La Gazette a publié le 11 décembre un article sur l’apprentissage de la lecture et sur la proportion des jeunes qui ne sont pas des lecteurs efficaces. Il paraissait judicieux d’avoir un point de vue de professionnel sur le sujet. Frédéric Delamare a bien voulu rebondir sur la conclusion qui évoquait les nombreux moyens pour améliorer les résultats des jeunes français.
Le directeur de l’école des Blagis nous avait déjà présenté les actions menées par son école dans le cadre du Covid. Des évaluations présentées dans notre article, il retient l’hétérogénéité existante dans toute les classes : arriver à ce que tous les élèves soient des lecteurs efficaces est un défi dans toutes les écoles.
Écriture et lecture
Une conviction née de son expérience guide le directeur : l’apprentissage de la lecture et celui de l’écriture sont indissociables. Pour faire progresser l’élève, il faut le faire jouer les rôles de récepteur et d’émetteur des messages. Par exemple, l’école a depuis longtemps mis en place un « cahier culturel », sur lequel les enfants racontent leurs sorties. Cela suppose d’ouvrir l’école sur le monde extérieur. De manière plus générale, le projet d’école met l’accent sur la production d’écrit et sur le vocabulaire.
La bibliothèque est l’occasion de travail en demi-groupe : l’un avec le directeur à la bibliothèque (celle de l’école est vraiment de qualité) et l’autre avec l’enseignant pour du travail d’écriture.
Un des points clés est lexical : l’élève a besoin de donner un sens aux mots qu’il emploie alors qu’il n’a pas forcément des images derrière les mots
Exemple : quand Frédéric Delamare raconte une histoire qui fait intervenir « un papillon qui voltige dans la prairie », il faut bien que les enfants se donnent une image de chacun des trois mots « papillon », « voltiger » et « prairie », pour qu’ils s’approprient vraiment l’histoire ! Cette question de sens à ce qu’on fait se pose d’ailleurs aussi en calcul
Ce problème de vocabulaire se pose avec plus d’acuité pour les enfants qui ne parlent pas français à la maison, étant issus de familles non francophones. Mais il reste un point clé pour tous, à des degrés divers.
Plan d‘action lecture
Dans les années 90, le département des Hauts-de-Seine avait lancé, en partenariat avec l’Ecole normale, un plan d’action lecture qui visait le périscolaire pour apporter chaque semaine aux enfants en difficulté scolaire un soutien supplémentaire, à travers des modules de 3 heures en lecture, écriture et informatique. Ce plan efficace et utile a malheureusement disparu il y a une dizaine d’années.
Formation des enseignants
Frédéric Delamare est entré à l’École normale après le bac et a suivi trois années de formation, alternant les passages sur le terrain et les temps d’analyse de l’activité terrain pour mieux la comprendre. Plus tard, cette formation initiale en alternance est passée à deux ans et elle n’est plus que d’un an aujourd’hui.
La qualité de l’enseignement par les professeurs des écoles passe aussi par la qualité de la formation donnée à ces mêmes enseignants, ce n’est pas une surprise.
Le rôle des parents
Que peuvent faire les parents de leur côté ? Le directeur de l’école des Blagis déplore que les enfants passent de plus en plus de temps sur les écrans, alors qu’il existe aujourd’hui tant de jeux pédagogiques. « Il ne faut pas mettre les enfants sous cloche, les rendre passifs de toute activité ». Cela passe par des choses très simples. Par exemple, donner l’occasion d’écrire en envoyant des cartes postales à la famille, lire des histoires avec les enfants en insistant sur la représentation mentale, sur le vocabulaire, en mettant des images sur les mots, en leur demandant de raconter ce qu’ils ont retenu de l’histoire. Préparer avec eux la monnaie pour acheter la baguette à la boulangerie.
Utiliser les jeux pédagogiques en prenant le temps de lire la règle du jeu. Tout simplement, prendre du temps pour jouer avec les enfants.
Frédéric Delamare passe beaucoup de temps à la bibliothèque avec les élèves. Il y prend plaisir à découvrir les enfants sous une autre facette. Ils ont une forte demande affective pour des activités communes avec les adultes, que ce soit pour lire, raconter des histoires ou jouer. Ce qui est assez réconfortant pour les parents et les grands-parents. Et tous ceux qui sont prêts à passer du temps avec des enfants. Pour transmettre et écouter.