyens humains et financiers de la mairie pour appliquer son programme. Et le nombre d’élus permet de faire voter les décisions en séance. Pour l’opposition, que faire ? Une question que la Gazette a déjà traitée ici. […]
Serions-nous en période électorale ou pré électoral e ?
Faut-il comprendre que l’opposition préfère s’opposer radicalement au maire de Sceaux et qu’elle considère cela comme plus confortable ? 😉
Merci Gérard de ton analyse et tes observations. L’ordre du jour du conseil municipal est souvent chargé comme tu le soulignes et l’illustres si bien en n’assistant qu’à la première moitié de celui-ci.
Si tu avais eu le « courage » d’attendre la fin du « programme » tu aurais sans doute apprécié la réponse du maire à la motion d’intérêt général présentée par Sceaux Ensemble en faveur de la diffusion en direct et en Visio des débats publics de la ville à commencer par le conseil municipal.
Je te laisse imaginer le plaisir gourmand avec lequel le maire s’est opposé à cette proposition citoyenne venue de son opposition, alors même que plus de 140 personnes s’étaient connectées pendant le Covid.
Il en est de même avec tous les vœux et toutes les motions que Sceaux Ensemble portons à chaque conseil pour l’intérêt général et auxquels la majorité, dans un dédain renouvelé ne donne jamais suite.
Quant à la question orale que chaque élu peut poser et qui arrive en toute fin du conseil,, c’est à dire vers 1 ou 2 heures du matin, il n’est pas rare que les réponses soient volontairement diluées et imprécises, la règle du jeu ne nous permettant pas de reprendre la parole après la réponse du maire!
Enfin précisons que maire a décidé depuis quelques mois, de ne plus commenter ses décisions, qui certaines, engagent financièrement la ville significativement.
Voilà le petit jeu jubilatoire auquel se livre le maître de céans.