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Les goûteurs à l’aveugle des vaccins exotiques

Face au rythme limité des livraisons de doses de vaccins Pfizer, Moderna ou Astra Zenica, des voix s’élèvent régulièrement pour réclamer l’achat des vaccins russes, chinois, voire cubains. Que se passe-t-il dans ce domaine crucial ?

Appels réguliers de responsables politiques

Sans faire une revue exhaustive des appels à l’utilisation d’autres vaccins, on constate que Marine Le Pen et Jean Luc Mélenchon ont plusieurs fois appelé à l’utilisation du vaccin russe.

Le 4 janvier, Mélenchon appelle sur son blog à « acheter les vaccins de cette sorte (c.-à-d. traditionnels) aux pays qui en produisent (Russie, Cuba, Chine, par exemple) » après avoir exprimé ses réserves sur le vaccin Pfizer et les vaccins à ARN messager. France Culture fait alors remarquer qu’il faisait déjà état de sa préférence pour les vaccins russes en septembre 2020. Le 10 janvier, sur LCI le leader de LFI déclare qu’il n’est « pas rassuré » par le vaccin Pfizer-BioNTech.

Fin mars, de nombreux articles de presse se font l’écho de nouvelles déclarations. Le 1er avril, Mélenchon précise sa pensée : « Le vaccin russe fonctionne, nous attendons le label de la Commission européenne (…) c’est une erreur totale. C’est du business, rien d’autre. » La réticence de la France envers le vaccin russe Spoutnik V est « une décision politique qui est destinée à favoriser le business des grands groupes pharmaceutiques qui gagnent des milliards dans cette histoire et qui n’ont pas envie de voir arriver un concurrent qui vient de Russie. »

Après avoir déclaré en décembre « je ne me ferais pas vacciner tant que mon médecin n’aura pas reçu les études du vaccin », Marine Le Pen déclare le 9 janvier être prête à se faire vacciner quand viendra son tour et « préférer, si (elle a) le choix, avoir affaire à un vaccin traditionnel, plutôt qu’à un vaccin ARN messager. » Le 23 mars, elle propose d’élargir les capacités de vaccination : « Est-ce qu’on peut arrêter avec ces blocages idéologiques qui font que, pour des raisons de géopolitique, on refuse, pour l’instant, d’envisager le vaccin russe ? On refuse d’envisager le vaccin chinois ? »

Procédure d’autorisation

Les deux leaders savent en réalité très bien que la question n’est pas politique mais technique : pour qu’un vaccin soit utilisé, il faut d’abord qu’il soit autorisé par une instance scientifique, qui évalue l’innocuité, l’efficacité et la qualité du vaccin. C’est l’Agence européenne des médicaments qui joue ce rôle dans l’Union européenne, les instances nationales se rangeant généralement à son avis (c’est le cas pour la France).

La procédure habituelle prévoit que les laboratoires pharmaceutiques terminent toutes les phases de leurs essais, du stade préclinique (tests sur les animaux) jusqu’à la phase 3 (la dernière, qui comporte des dizaines de milliers de participants), avant de transmettre l’ensemble des données aux agences régulatrices, dont l’agence européenne des médicaments.

Une procédure d’urgence a été adoptée pour la Covid, pour des raisons évidentes : les laboratoires ont transmis leurs informations à chaque étape, de manière à accélérer la procédure, mais le processus a été respecté.

Le vaccin chinois (Sinopharm) et le vaccin russe (du nom de Spoutnik V) ne seront donc utilisés que s’ils satisfont à cette procédure. Cela veut dire que les laboratoires concernés doivent en faire la demande et envoyer les informations nécessaires, c’est-à-dire les résultats des différentes phases, l’efficacité, les effets indésirables éventuels, et les données de pharmacovigilance (ce qu’on appelle la phase 4, qui continue tant que le produit est utilisé).

Le site de l’OMS fournit des informations détaillées sur les différents vaccins. Pour l’instant, on y trouve des informations sur les quatre vaccins de Pfizer, Moderna, AstraZeneca et Janssen, et rien d’autre.

Le Lancet a publié en février un article sur le vaccin russe. Le 4 mars, France Info annonçait que « Le vaccin russe Spoutnik V a franchi une étape clé, jeudi 4 mars, pour son déploiement en Europe, avec le début de son examen par l’Agence européenne des médicaments ». Le vaccin pourrait être autorisé en juin, le fonds russe annonçant être capable à cette date de fournir 50 millions de doses. Mais le vaccin n’a pas fait l’objet d’une précommande de l’UE.

Il ne semble pas que les Chinois veuillent donner les informations nécessaires à une autorisation européenne.

Deux autres vaccins sont en cours d’autorisation et pourraient arriver également en juin : celui de Novavax, un laboratoire américain (la production serait assurée par GSK) et celui de Curevac, une entreprise allemande.

Quelle efficacité de ces vaccins ?

A défaut d’informations scientifiques détaillées, telles que fournies aux agences spécialisées, la presse fournit un certain nombre d’informations partielles (et peut-être partiales).

Les démêlés de Spoutnik V avec la Slovaquie ont été amplement commentées : les autorités slovaques accusent les Russes d’avoir fourni des produits différents de ceux annoncés. Le producteur dément.

Sur CoronaVac, le vaccin de Sinopharm, on dispose d’une étrange déclaration d’un officiel chinois et des résultats au Chili : dans les deux cas, il est noté que les résultats sont très faibles après la première dose et médiocres après la seconde.

A contrario, on lit sur Twitter les résultats suivants :

En Serbie.  Efficacité :  Pfizer : 85% (1re dose), 95% (2e),  Spoutnik: 92% (2e dose),  Sinopharm : anticorps seulement après 2 semaines; au moins 90% (2e dose) pour les personnes âgées de moins de 65 ans, et inférieure à 90% si pour les personnes de sexe masculin âgées de plus de 5 ans.

En Argentine. Le pourcentage de personnes qui sont tombées malades avec la Covid14 jours après l’application de la 1re dose du vaccin est de :   Spoutnik V 0,27%, Sinopharm 0,49%, Astrazeneca 0,46%.

Au Chili (vaccin Sinopharm) : 67 % d’efficacité pour éviter les symptômes, 85 % pour éviter l’hospitalisation, 89 % les soins critiques et 80 % les décès.

Le collectif

Les résultats sont assez contrastés, ce qui est assez normal dans une situation sans précédent. On ne peut clairement exclure telle ou telle solution ou en choisir une contre les autres. La seule option raisonnable est de faire confiance aux agences dont c’est le travail ! Par moments, il vaut mieux fermer les écoutilles et s’en remettre aux tests et aux résultats que des scientifiques mettent des semaines ou des mois à élaborer.

  1. Jean-Claude Herrenschmidt Jean-Claude Herrenschmidt 21 avril 2021

    Heureusement que Jenner, Pasteur et peut-être encore Calmette et Guérin n’ont pas attendu la mise au point de ces procédures pour administrer leurs inventions. Il est vrai qu’avec la rage, par exemple, Pasteur n’avait guère que le choix de laisser mourir le pauvre Joseph Meister ou peut-être de le sauver. Et pourtant il a hésité : http://www.louispasteur.fr/2017/05/le-premier-vaccin-contre-la-rage.html

    Heureusement les connaissances ont progressé grâce aux scientifiques comme le rappelle justement cet article.
    Les progrès dans les connaissances scientifiques dans tous les domaines ont été tels, et ont été enseignés avec tant de passion et de conscience dans nos écoles de la République, que je suis toujours étonné de constater que la pensée magique et la tradition obscure sont toujours présentes avec une telle intensité dans nos sociétés dites développées.

    Il me paraît plus raisonnable et responsable de se faire vacciner que d’aller faire la fête avec des copains en brandissant l’étendard du « moi d’abord ». D’autant que l’un n’empêche pas l’autre, dans l’ordre. Et quels que soient les pourcentages.

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