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A Bourg-La-Reine, le volcan mis en poésie

Pour cette année 2025, le Printemps des Poètes avait choisi le thème « Volcanique ». Cette manifestation fédère toutes sortes d’initiatives prises pour faire connaître la poésie francophone. Les Rencontres poétiques de Bourg-la-Reine y prenait leur part le 5 avril à la Médiathèque, sise à côté de la mairie et de l’église Saint-Gilles.

Philippe Tariel, le président des Rencontres, anime la séance, décline les compréhensions du thème, séquence les interventions. Trois lectrices (Éliane Malbert-Paya, Françoise Trécourt et Danielle Labussière) l’accompagnent à la diction parfaite et très en phase avec la prose et les vers. Micro, vidéoprojecteur, un écran descendu, des tablées de 3 ou 4 personnes avec des nappes rouges. Tout a été organisé. Du café et du thé sont à disposition, ce qui est logique puisqu’il s’agit d’un « café-poésie ».

Le volcan pour lui-même

L’animateur décline « la poésie expansive » de maintes illustrations, de maintes lectures. Il a puisé dans sa bibliographie et celle des Rencontres. Quelles qu’en soient les sources, ses références et ses analogies, volcaniques par circonstance, cherchaient à convaincre que la poésie vient de quelque part. Qu’elle était avant, qu’elle continue, se transforme mais doit rappeler ses sources.

Ce seront des découvertes (des rappels pour d’autres) de textes inspirés, déconcertants, humoristiques, une palette de variations sur le thème du volcan. Entrecoupées de jeux d’écriture ou de « pastilles musicales », selon l’expression de Philippe Tariel. Les citations qui suivent sont de lui.

L’amorce est respectueuse du sens premier : le volcan est raconté pour lui-même, dans ses manifestations et ses imprévisibles.

L’attaque est du côté Hugo. Lecture du Vésuve. Allez sur le lien, sinon, noté au vol : « La flamme des vaisseaux empourpre la voilure. / La lave se répand comme une chevelure »

Tristan Corbière. Tout autre. Humoristique, cynique, heurté, « à l’opposé du Parnasse ». Lecture de Vésuve et Cie.
« Pompeïa-station — Vésuve, est-ce encor toi ?
Toi qui fis mon bonheur, tout petit, en Bretagne,
— Du bon temps où la foi transportait la montagne —
Sur un bel abat-jour, chez une tante à moi »

Pierre Coran. Il est belge, voyez-vous. Le vieux volcan est lu, d’où on a attrapé :
« C’était un vieux volcan
Qui dormait depuis si longtemps
Et ce matin, il n’a plus sommeil
Il sort de sa torpeur et soudain s’éveille
. »

Le volcan métaphore

Attention, déplacement. C’est le poème qui, lui-même, devient volcan. Anise Koltz, luxembourgeoise de citoyenneté, interroge le monde « de son écriture sobre, nourrie d’aphorismes ». Lecture tirée deSomnambule du jour.

« Et Dieu demanda au poète :
“Qu’as-tu fait de mes paroles
plus fertiles que les semences ?”

Le poète répondit : “J’en ai fait des poèmes
ils ont explosé

Comme l’astrologue
je contemple les trous noirs
 ».

Pastille musicale tirée d’un documentaire de 2017, Le mystérieux volcan du Moyen Âge. Musique de film un peu angoissante. Respiration.

Le volcan comportement

On se réveille. Interrogation orale. « Quelles attitudes humaines évoquent le volcan ? »
— La colère, dit quelqu’un dans l’assistance.
— Oui, dit l’animateur qui du tac au tac sort Henri Michaux, « un Belge entre malaise existentiel, humour et cris de douleur. » Lecture de Crier :
« Le panaris est une souffrance atroce.
Mais ce qui me faisait souffrir le plus, c’était que je ne pouvais crier.
Car j’étais à l’hôtel. 
»

On compatit, rien n’est pire que d’avoir mal aux pieds dans un hôtel. Poursuite de l’interro.
— Une autre attitude ?
— La passion, dit-on dans l’assistance.
— Oui !
Il a tout prévu. Hommage à Louise Labé avec la lecture d’un sonnet Je vis, je meurs :
« Je vis, je meurs, je me brûle et me noie,
J’ai chaud extrême en endurant froidure,..
 »

On passe au bouillonnement, et voilà Norge, belge aussi, « truculent et concis, absurde ». La lecture est tirée des Cerveaux brûlés. Puis à l’industrie avec ses paysages urbains et ses cheminées d’usines. Emile Verhaeren, lecture de Les usines, tirées des Villes tentaculaires. Les trois lectrices sont infatigables.

Une pause tout de même avec un enregistrement de Ferrat chantant Aragon. Les feux de Paris, où le volcanique est dans les feux y compris électriques. Dans l’assistance, on aime la voix chaude de Ferrat.

Interro écrite

Poésie n’est pas passivité. Distribution des feuilles. C’est un poème où il manque des mots. Amazone est tiré de Etudes et préludes de Renée Vivien, la Britannique d’expression française, surnommée « Sapho 1900 ». Il faut choisir (imaginer) parmi trois ou quatre mots proposés celui que la poétesse a écrit.

On est concentré. Il ramasse les copies. Cinq minutes pour la correction. 10 mots manquant, 1 point si le mot juste a été trouvé. Il donne la note sur dix de chacun d’entre nous. A chacun d’en faire ce qu’il veut en fonction de son intimité avec Renée Vivien. Mais : « ceux qui se sont le plus plantés ont été les plus créatifs », dit l’animateur. Si ce n’est pas de la bienveillance….

Tempérament volcanique et sommeil aussi

Henri Michaux encore, entre humour et malaise existentiel. Lecture de Mes occupations tirée de L’espace du dedans :
« Je peux rarement voir quelqu’un sans le battre. D’autres préfèrent le monologue intérieur. Moi non. J’aime mieux battre. » Surprise. On ne savait pas Michaux boxeur. Sauf à plaisanter.

Métaphore, fertilité de la lave et la fertilité de la création poétique.

De Luc Bérimont, on a Pâques à Rimbaud. De Jean Tardieu, Insomnie rapproche le sommeil du volcan du sommeil de l’humain. Avec Marie-Claire Bancquart, c’est « l’énigme de notre présence au monde ». De la lecture de Descente, on retient : « Une lucidité tombe au bas du monde. »

Pastille musicale. Évocation, sommeil, langueur peut-être, attente. On aime alterner les rythmes.

Et puis, le volcan se fait poète, œuvre portée sur le chaos, la révolte. [PT1] Avec Lautréamont « dont l’imagination fut folle » c’est un passage du Troisième chant de Maldoror.

Rimbaud est convoqué avec Barbare, venu des Illuminations. « O douceurs, ô monde, ô musique ! Et là, les formes, les sueurs, les chevelures et les yeux, flottant. Et les larmes blanches, bouillantes, – ô douceurs ! – et la voix féminine arrivée au fond des volcans et des grottes arctiques…. » Si on ne comprend pas tout, c’est normal, « Rimbaud recrée par les mots un nouveau monde. »

René Char a commenté ce poème « quand il croyait encore en l’avenir. » Tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud, est tiré de Fureur et Mystère. « Si les volcans changent peu de place, leur lave parcourt le grand vide du monde et lui apporte des vertus qui chantent dans ses plaies. »

Houellebecq est plus inattendu. D’autant qu’il s’amuse à associer souffrances de l’enfance à source de l’éclosion poétique. D’abord la souffrance se moque des explications faciles. Henri est un bébé qui crie. « Il est bien parti dans la carrière de poète. »

Révoltes et fantaisies

Et bien d’autres lectures. Assez significatives pour saisir le regard du poète, assez courtes pour laisser la place aux autres. Norge, sur la fin du monde, Aimé Césaire Dorsale bossale, tiré de Moi, laminaire…. On apprend que la dorsale est une plaque géologique ; et bossale renvoie aux esclaves d’Afrique. « Il y a des volcans qui se meurent, il y a des volcans qui demeurent. »

Délire du surréalisme et de l’absurde et éruption avec Joyce Mansour, tout à la fois égyptienne de la colonie britannique, écrivain de langue française. Déchirures.

René de Obaldia, Raymond Queneau, l’Oulipien farceur. Lecture de L’archipel. « Le volcan de son côté faisait des siennes / avalait de petits bateaux / engloutissait de grands vaisseaux / mais excrétait des crustacés / qu’il avait bien cuits dans son ventre / et voilà pourquoi les homards et les tourteaux / incommodent les boyaux. »

Interrogation écrite. Acrostiche sur le mot volcan ou volcanisme (au choix). Donc chaque ligne doit commencer par une lettre du mot qu’on retrouvera donc dans la première verticale du texte. Certains se grattent la tête, d’autres s’amusent. Inspirations diverses, certaines hésitantes, d’autres affirmées ou astucieuses. N’importe. Lecture publique des œuvres ainsi créées. Au bout du bout, c’était un joli panorama poétique, simple, balancé, rêveur et jamais triste, enjoué, stimulant.


A venir

Laetitia Rojas, la directrice de la médiathèque avait accueilli les quelque 25 personnes participant à l’honorable cénacle d’une chaleureuse salutation suivie d’invitations :

  • Le 26 avril, à la médiathèque, une artiste en résidence animera un cercle littéraire une fois par mois. On échangera sur nos lectures coups de cœur.
  • Du 23 au 25 mai, se tiendra le festival du livre avec pour thème les légendes allemandes.

L’association Rencontres Poétiques de Bourg-la-Reine

« C’est un cercle d’amateurs de poésie, explique Philippe Tariel, pour la plupart (mais pas tous) écrivant eux-mêmes. En dehors des réunions mensuelles réservées aux adhérents, l’association organise des animations :
— ouvertes au public : café-poésie du Printemps des Poètes, conférences-spectacles sur un thème poétique (en 2024 : la poésie de la mer), scène ouverte où les poètes « amateurs » peuvent dire leurs textes en public…
— ou destinées à des populations spécifiques : concours annuel des enfants-poètes, interventions dans les écoles, interventions dans les maisons de retraite… »

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