Une passionnante étude vient d’être publiée par le JDD du dimanche 11 avril. Un travail exigeant nourri d’algorithmes exceptionnels a produit un classement des villes de France, un top level de celles où il fait bon vivre. Sceaux y occupe la 281e place sur 500. Ce qui témoigne et de sa qualification dans le cercle très fermé des demi-mille et de son honnête campement en milieu de terrain.
Encore faut-il bien comprendre le bilan de l’étude. Si on décode sans effort les premières positions occupées par des villes magnifiques comme Annecy, Bayonne, Angers ou La Rochelle, on est pris d’une curiosité croissante quand on parcourt la liste des communes primées et leur classement. La curiosité est bien sûr guidée par la volonté de bien faire, de trouver des critères qui permettraient à Sceaux d’ambitionner le podium.
Las, un premier constat laisse planer une inquiétude. Annecy, Bayonne, La Rochelle, Caen, Nice, Bordeaux, Lorient dans les dix premières démontrent que la proximité de l’eau, lacustre ou maritime, est un méga plus. Et à peine plus loin, on trouve Cherbourg, Le Havre, Biarritz et Anglet. Ce n’est pas avec le Grand canal, malgré sa majesté et les attentions dont il fait l’objet, qu’on pourra combler le handicap. Le lac d’Annecy a lui tout seul fait déjà 27km2. On ne peut pas lutter.
Mais déplaçons le regard : Angers est en 3e position et Le Mans en 5e. L’influence culinaire est patente : on sent la puissance de la galipette d’Anjou (plat, non pas inspiré de la gaudriole, mais du champignon farci dont il porte le nom), on sent la renommée trapue de la rillette. Et on se prend à rêver, à imaginer de nouveaux noms qui deviendraient des icônes de la ville : pourquoi pas un Sisson ou une Calipe (aux justes proportions entre lipides, glucides et protéines) qui dépasseraient les frontières du département et porteraient Sceaux sur les fonts baptismaux d’une appellation d’origine protégée ?
D’autres rais de lumière permettent d’espérer. Bagneux est à 18 places devant nous et, mieux, Gennevilliers à 197 (84e sur 500) ! Le doute n’est pas permis. La hauteur fait la force. Assez de compromis sur le nombre d’étages, plus de hardiesse dans la construction ; comme source inspirante on a les beaux programmes en court à… disons… à vue de nez, dix douze étages qui longent, l’avenue Gabriel Péri, celle qui passe devant la coquette mairie de Gennevilliers laquelle, avec ses quelque 60m de haut, a certainement propulsé la ville d’une cinquantaine de places.
Le JDD l’explique. Le classement a été calculé à partir de pas moins de « 183 critères objectifs publiés tout au long de l’année 2020 par l’Insee ou par des organismes étatiques » qui ont été appliqués aux 34.837 communes. Si on a bien compris. Dès lors, il faut applaudir la puissance de calcul qui a été nécessaire pour croiser, trier, combiner une telle masse de chiffres ; il faut imaginer le travail de forçat des processeurs lancés à leur vitesse maximale, la vapeur qui a dû sortir de leurs naseaux furieux, les ailettes des ventilateurs tournant à la limite du décrochement qui a pu empêcher les circuits de fondre.
Il n’y a rien pour surprendre. Le JDD nous donne la raison de l’ébouriffant besoin d’énergie : l’intense complexité des critères. Il cite la qualité de vie, la sécurité, les commerces et services, les transports, la santé, l’éducation, la solidarité, les sports et loisirs, le taux de chômage, l’espérance de vie, la présence d’une gare, d’une boucherie, d’un collège, l’éloignement d’une maternité ou d’un plan d’eau…). Il ne pouvait pas tout citer, le pauvre, il a probablement omis les charcuteries, les bois et charbons, les rémouleurs, la lingerie féminine, les distributeurs automatiques de chewing-gums. Et on comprend facilement que c’est cette effroyable complexité qui a tendu à tout rompre les courroies des disques durs et poussé l’ordinateur central aux bords de l’incandescence.
On devine les hauts cris de la gent écologue. Que d’électricité protestera-t-elle, comme McMahon s’écria: « Que d’eau, que d’eau ! » devant une crue de la Garonne. Quelle insulte à la planète ! On pourrait effectivement demander des comptes au JDD. Combien de kw/h pour ces calculs ? Mais la démarche serait inutile, c’est trop tard. Autant prendre les choses du bon côté : le travail est fait et les résultats sont là, avec leur immense bénéfice : nous savons comment nous améliorer.
J’ajouterais à cette analyse lucide, le caractère vain de ce genre de classement à recherche d’audience, cette manière biaisée de vouloir découper la réalité en morceaux valorisables, en soi. Sceaux, comme toutes les autres communes des grands regroupements urbains, ne saurait être caractérisée en dehors de son environnement. Comment voulez-vous qu’un habitant d’une maison avenue Le Nôtre ou au quartier des Chéneaux ait la même perception de sa ville qu’un habitant de la cité des Bas Coudrais ou de l’avenue de Bourg-la-Reine ?
Bravo pour ce billet !
En effet, comment une ville comme Sceaux, si chargée d’histoire, proche d’un magnifique parc, dotée d’un château romanesque, d’un cachet si singulier, d’une scène nationale et de commerçants de qualité peut-elle se retrouver à une place si peu glorieuse dans un tel classement ? Surtout quand on connaît le niveau d’imposition de la ville et de sa dette ! Il y a beaucoup à faire en effet ! Mais il semblerait que l’équipe municipale en place ne s’en soucie guère… Seules la densification et l’architecture en cubes semblent les intéresser ! FMR