Lundi 7 avril, la salle Sainte-Barbe accueillait une conférence intitulée Comment la parole vient aux enfants, par Josette Serres, docteur en psychologie du développement de l’enfant. La conférence était organisée par le Relais Petite Enfance de la ville. On y a parlé réseaux de neurones, stockage des sons entendus, perception de la parole, bilinguisme… Et évoqué tout ce que l’adulte peut faire pour accompagner l’apprentissage du langage.
La salle Sainte-Barbe était pleine : assistantes maternelles, professionnelles des crèches ou écoles maternelles, mères de famille, avaient répondu nombreuses à la proposition de la directrice du Relais, Nathalie Beck. Celle-ci a rapidement donné la parole à la conférencière.
L’intervenante
Josette Serres a été ingénieur de recherche CNRS pendant 40 ans . Après avoir étudié l’apprentissage du langage chez les enfants de couple franco-allemand, elle est depuis 2014 formatrice petite enfance. Elle a écrit de nombreux livres.
En début de conférence, elle a expliqué qu’après avoir écrit des articles en anglais pour des revues spécialisées « que presque personne ne lit », elle a voulu apporter au grand public les nombreuses découvertes de la science depuis une trentaine d’années.
Le bébé et son mode d’apprentissage
Difficile de résumer deux heures de conférence et dix pages de notes. On se contentera donc ici de quelques points clés :
Les bébés naissent prêts pour le langage tant du point de vue physique (pharynx, langue …) que neurologique. Le cerveau comprend à la naissance 100 milliards de neurones. A l’âge adulte, il y a un million de milliards de connexions entre neurones. Le cerveau emmagasine les connaissances, mais fait régulièrement un « nettoyage » pour ne garder que celles qui se répètent et mettre les autres de côté. Par exemple, dans les 6 premiers mois, le bébé découvre en permanence des sons, mais ne conserve que ceux qui sont répétés. Donc ceux de sa langue maternelle. Mais aussi ceux d’une autre langue, si elle est parlée près de lui suffisamment souvent.
Le bébé imite grâce aux neurones miroirs. Il peut imiter les mouvements du visage d’une personne dès la naissance, tirer la langue si on lui tire la langue. Il imite aussi les mimiques des personnes qui lui parlent, en y associant le son entendu. Les sons les plus visibles, ceux qui font le plus marcher les mandibules sont les sons en « a », du type « pa » « ga » « ma » ou « ba ». Ce sont donc ceux qui seront émis les premiers. D’où l’émerveillement des parents quand le premier « mot » prononcé est « papa ». Porter un masque quand on parle à son enfant ne lui permet pas de faire cette correspondance, un problème pour les enfants qui avaient un an au moment du Covid.
Le langage ne s’invente pas, il se transmet. L’enfant ne parle que s’il a entendu parler. Les bébés ont des qualités sociales dès la naissance, ils apprennent les règles de la communication avant de savoir parler. Par exemple, le fait que la communication est un dialogue. Ce qui suppose que l’adulte ne parle pas sans arrêt : il parle puis attend la réaction du bébé. A défaut de langage parlé, le bébé émet des signaux décodés par les adultes par ses gestes, ses sourires et ses pleurs, ses cris.
Il faut donc parler au bébé. Mais pas n’importe quand, quand il est disponible. Et pas de n’importe quoi, de ce qu’il fait, de ce que fait l’adulte, de ce qui se passe autour de lui. Ce qui est important, c’est l’accordage entre l’enfant et les parents. A la naissance, le bébé a une préférence visuelle pour les visages et pour tous les sons de langage. Rapidement, il sera plus sensible aux visages familiers et aux sons de langage fréquents pour s’adapter au mieux à son environnement. Il devient attentif à la synchronisation entre les gestes, les mimiques et le son de la voix.
Les premiers mots, les premières phrases
Il ne suffit pas d’émettre des sons, il faut les associer pour en faire des mots. Première difficulté : comment distinguer les césures entre les mots quand ceux-ci sont émis en continu et non de manière discrète ? Que signifie lelapinestdanslejardin ? Autres difficultés : comprendre que pin et pain ce n’est pas la même chose, qu’un mot peut désigner plein d’objets et que plein de mots peuvent désigner le même objet. Et que les homonymies sont une des bases de l’humour !
Et pourtant, vers deux ans, l’enfant commence à parler, à accumuler des mots. A l’entrée en 6ème il en connaît environ 6000 et plus de 30.000 à l’âge adulte. Et il peut sans problème apprendre plusieurs langues en même temps, comprendre qu’il faut utiliser ce mot quand il parle à son papa et tel autre quand il parle à sa maman.
Quelques conseils pour l’entourage
Parmi les conseils donnés par Josette Serres, et en plus de ceux déjà évoqués plus haut, on a aussi retenu :
On parle aux enfants pour qu’ils se sentent écoutés, pas pour qu’ils nous écoutent.
L’attention des adultes à l’enfant en fera un adulte attentif aux autres.
Il faut aller à la maternité dire aux parents qu’ils doivent parler à leur enfant dès les premières minutes de vie .
L’enfant ne peut appliquer des consignes qu’il ne comprend pas. Exemple : il faut se laver les mains avant de manger. La notion avant/après, ce n’est pas avant 3 ans.
Pour faire comprendre une négation (un interdit par exemple) ou quelque chose de positif, il faut avoir l’attitude qui va avec. L’enfant se base surtout sur le comportement non verbal.
Les performances d’un petit à 12 mois dépendent de l’attention donnée par les adultes autour de lui. Et les écarts entre enfants à cet âge ne feront qu’augmenter avec le temps.
Quelques mots sur le Relais
Sur le site de la mairie, le Relais Petite Enfance se présente ainsi :
Lieux d’écoute, de rencontre, d’aide et d’animation au service des parents, des professionnelles (assistantes maternelles) et des enfants.
- Accueil téléphonique et rendez-vous individuels personnalisés
- Transmission de la liste des disponibilités des assistantes maternelles agréées par le Département
- Réponse aux interrogations des familles
- Écoute et accompagnement des familles dans leur recherche d’un mode d’ accueil
- Aide à la professionnalisation des assistantes maternelles
- Accueils jeux : 3 matinées par semaine pour six groupes
- Organisation de pique-niques, de fêtes, soirées à thèmes (alimentation du jeune enfant, contrats de travail, etc.)