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Le SNU dans le parc de Sceaux

Le Service national universel (SNU) est un magnifique exemple de la décorrélation totale entre le point de vue de ceux qui maitrisent le sujet et l’opinion publique. Un problème classique dans une démocratie.

Le SNU près de chez vous

Il y a quelques semaines, les promeneurs pouvaient croiser au parc de Sceaux un curieux spectacle. Un groupe de jeunes, tous habillés de la même manière, se tenait face au château, tout au bout de la plaine des 4 statues. En s’approchant, on remarquait une cinquantaine de jeunes, en majorité des garçons, probablement à la fin d’une activité et en attente de la suivante. Aux marques sur les vêtements, on comprenait qu’il s’agissait d’un groupe de volontaires du SNU.

Difficile de savoir où ils en étaient de l’apprentissage de la cohésion, mais le regroupement avait déjà manifestement permis de constituer deux couples. Normal : c’est l‘âge.

Le SNU est actuellement en plein développement d’après Sarah El Hairy, secrétaire d’État chargée de la Jeunesse et de l’Engagement. Le nombre de jeunes est ainsi passé de 2000 en 2019 à 15.000 en 2021 et 32.000 en 2022. L’objectif est de 64.000 en 2023. Au-delà, le gouvernement sera confronté au choix du caractère obligatoire ou non du SNU. Pour l’instant, il affiche l’option « obligatoire à terme » .

Objectifs et contenu

La page destinée aux jeunes définit le SNU comme un projet éducatif d’émancipation et de responsabilisation, visant à s’impliquer pleinement dans la vie de la Nation et à nourrir le creuset républicain.

La même page détaille un contenu du SNU en trois étapes.

Le séjour de cohésion : Un séjour de deux semaines obligatoire destiné aux 15-17 ans dont la finalité est de transmettre un socle républicain fondé sur la mise en activité, les symboles collectifs et l’esprit de défense comme de résilience. Ce séjour est aussi l’occasion de bilans individuels.

La mission d’intérêt général : Obligatoire et inscrite dans une logique d’accompagnement et d’individualisation des parcours, la mission d’intérêt général s’effectue dans l’année qui suit le séjour de cohésion. Fondées sur des modalités de réalisation variées, perlées ou continues sur 12 jours, les missions proposées permettent d’accompagner les jeunes dans la construction de leur projet personnel ou professionnel et de leur permettre un premier engagement concret dans leur territoire.

L’engagement volontaire : Une phase d’engagement volontaire d’au moins 3 mois, qui pourra être réalisée entre 16 et 25 ans, et dont la mise en œuvre s’appuie principalement sur les dispositifs de volontariat civil et en uniforme existants.

Le SNU propose aux jeunes 4 raisons de s’engager 1) Affirmer vos valeurs 2) Être utile aux autres 3) Agir pour une société solidaire 4) Construire un parcours qui vous ressemble.

Tout cela est suffisamment général pour que chacun puisse y trouver ce qu’il veut.

Des Français favorables à un SNU obligatoire

l’IFOP a réalisé pour le JDD un sondage à propos du SNU. Celui-ci comprenait une seule question : « Le Service National Universel s’adresse à tous les jeunes âgés de 15 à 17 ans. Il se compose d’un séjour de cohésion, réunissant ces jeunes pour deux semaines autour d’activités physiques et pédagogiques. Vous personnellement, êtes-vous favorable à ce que le SNU soit obligatoire ? »

On notera que la présentation du SNU faite ici est tout à fait incomplète puisqu’elle n’évoque qu’une seule des trois étapes. Les réponses auraient-elles été les mêmes avec une présentation complète ?

Le cœur de la question porte sur le caractère obligatoire du SNU.

75% des sondés ont répondu favorablement et 25% défavorablement. Quel que soit le découpage (par âge, par catégorie professionnelle, par tranches de revenus, par proximité politique), on trouve une majorité d’opinions positives. L’affiliation politique est le critère le plus clivant, puisque c’est le seul où on trouve des résultats en dehors de la fourchette 66/84% (autrement dit, entre 2/3 et 5/6).  

Se distinguent donc, d’une part les proches de la majorité présidentielle (favorables à 92%) et ceux de Reconquête (favorables à 52% seulement).

Les experts ne sont pas convaincus

L’armée n’a jamais été favorable au SNU. Un récent article du Figaro rapporte à ce sujet le point de vue de Michel Goya, colonel retraité et de Bénédicte Chéron, universitaire spécialiste des relations entre l’armée et la société. Les deux pointent une confusion entre le rôle du service militaire (l’apprentissage du métier d’armes) et le discours politique qui le conçoit comme un « rite initiatique servant la cohésion nationale ». Michel Goya n’est en particulièrement pas tendre avec l’idée.

Au-delà de ces remarques, les militaires ne veulent pas perdre le soutien important qu’ils ont aujourd’hui dans l’opinion. Ce n’était pas du tout le cas il y a 50 ans, en particulier parmi les jeunes. A l’époque, l’image majoritaire du service militaire c’était « on n’y fait rien, mais on le fait tôt »et « on y apprend surtout à boire et à fumer ».

Du côté des associations de jeunesse, ou des enseignants, le rejet est également massif, même s’il est parfois plus feutré, ces associations ne cherchant pas forcément à se fâcher avec l’État. Les raisons avancées publiquement sont donc diverses. Mais celle qui est expliquée dans les relations plus personnelles est unanime : le SNU ne peut espérer atteindre les objectifs mis en avant que sur la base du volontariat.

Il y a une contradiction profonde entre la proposition actuelle d’engagement (qui renvoie à l’idée de choix), et un éventuel caractère obligatoire.

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