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L’investissement électrique de La Poste (2/2)

Dans la partie précédente, Sylvain Fresnault nous a expliqué quels furent les premiers programmes de La Poste en matière d’électrification des véhicules du courrier. Nous en venons maintenant aux vélos. Chacun a en tête l’image du facteur cycliste et on se doute qu’à la Poste la transition n’a pas été un petit projet.

Le projet VAE (Vélos à Assistance Electrique) avait démarré dès le début des années 2000. Les premiers achats sont faits sur étagère auprès de Cycleurope (ex Cycles Peugeot) qui intégrait un pack électrique Panasonic (moteur, pédalier, batteries, contrôleur).

Mais l’équation économique est difficile. Un vélo normal de la poste coûte environ 500€. Avec la technologie Panasonic il passait à environ 2.500€ soit 5 fois plus. La direction financière oppose un refus net. On se met alors à chercher un VAE d’un prix acceptable, certes plus cher que le vélo normal, mais pas au-delà du double environ. Panasonic décline et les fabricants sont difficiles à trouver à ce prix.

Un benchmark au niveau mondial est alors mené auprès des postes étrangères. L’essentiel de la production provient de Chine et à Taiwan. L’industrie des deux roues électriques y est d’une dimension absolument énorme. Les fabricants de VAE ou de cyclomoteurs (pas besoin de pédaler) et de batteries sont très nombreux mais dans la majorité des cas à partir de technologies assez rustiques utilisant majoritairement de lourdes batteries Plomb/ acide. En avance sur les autres pays, la Chine avait déjà procédé à une électrification massive des deux roues, avec entre 80 et 100 millions de VAE en circulation alors qu’il y a 10 ans le marché européen plafonnait à 200.000. Il faut donc identifie, sélectionner, les industriels qui maitrisent la technologie Lithium-Ion pour obtenir des produits acceptables par nos utilisateurs. A noter l’excellence de la direction technique de la Poste à Nantes qui a su s’adapter pour tester et valider les produits.

Sylvain Fresnault visite quelque 50 usines de batteries au monde et devient sans doute celui qui en a le plus visitéà l’époque.

Il trouve des appuis de haute compétence. Il travaille avec des universitaires de haut vol pour s’assurer de la qualité des technologies retenues. Il existe en effet une très grande variété de chimies possibles derrière le vocable générique de Lithium-Ion. L’audit montre que 3 pays savent vraiment faire : Chine, Corée, Japon.

Pour les vélos, le Chinois Phylion, dirigé par un des directeurs de l’Institut de physique de Pékin, se différentie avec un savoir-faire de tout premier plan.

Les besoins de la Poste sont vastes en matière de véhicules de distribution. Si les vélos et les voitures sont les plus nombreux, de nouveaux besoins apparaissent pour transporter plus de volume en centre-ville : petites voitures électriques (type « golfette » ) mais aussi des scooters avec 3 roues (deux roues à l’arrière). La problématique est la même que pour les vélos, mais plus complexe car la puissance des moteurs, la taille des packs de batteries, la vitesse, la législation ….rendent la mise au point des véhicules plus délicate, car une fois encore la demande précède l’offre. Au final, c’est l’entreprise Ligier qui met au point les véhicules les plus performants.

Les technologies et les « packaging » des batteries sont en constante évolution, mais l’électrochimie prend du temps et les modèles développés actuellement ne seront en circulation qu’en 2030 ! Depuis environ 5 ans, le reste du monde se réveille, dont les Européens avec une quarantaine de projets en cours. Les Américains mettent les bouchées doubles pour revenir dans la course. Pour le moment l’Asie garde une longueur d’avance. A suivre.

Une expérience personnelle riche

Entre qualité des offres, capacité de production, continuité de la maintenance, contraintes écologiques, volonté de proximité, compatibilité des prix, c’est toutes les facettes de la fonction Achats que Sylvain Fresnault a géré en direct. A l’écouter, on comprend qu’il en est fier. Il a appris beaucoup et donné beaucoup.

Il en a tiré quelques leçons : les Chinois, manquant de pétrole, ne se posent pas de questions par rapport à l’électrique ; ils s’épargnent les débats sans fin entre favorables et défavorables et ils vont vite. À Shanghai, les 2 roues thermiques sont carrément interdites en ville depuis 10 ans. Que n’arrivons-nous pas à une mesure semblable ? Mais il est difficile en France de convaincre toutes les parties prenantes du bienfait de la réduction de la pollution atmosphérique et sonore due aussi aux deux roues (motos, scooters notamment). La résistance est très forte. La conviction de Sylvain Fresnault n’est pas moins forte. Il faut des motorisations électriques et des chaînes de productions qui les rendent possibles. Pour lui, ce n’est plus une option ; il faut y aller. Son engagement ne semble pas prêt de s’affaiblir.

  1. […] le domaine de l’électrification des transports, le pays est en avance : les deux roues sont électriques depuis longtemps. Le premier producteur chinois de voitures électriques, la société BYD qui produit à 95% pour […]

  2. Jean-Claude Herrenschmidt Jean-Claude Herrenschmidt 5 juillet 2021

    La résistance est très forte ? Ce n’est pas peu dire. Il est clair, au moins dans notre pays, que le « moi d’abord » conjugué à la devise « l’union fait la force », débouche régulièrement sur des affrontement dont la violence ne cesse d’étonner nombre de nos concitoyens européens et de leurs gouvernements.
    Les récupérations politiques que l’on voit souvent à l’œuvre, ne contribuent pas à l’apaisement des esprits.
    Dans le cas présent, faudra-t-il attendre que l’on manque vraiment de pétrole pour que, « nécessité faisant loi », on imagine, une fois de plus, des solutions contorsionnistes qui divisent plus qu’elles ne rassemblent devant l’adversité.

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