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La preuve et la démocratie

« Après le Capitole, il est capital que Trump capitule! », nous a confié un Scéen particulièrement remonté. Sous son dehors railleur bien qu’athlétique, il protestait contre la nième manipulation de Donald Trump. La scène se passait rue Florian dans une file d’attente assez longue pour avoir le temps de s’expliquer. Voici l’esprit plutôt que la lettre des raisons de l’emportement démocratique.

Les avocats de Trump qui contestaient les résultats des présidentielles, au niveau d’un comté, d’un État ou de l’ensemble des U.S.A., se sont faits retoqués plus de 60 fois, souvent pour des raisons juridiques (par exemple quand un État voulait s’immiscer dans les affaires d’un autre État), mais souvent aussi parce qu’ils n’apportaient pas la preuve des fraudes alléguées.

Cela fait très longtemps que Trump a montré qu’il avait une conception assez personnelle avec la vérité. Comme professionnel des médias, il avait expliqué : Les gens veulent croire en ce qui est le plus formidable, le plus génial et le plus spectaculaire. J’appelle cela l’hyperbole véridique. C’est une forme innocente d’exagération — et une méthode de promotion très efficace. On appréciera le mot « innocente ».

Il a ensuite prétendu pendant des années que Barack Obama n’était pas né aux U.S.A. Sans aucune preuve bien entendu, pourquoi s’en embarrasser ? Après son investiture, son porte-parole prétend que « Ce fut la plus grande foule ayant assisté à une investiture« , alors qu’il y avait probablement 7 fois moins de participants qu’à l’investiture d’Obama en 2009. C’est à cette occasion que la conseillère Kellyanne Conway invente le terme de « faits alternatifs ».

Le refus par Trump de reconnaitre sa défaite et son appel à marcher sur le Capitole ont été compris comme une atteinte majeure à la démocratie. Mais la méthode du mensonge permanent et le refus de reconnaitre la moindre preuve étaient déjà des atteintes particulièrement graves contre la démocratie. Et cette méthode s’appuie sur le droit à produire n’importe quel énoncé (le « fait alternatif »), à se dispenser de le justifier au nom de la liberté d’expression, et à le diffuser largement à travers des réseaux puissants. C’est une version moderne du droit du plus fort.  

N’oublions pas qu’il n’y a pas de démocratie réelle sans appui sur la Raison. L’État de droit en est la première et sans doute la plus importante des manifestations. Les conflits entre les personnes ne se règlent pas par la force, le statut à la naissance ou la superstition, mais par des faits établis et soupesés.

La revendication d’être cru sans preuve mène inéluctablement au despotisme, au pouvoir de la violence qui devient, en l’absence d’arguments, le seul arbitre. Il serait très imprudent de croire que cette funeste « alternative » est purement américaine. Il suffit de voir comment s’amplifie le complotisme en France pour se convaincre que nul n’est à l’abri.

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