En mai dernier, mais la nouvelle ne sera connue qu’en juin, Maurice, le célèbre coq de l’île d’Oléron expirait. Il fut l’objet d’une controverse qui échauffa les esprits dans bien des pays. Nous étions alors dans la campagne des municipales et la Gazette, soucieuse de ne pas s’emparer d’un événement majeur qui aurait pu bouleverser le débat électoral, s’est tue. Eh oui, la décision fut lourde.
Nous ne regrettons pas ce silence ! Car il est celui du temps nécessaire au recul et à la prise de conscience. Il a accompagné la discrétion qui entoura la mort du coq Maurice. Rappelons les faits. Ils sont terribles. En 2019, des voisins de Corinne Fesseau, la maîtresse du coq, confondant l’Ile avec une maison de retraite, portent plainte contre les cocoricos. L’animal au beau plumage et non moins beau ramage dérangeait leur besoin de tranquillité. D’être réveillés aux aurores par le maître chanteur, était pour eux une nuisance sonore. Ils ne dormaient plus ou quelque chose comme ça. Les reporters du Monde, journal de référence, couvrent l’événement.
L’affaire prit une telle envergure que jusqu’au New York Times, on eut des opinions tranchées. Entre les lecteurs, ce fut un dialogue fébrile. Les soutiens à Maurice étaient les plus nombreux, il incarnait la France du bon goût. Mais l’opposition fut farouche qui estimait depuis la Big Apple qu’il y avait nuisance sonore. L’île d’Oléron, disaient-ils, n’est pas une campagne réelle, elle s’est développée pour et par le tourisme et dans ces conditions, il est normal que le bien-être sonore soit respecté.
Pour Corinne Fesseau, l’action de justice initiée par les voisins originaires de Limoges fut un combat qui dépassait ses intérêts personnels. Pour elle, Maurice était devenu un emblème, celui des traditions rurales face à l’urbanisation. Au reste, la justice lui donna raison et Maurice put continuer à chanter sans risquer de se faire voler dans les plumes.
La sincérité de la maîtresse ne peut être mise en cause. Car, si tel n’avait pas été le cas, Maurice, mariné 24h dans un bon vin charpenté, entouré de champignons et de petites carottes, aurait fini dans son assiette. Mais on ne mange pas un symbole, on le porte en soi. C’est pourquoi la gent qui porte crête finit enterrée dans le jardin de la maison, là où il vécut libéré de la maladie qui le tenaillait depuis des mois. Un coryza avait atteint ses voies respiratoires. Il avait six ans. « The Guardian », excusez du peu, annonça la nouvelle. L’AFP aussi. On a tout dit du phénomène.
En quoi Sceaux est-elle concernée le moins du monde par cette affaire ? En rien, sauf qu’elle se veut village. Et un village, ce sont des cloches qui sonnent, des tracteurs qui passent et même des coqs qui chantent. Ce sont des commerces qui ferment, des jeunes qui partent. Peu de chance que Sceaux pense village de la même façon. On est plutôt dans la métaphore. Une métaphore partagée avec Gennevilliers, à l’autre extrémité du département, qui parle aussi village pour désigner les alentours immédiats de l’église.
Demandons-nous ce que dit, en Ile-de-France, la revendication d’être un « village » ? Quelle est la légitimité du chant du coq ? Quel quartier, quel voisinage, acceptera des égosillements vers les 5 ou 6 heures du matin ? On est beaucoup dans le circuit court, dans le végétal. Qui assume que , quand le blé est mûr, la moissonneuse doit travailler sans cesse avant la pluie ? Les élections passées, le moment est venu de poser des questions qui, tendre ironie mise à part, vont animer les imaginations. De la place, des fonctions de la ville dans une économie « écologisée », il y a fort à parier qu’on aura beaucoup à dire.