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Les clins d’oeil d’Edouard Philippe

Un des premiers jours du mois de mars 2017, alors que la candidature de François Fillon prenait l’eau de toutes parts, j’ai annoncé à mon épouse que je venais d’entendre à la radio un responsable politique que je ne connaissais pas, mais que j’avais trouvé très bien, bien qu’il soit de droite. Un peu plus de deux mois plus tard, ce responsable politique était nommé Premier ministre (je n’y étais bien sûr pour rien 😊). Un de mes jeunes anciens collègues avec qui j’étais resté en lien, juppéiste militant, m’a expliqué qu’un tel résultat (qui le réjouissait) était déroutant après deux défaites récentes successives(avec Juppé pour la primaire, avec Fillon pour la présidentielle).

Après 1145 jours à Matignon, Édouard Philippe a repris ses activités de maire du Havre. Et il s’est attelé à l’écriture d’un nouveau livre à quatre mains, avec son ami de 20 ans Gilles Boyer. Impressions et lignes claires est paru début avril aux éditions Lattès. Édouard Philippe rappelle qu’il est là, et qu’il peut servir son pays. Quand on est la personnalité politique préférée des Français, ce rappel n’est pas anodin. La principale question, pour les journalistes, était de savoir si cela préfigurait une candidature aux présidentielles. La réponse du maire du Havre (je suis loyal et libre) ne les a pas tous convaincus. Mais pour certains les réponses sont moins importantes que leurs certitudes. Dans la Croix, Jérôme Chapuis en fait un commentaire amusant : interrogé sur ses ambitions, l’ancien Premier ministre a bafouillé : et s’il avait fait exprès?

Il a raison sur au moins un point : ce livre est de la communication politique, il ne faut pas l’oublier. Faut-il ignorer ce qu’il exprime pour autant ? Dans son premier chapitre, il montre à quel point la nomination par le nouveau Président d’un Premier ministre issu du camp adverse était extraordinaire. La réaction de mon ancien collègue, rapportée plus haut, illustre que les auteurs savent maintenant que tout peut arriver, pas seulement l’improbable.

Au-delà de la communication politique, ce livre m’a paru avoir trois dimensions : historique (même si le propos est par nature partial), descriptive et réflexive. Détaillons.

Les auteurs défendent le bilan du plus connu des deux, c’est bien naturel (Gilles Boyer ne fut « que » le conseiller d’Édouard Philippe avant d’être élu député européen). Mais c’est l’occasion de revenir sur des événements récents avec le regard d’un des principaux acteurs. C’est très bien écrit : pourquoi s’en priver ? Et souvent drôle : la discussion avec le chauffeur de taxi qui l’amène à l’Assemblée nationale le 15 avril 2017, mais ne comprend pas tout de suite pourquoi de nombreuses motos se précipitent à sa suite, est une pépite. Extrait :

— Ah, mais c’est vous !
— Ah, oui, je vous le confirme, c’est moi ! 

Il y a aussi une description du fonctionnement de l’État qui passionnera tout citoyen curieux. Par exemple, au début, le rôle du secrétaire général de l’Élysée et celui du directeur de cabinet du Premier ministre. Avec le premier arbitrage remporté par ce dernier quand il choisit celui qui va l’assister, contrairement à son successeur.

Il y a aussi, ce qui n’est pas le moins important, des idées de fond sur la politique à mener. On comprend que si Édouard Philippe a pu partager le programme du président, il le dit avec ses mots à lui. Cela méritera probablement un autre article !

Au passage, quelques portraits de personnes croisées. Souvent décrites avec bienveillance, mais pas toujours. Le général de Villiers en prend par exemple pour son grade (normal pour un général…). Les limites de Nicolas Hulot sont également soulignées, semble-t-il, pour les regretter.

En tous les cas, un livre qui se lit très bien (j’ai lu les plus de 400 pages en trois jours), d’une belle plume, cocasse et qu’on ne peut que recommander à tous ceux que la chose publique intéresse !

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